«Nous ne nous attendions pas à vivre autant d’émotions, tant sur le plan musical que sur le plan humain», raconte l’étudiant au baccalauréat en musique Émile-Loup T. Gravel. Avec 13 de ses collègues, l’étudiant a récemment participé à un séjour en Tunisie dans le cadre du cours Combos d’arrangement donné par le professeur Ons Barnat. «L’objectif était de participer à une série d’ateliers collaboratifs mettant l’accent sur le métissage des répertoires musicaux québécois et tunisiens», explique le professeur, qui avait organisé ce voyage avec sa vis-à-vis Ikbal Hamzaoui, directrice du département de musicologie de l’Institut supérieur de musique de Tunis (ISMT).
Ce séjour en Tunisie faisait partie d’un projet pilote du Service des relations internationales (SRI) de l’UQAM visant à tester une nouvelle formule de courts séjours de mobilité à l’étranger, précise Neko Likongo, directeur du Service. «En 2021, nous avions sondé la population étudiante de l’UQAM au sujet des obstacles à la mobilité étudiante. Les quelques 3 600 étudiantes et étudiants qui avaient répondu au sondage avaient indiqué les dépenses financières comme principal obstacle. En parallèle, nous avions noté leur intérêt à l’égard de cours incluant un court séjour de mobilité à l’étranger.»
Les musiciennes et les musiciens uqamiens ont pu s’envoler vers la Tunisie grâce à un financement d’Expérience compétences mondiales, un programme du gouvernement du Canada visant à favoriser la mobilité sortante des étudiants canadiens.
Un accueil chaleureux
Ons Barnat et Ikbal Hamzaoui croyaient qu’une dizaine d’étudiantes et d’étudiants tunisiens se pointeraient pour accueillir leurs 14 homologues québécois à l’ISMT le lundi 26 février. «Ils étaient plus de 60 lorsque nous sommes arrivés dans l’auditorium!», se rappelle le professeur.
Les deux responsables étaient enchantés, mais aussi déstabilisés: comment former des combos fonctionnels avec autant de musiciennes et musiciens? «Nous avons créé sept combos. Chacun était composé de deux étudiants québécois et de plus d’une dizaine d’étudiants tunisiens. Le plus gros combo comptait 18 musiciens!»
Une surprise attendait aussi les étudiantes et étudiants de l’UQAM. «Dès la première session, nous avons été ébahis par le niveau musical de nos collègues tunisiens. Ils sont tellement bons! Nous nous demandions si nous allions être à la hauteur», raconte le bassiste Jean-Sébastien Pelchat.
Le plaisir de jouer et d’échanger a rapidement pris le dessus. «En s’intéressant à ce que nous pouvions apporter comme contribution musicale, ils ont contribué à rehausser notre jeu et notre performance», observe la chanteuse Steffi Drouin.
«Les étudiants tunisiens étaient tellement sympathiques, ils étaient curieux à notre égard, la connexion a été immédiate, confirme Émile-Loup T. Gravel, qui est aussi bassiste. Dès le premier lunch, plusieurs groupes nous ont invités à se joindre à eux pour manger un morceau et nous faire découvrir la ville.»
Une culture de jam
En côtoyant leurs collègues tunisiens lors de soirées festives, les étudiantes et les étudiants de l’UQAM ont mieux saisi la réalité de ces musiciens qui ont le même âge qu’eux, mais qui sont pourtant en avance musicalement. «Le niveau de vie n’est pas le même qu’ici, analyse Steffi Drouin. Ces jeunes n’ont presque rien, mais ils veulent faire de la musique dans la vie et ils en jouent jour et nuit. C’est pour cela qu’ils progressent à ce rythme.»
«Il existe là-bas une culture du jam qui serait impossible à reproduire ici, renchérit Émile-Loup T. Gravel. Lors d’une soirée, nous nous sommes retrouvés une bonne vingtaine dans un appartement, très tard le soir, à jouer avec batterie, guitares et claviers. Impossible d’imaginer ça à Montréal!»
Hormis les spécificités nationales, la culture musicale est sensiblement pareille. «Nous avons le même bagage musical – nous avons tous écouté Led Zeppelin quand nous avions 15 ans – et nous écoutons les mêmes groupes», illustre Émile-Loup T. Gravel.
Un mercredi touristique
La semaine de sessions musicales intensives a été entrecoupée d’une journée de repos. Le mercredi, le groupe s’est rendu au site archéologique de Carthage et au village pittoresque de Sidi Bou Saïd, qui surplombe la Méditerranée. «Nous avons aussi visité l’Académie des arts de Tunis et la Maison du Baron d’Erlanger, un palais de marbre construit au 19e siècle qui abrite le Centre des musiques arabes et méditerranéennes, raconte Steffi Drouin. C’était magnifique!»
À Sidi Bou Saïd, Ons Barnat a insisté pour que les étudiantes et étudiants goûtent les fameux bambaloni, des beignets trempés dans le sucre. Tout le monde a adoré!
Un concert en trois actes
Le séjour a culminé par la présentation d’un concert auquel ont assisté l’ambassadrice du Canada en Tunisie, Lorraine Diguer, le recteur de l’Université de Tunis, Habib Sidhom, le secrétaire général de l’ISMT, Mohamed Ali Bey, le directeur général de l’enseignement supérieur au sein du ministère tunisien de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (MESRS), Samir Becha, et le directeur général de la coopération internationale au MESRS, Malek Kochlef. «Ces rencontres musicales Québec-Tunisie sont une activité universitaire qui démontre de manière concrète que la musique peut traverser les frontières, qu’elle peut créer un pont entre les différentes cultures pour permettre aux gens de se connecter et de partager des émotions communes, indépendamment de leurs origines», a déclaré la doyenne de la Faculté des arts Joanne Lalonde, qui avait fait le voyage pour assister à l’événement, tout comme Neko Likongo.
Dans le cadre du cours, les étudiantes et les étudiants de l’UQAM devaient réarranger chacun une pièce du répertoire populaire, explique Ons Barnat. «Au début du trimestre, j’avais proposé que la moitié du groupe présente une pièce en première partie du concert en Tunisie, et l’autre moitié en fin de trimestre à l’UQAM», précise-t-il.
Émile-Loup T. Gravel, par exemple, avait réarrangé Like a Virgin, de Madonna. «J’avais le goût de prendre une chanson pop très connue et d’en déconstruire les codes musicaux, explique-t-il. J’ai ralenti la pièce, qui est passé de trois à sept minutes, j’ai modifié des accords et je lui ai donné un air à la Pink Floyd.» Pour sa part, Jean-Sébastien Pelchat avait réarrangé Les yeux noirs de Laurence Jalbert. «J’ai changé la vibe bluesy pour en faire une pièce néo-soul, très groovy», précise-t-il.
Après les performances des étudiantes et étudiants de l’UQAM, les musiciennes et musiciens de l’ISMT qui le souhaitaient avaient la chance de présenter des pièces de leur cru. «Durant la semaine, je m’étais lié d’amitié avec un claviériste, Mehdi, et j’avais entendu ses pièces, raconte Jean-Sébastien Pelchat. Quand je lui ai suggéré d’en présenter une en concert, il m’a dit: “Seulement si tu m’accompagnes!” Nous nous sommes concertés cinq minutes et nous sommes ensuite montés sur scène pour la jouer. C’était magique!»
Les pièces composées durant les ateliers collaboratifs constituaient le bouquet final du concert. «Nous avons réalisé une composition en partant d’une chanson de Richard Desjardins qu’on a combinée avec des accents de musique tunisienne et de musique américaine standard», raconte Jean-Sébastien Pelchat à propos de la création de son combo. Celui d’Émile-Loup T. Gravel a proposé au public une pièce de style marocain, à laquelle ont été ajoutés des éléments de funk.
«Nos collègues tunisiens souhaitaient vivement que la culture québécoise ressorte à travers la leur, souligne Steffi Drouin. Nous avons donc esquissé une pièce à partir d’un reel québécois mélangé avec de la musique tunisienne et des paroles de chansons traditionnelles québécoises. Il y avait une ambiance de cabane à sucre avec des cuillers et de la podorythmie. Nous avons intitulé notre pièce Bambaloni à l’érable !»
Le concert a été une réussite et le séjour a été marquant pour toutes les personnes impliquées, se réjouit Ons Barnat. «Ikbal Hamzaoui m’a confié que nos étudiantes et étudiants ont eu un impact très positif sur le groupe de l’ISMT. Elle était enchantée de revoir certains étudiants qui se faisaient plutôt discrets depuis le début de l’année, mais qui se sont présentés et ont participé à ce jumelage avec intérêt.»
Ons Barnat espère pouvoir accueillir des étudiants de l’ISMT au cours des prochaines années afin de pouvoir leur rendre la pareille. «Une entente de partenariat entre l’UQAM et l’ISMT est en voie d’être conclue», souligne à cet effet Neko Likongo.
On peut visionner les stories Instagram réalisées par Ons Barnat durant le séjour.
D’autres séjours en Allemagne et en Côte d’Ivoire
Le directeur du Service des relations internationales annonce d’autres séjours de mobilité de courte durée. Des étudiantes et étudiants sont présentement à Otzenhausen, en Allemagne. Ce séjour organisé par les professeurs de l’École de langues Britta Starcke et Sebastian Döderlein, dans le cadre des cours L’allemand à travers les sujets d’actualité, Introduction à la compréhension de documents écrits en allemand et Allemand IV, amène les étudiants de l’UQAM à côtoyer leurs collègues de l’Université de Iéna (Allemagne), de l’Université d’Innsbruck (Autriche) et de l’Académie européenne d’Otzenhausen (Allemagne). Une excursion au Luxembourg était également prévue dans le cadre de ce séjour.
Un autre séjour est prévu ce mois-ci à Abidjan, en Côte d’Ivoire, dans le cadre de L’Université d’été sous les baobabs. Le professeur du Département de science politique Issiaka Mandé y donnera le cours Penser les Afriques, pensées d’Afrique, qui abordera les transformations sociales, politiques, économiques et culturelles qui caractérisent les sociétés africaines postcoloniales.