La motivation à écrire des élèves décline entre le primaire et le secondaire, démontre une étude publiée par le ministère de l’Éducation en 2015. «L’une des hypothèses pouvant expliquer cette baisse du plaisir d’écrire est que les activités d’écriture au secondaire sont souvent calquées sur l’épreuve ministérielle, dont le cadre est très rigide», affirme la professeure du Département de didactique des langues Katrine Roussel.
Imposée à tous les élèves de deuxième et de cinquième secondaire du Québec, cette épreuve, qui vise à évaluer la maîtrise de leurs compétences en écriture, repose sur des paramètres bien définis. «Il s’agit souvent d’une lettre ouverte dans laquelle l’élève prend position par rapport à une question sociale, souligne la professeure. La lettre doit contenir un nombre précis d’arguments, s’appuyer sur des experts, s’adresser à un vrai destinataire et l’introduction “parfaite” comprend un sujet amené, posé et divisé.»
Or, cette façon d’écrire n’est pas la seule que l’on rencontre dans la réalité, déplore Katrine Roussel. «Les lettres d’opinion dans les journaux se présentent parfois sans introduction ou ne s’appuient pas sur des experts, illustre la chercheuse. Obliger les élèves à utiliser la même formule figée peut aller à l’encontre de leur raisonnement naturel et contraindre le développement de leur logique.»
Documenter les pratiques d’une équipe-école
Une grande proportion d’enseignantes et d’enseignants proposent des activités d’écriture qui s’apparentent au format prescrit par le Ministère afin de bien préparer leurs élèves à l’épreuve de fin d’année. «Plusieurs se sentent obligés d’enseigner la recette toute faite, surtout les enseignantes et enseignants en début de carrière», mentionne Katrine Roussel.
La chercheuse et sa collègue Sylvie Marcotte, de l’Université du Québec en Outaouais, souhaitent creuser la question. Leur projet L’évaluation de l’écriture: une recherche écocollaborative pour comprendre les pratiques enseignantes au secondaire a récemment obtenu une subvention de 36 000 dollars du programme Développement Savoir du CRSH. «Nous voulons savoir comment l’évaluation de l’écriture est vécue sur le terrain, explique Katrine Roussel. Quels facteurs influencent les choix évaluatifs? Est-ce qu’on se permet plus de liberté sur la nature des textes en première secondaire que plus tard durant la scolarité? Est-ce que les outils utilisés pour évaluer les productions écrites sont des grilles de correction, d’auto-évaluation ou d’évaluation par les pairs?»
Les chercheuses souhaitent démarrer le projet dès l’automne 2024. Elles suivront une équipe d’une école publique de Montréal (des centres de services scolaire de Montréal, Marguerite-Bourgeoys ou de la Pointe-de-l’Île) durant une année complète, de la rentrée de septembre jusqu’aux évaluations ministérielles de juin. Des entretiens semi-dirigés individuels et de groupes sont prévus à quelques moments durant l’année, et les personnes qui le souhaitent pourront contribuer aux publications des résultats de recherche dans des revues scientifiques. Point important: l’équipe doit compter au minimum une enseignante ou un enseignant volontaire pour chaque niveau, de la première à la cinquième secondaire.
«L’étude écocollaborative considère les chercheuses et l’équipe enseignante sur le même pied d’égalité, précise Katrine Roussel. L’objectif n’est pas de modifier les pratiques, mais bien de dresser un portrait de la situation, de mettre en lumière les enjeux et d’aider les enseignantes et enseignants à s’émanciper des contraintes. Et, qui sait, peut-être que l’étude pourra faire modifier les pratiques évaluatives du Ministère?»
Les personnes intéressées à participer à cette étude sont invitées à en discuter avec leur direction, puis à écrire à Katrine Roussel à l’adresse roussel.katrine@uqam.ca.
À la recherche de candidates et de candidats à la maîtrise
Les étudiantes et étudiants qui souhaitent s’inscrire à la maîtrise en éducation, à la maîtrise en enseignement ou à la maîtrise en didactique des langues et qui ont un intérêt pour l’évaluation de l’écriture, le rapport à l’écriture ou encore les pratiques d’enseignement de l’écriture au secondaire sont également invités à contacter Katrine Roussel. «Ce projet et d’autres en démarrage ou en cours pourraient les intéresser», conclut la professeure.