Les athlètes de haut niveau doivent constamment prendre des décisions en une fraction de seconde. Prendre une bonne décision équivaut souvent à la victoire et, à l’inverse, une mauvaise décision peut mener à la défaite. La fatigue peut influencer le processus, mais pas seulement. «D’autres facteurs, tels que la pression, le stress, la régulation des émotions et l’imprévisibilité des environnements de compétition, jouent un rôle important», affirme la doctorante en biologie Lily Dong.
Comment peut-on se préparer à l’imprévisible? Et comment faire en sorte que la prise de décision des athlètes soit optimale dans n’importe quelle situation? Un projet de recherche mené par Lily Dong avec l’équipe nationale de water-polo a tenté de répondre à ces questions. Créé en collaboration avec l’Institut national du sport et Water Polo Canada, le projet CHAOS – pour Constraints-led Holistic Approach to Overcoming Stressors, un titre que l’on pourrait traduire par «Miser sur des contraintes pour s’opposer au stress dans une approche holistique» – vise à maintenir la résilience de la prise de décision dans des environnements imprévisibles. Ce projet a fait l’objet d’un reportage diffusé à l’émission Découverte, le 6 octobre dernier.
Lily Dong a toujours aimé le sport, ayant elle-même pratiqué la nage synchronisée à un haut niveau dans sa jeunesse. Sa passion pour le sport l’a amenée à étudier au baccalauréat en kinésiologie à l’Université Western, à London, en Ontario, puis à la maîtrise en sciences de l’activité physique à l’Université McGill. C’est dans le cadre de sa maîtrise qu’elle est entrée en contact avec l’équipe canadienne de water-polo et avec le professeur du Département des sciences de l’activité physique Nicolas Berryman. Ce dernier lui a offert de faire son doctorat sur un sujet lié à des réalités vécues par l’équipe.
Une approche collaborative
«J’ai toujours eu une approche collaborative avec l’équipe, souligne Lily Dong. J’apporte une expertise scientifique, mais ce sont les entraîneurs et les athlètes qui connaissent mieux leur sport et les enjeux qu’ils vivent. C’est en travaillant ensemble qu’on va produire quelque chose de pertinent.»
Lily Dong a commencé son doctorat au début de 2021 et a voyagé avec l’équipe pour participer à des compétitions internationales – Championnats du monde, Jeux panaméricains – dès mars 2022. Le projet CHAOS, qui fait suite à une série d’autres projets (entre autres sur la fatigue, sur l’agilité et sur les changements de direction en water-polo), a débuté au printemps 2023.
L’originalité de CHAOS est que la doctorante crée, en collaboration avec l’équipe d’entraîneurs, des exercices introduisant des touches d’imprévisibilité et d’incertitude, tout en développant des habiletés tactiques.
Des entraînements plus représentatifs de la réalité
«Nos entraînements sont plus représentatifs de la réalité des compétitions, tant dans les dimensions physiques, cognitives qu’émotionnelles», affirme Lily Dong.
D’abord, on divise les équipes en deux (une équipe offensive et une équipe défensive) pour tester différents scénarios. Parfois, un nouveau joueur ou une nouvelle joueuse entre dans le jeu sans crier gare ou bien l’équipe à l’attaque utilise une stratégie non conventionnelle, qui déstabilise l’équipe défensive. D’autres fois, on modifie l’ambiance de jeu en ajoutant une musique dérangeante ou le son d’une foule hostile. À d’autres moments, on change la façon de compter les points selon l’endroit où le tir est pris, ou on ajoute une troisième équipe! «Après les entraînements, nous organisions des groupes de discussions avec les athlètes et le personnel d’entraînement pour voir quelles décisions avaient été prises dans telle ou telle situation», précise la doctorante.
Un accueil favorable
Le projet a reçu un accueil favorable à la fois des entraîneurs et des athlètes, qui ont apprécié résoudre des problèmes dans toutes sortes de situations. «Par contre, c’est difficile de mesurer l’impact de ce projet sur les performances sportives, constate Lily Dong. D’autres interventions avaient lieu en même temps, alors on ne peut pas évaluer CHAOS de façon isolée.»
Lors des Jeux olympiques de Paris, l’été dernier, l’équipe féminine canadienne a terminé en huitième place, sensiblement le même résultat que lors des Jeux de Tokyo 2020. «Malgré des résultats mitigés, je crois que ce genre de projet est très prometteur à long terme, estime Lily Dong, qui soutiendra sa thèse doctorale en décembre 2024. Je ne sais pas si CHAOS sera reconduit par la Fédération de water-polo, mais je verrais très bien un projet similaire adapté à un autre sport, ou même à des professions qui nécessitent une prise de décision sous pression.»