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ChatGPT peut-il aider à l’apprentissage des sciences?

Un enseignant au secondaire évalue l’efficacité de l’agent conversationnel à réfuter de fausses conceptions sur l’effet de serre.

Par Jean-François Ducharme

27 mai 2024 à 11 h 45

Les élèves de quatrième secondaire en science et technologie de l’école Antoine-de-Saint-Exupéry, dans la Pointe-de-l’Île, ont participé à une expérience pédagogique au cours des derniers mois. Afin d’évaluer leurs conceptions sur l’effet de serre, leur enseignant, Jérémie Lockwell (M.Ed. enseignement, 2019), les a divisés en deux groupes. Le premier groupe devait demander à l’agent conversationnel ChatGPT de répondre à une série de questions liées à de fausses conceptions – «est-ce que l’effet de serre est causé par un trou dans la couche d’ozone?», par exemple. Le deuxième groupe apprenait à l’aide de textes de réfutation traditionnels écrits par des humains, expliquant pourquoi chacune des conceptions était fausse. Un prétest et un post-test a vérifié les apprentissages effectués par chacun des groupes.

«Les deux groupes ont eu de meilleurs résultats au post-test qu’au prétest, note Jérémie Lockwell. Par contre, le groupe ayant utilisé ChatGPT a fait des gains plus modestes (hausse moyenne de 10 %), que le groupe ayant appris à l’aide de textes de réfutation traditionnels, dont les résultats ont augmenté de 20 %.»

Même si son expérience tend à démontrer que les textes de réfutation traditionnels sont plus efficaces que les agents conversationnels, l’enseignant met un bémol sur ces conclusions. «Ma recherche était exploratoire et limitée, mentionne-t-il. Le prétest et le post-test n’ont pas été validés statistiquement, les élèves n’avaient pas été entraînés au préalable à l’utilisation de ChatGPT et il n’y a pas eu de post-test différé pour voir si les connaissances persistent dans le temps. Ce sont des éléments que je souhaite affiner au cours des prochaines années.»

Un colloque sur la formation scientifique au secondaire

La recherche de Jérémie Lockwell s’inscrit dans le cadre du projet Partenariat pour le développement et la réussite de la formation scientifique au secondaire, dirigé par le professeur du Département de didactique Patrice Potvin. Le projet, qui s’échelonnera jusqu’en 2030 et qui regroupe 12 centres de services scolaires, 3 associations, 4 centres et chaires de recherche et 5 universités, a obtenu un financement d’un peu plus de 1,8 million de dollars du CRSH l’an dernier. «L’objectif est d’initier les enseignantes et enseignants de science et technologie au secondaire à la recherche scientifique», mentionne Patrice Potvin.

Durant l’année scolaire, une trentaine d’enseignantes et d’enseignants de la grande région de Montréal ont développé un projet de recherche qui les intéressait ou qui répondait à un enjeu vécu en classe. «Ils ont été invités à consulter la littérature sur le sujet et à utiliser les données probantes», souligne le professeur.

L’ensemble des projets ont été présentés dans le cadre du premier colloque annuel du Partenariat, qui s’est tenu à l’UQAM, le 24 mai dernier. Le recteur Stéphane Pallage, le scientifique en chef du Québec Rémi Quirion, la doyenne désignée de la Faculté des sciences de l’éducation Annie Dubeau et le spécialiste de la didactique des sciences Marcel Thouin ont prononcé un mot en ouverture du colloque.

En plus de la recherche sur ChatGPT menée par Jérémie Lockwell, des projets portant sur une multitude de sujets scientifiques ont été présentés: les propriétés de la matière, le corps humain, les circuits électriques, le magnétisme… «La mise en commun des projets et le partage des expériences vécues peuvent inspirer des collègues, qui pourront à leur tour adapter les activités dans leurs classes», mentionne Patrice Potvin.

Combiner l’enseignement et la recherche est bénéfique pour tous, croit le professeur. «Les élèves développent une meilleure compréhension des concepts scientifiques, ce qui améliore leur réussite scolaire, affirme-t-il. Pour les enseignantes et enseignants, mener ces projets permet d’améliorer leurs pratiques et d’évaluer leurs élèves autrement que par des résultats d’examens.»