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Percer les mystères moléculaires des microalgues

Alexandre Poulhazan et Isabelle Marcotte comptent parmi les signataires d’une étude publiée dans Nature Communications.

Par Pierre-Etienne Caza

11 avril 2024 à 8 h 41

Bien qu’elles existent depuis des millions d’années, les microalgues – ces algues microscopiques que l’on retrouve dans les cours d’eau douce et d’eau salée de la planète – n’ont pas encore livré tous leurs secrets. Dans le cadre de son doctorat en biochimie, Alexandre Poulhazan (Ph.D. biochimie, 2022) s’est donné comme objectif d’obtenir une cartographie moléculaire complète de la microalgue Chlamydomonas reinhardtii. L’un des articles tirés de sa thèse, publié récemment dans la prestigieuse revue Nature Communications, s’intéressait plus spécifiquement à la paroi de la microalgue en question. «Pour comprendre les interactions des microalgues avec les contaminants, ou pour accéder à ce qu’elles produisent comme nutriments, il faut d’abord percer le mystère de la composition de leur paroi cellulaire», explique-t-il.

«Les microalgues constituent une biomasse renouvelable pouvant produire du biocarburant ou servir de source nutritive alternative, mais pour pouvoir les utiliser à grande échelle, il importe de mieux comprendre leur architecture moléculaire», observe la professeure du Département de chimie Isabelle Marcotte, qui figure parmi les cosignataires de l’article avec l’agent de recherche et chargé de cours du Département de chimie Alexandre A. Arnold, le professeur associé Dror E. Warschawski ainsi que des collaborateurs américains et danois.

Dans son laboratoire, où a travaillé Alexandre Poulhazan, la professeure tente de mieux comprendre les interactions entre les microalgues, qui sont à la base de la chaîne alimentaire, et les contaminants marins qu’elles peuvent absorber et refiler aux autres espèces qui les ingèrent.

Une paroi de glycoprotéines

Dans le cadre de l’étude, Alexandre Poulhazan a utilisé des microalgues provenant de banques américaines et françaises. «Nous avons choisi d’étudier Chlamydomonas reinhardtii parce qu’elle est bien connue et qu’elle est l’équivalent de Escherichia coli (E. coli) chez les bactéries, illustre le chercheur. Il existait des données de base sur cette microalgue et on peut la modifier génétiquement pour lui faire produire des molécules d’intérêt, comme des protéines. Mais pour extraire ces molécules, on doit comprendre la composition de sa paroi et la déconstruire.»

Grâce aux analyses par résonance magnétique nucléaire (RMN) effectuées en majeure partie à l’UQAM ainsi qu’au National High Magnetic Field Laboratory, situé à Tallahassee, en Floride, Alexandre Poulhazan a pu démonter Chlamydomonas reinhardtii comme un Lego. «Je me suis d’abord attardé à ses réserves d’énergie – l’amidon et les sucres qu’elle accumule – pour ensuite tenter de percer les mystères de sa paroi», raconte le chercheur, qui vient de terminer un postdoctorat à l’Université de Stanford, en Californie.

Les résultats révèlent que la paroi de Chlamydomonas reinhardtii est constituée de glycoprotéines, des molécules composées par la liaison entre une protéine (un ensemble d’acides aminés) et un glucide (sucre). «Après avoir analysé la composition de la paroi, nous pouvons créer des enzymes dont le rôle sera de dégrader les chaînes de sucre et digérer la paroi, laissant le chemin libre pour accéder à ce que la microalgue produit», explique Alexandre Poulhazan.

Le jeune chercheur estime que cette découverte permettra à ceux et celles qui misent sur les microalgues pour le futur de pouvoir en tirer parti à grande échelle le cas échéant.

Poursuite de l’étude sur les contaminants

L’intérêt de la thèse d’Alexandre Poulhazan est qu’il a réalisé ses expériences sur des microalgues en milieu hydraté, ce que permet la RMN. «Il ne fallait pas assécher la microalgue au cas où cela aurait modifié des éléments de sa structure, précise-t-il. Et avec la RMN, nous avons pu constater que certaines régions de la paroi étaient plus flexibles que d’autres, que certaines parties étaient davantage en contact avec l’eau.»

Il s’agissait là d’informations précieuses, car les secrets de la paroi étant dévoilés, Isabelle Marcotte pourra désormais mettre les microalgues en contact avec des contaminants, comme des nanoplastiques ou des métaux, et observer ces interactions en laboratoire. Il ne lui reste plus qu’à trouver une autre étudiante ou un autre étudiant aussi motivé, patient et tenace qu’Alexandre Poulhazan, qui avait mené d’autres projets en parallèle durant sa thèse, dont celui sur les mystères de la slime du ver de velours.