Maxim Bonin
Ph.D. communication, 2024
Titre de sa thèse: «Un temps à New York: rythmes et processus des temps des scènes musicales new-yorkaises»
Direction de recherche: Martin Lussier, professeur au Département de communication sociale et publique
À l’époque où il faisait de la radio étudiante à l’Université Laval, au tournant des années 2000, Maxim Bonin connaissait les groupes à la mode comme The Strokes, Yeah Yeah Yeahs, LCD Soundsystem, Interpol et Vampire Weekend. «Je ne me doutais pas que tous ces groupes étaient associés à une scène musicale new-yorkaise en particulier. Le concept même de scène musicale m’était complètement étranger», observe celui qui est aujourd’hui professeur en création et nouveaux médias à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue et directeur du Confluences.lab.
C’est en lisant l’ouvrage Meet Me in the Bathroom (Harper Collins, 2018) de la journaliste musicale américaine Lizzy Goodman qu’il a pris connaissance de l’existence et de l’histoire de cette scène rock new-yorkaise des années 2001-2011. Sa lecture l’a poussé à vouloir comprendre les dynamiques sous-jacentes au phénomène: quelle avait été l’influence de la ville sur cette scène musicale et inversement? À quel point les médias numériques, dont les webzines – ces magazines uniquement publiés sur le web par des amateurs ou des journalistes, comme Pitchfork – avaient-ils contribué à sa création et à son déploiement?
Développé au début des années 1990, le concept de scène musicale fait appel aux dimensions locale et translocale, ce qui permet de les situer géographiquement, explique Maxim Bonin. Un peu plus tard, avec le développement du web, on y a ajouté une dimension virtuelle. «Un blogue, un fanzine ou un webzine consacré à une scène musicale disparue dans une ville donnée, par exemple, peut remettre au goût du jour les groupes de l’époque en publiant d’anciennes affiches promotionnelles ou en donnant accès aux chansons, lesquelles ne sont peut-être plus accessibles dans les catalogues traditionnels», illustre-t-il.
Une première série d’entretiens
La pandémie a failli jouer les trouble-fêtes dans le parcours doctoral de Maxim Bonin, qui devait se rendre à New York à l’été 2020 pour y effectuer ses premières entrevues. «Ce fut un mal pour un bien, raconte-t-il, car j’ai pu réaliser des entrevues à distance avec des gens qui n’auraient pas eu le temps de me parler s’il n’y avait pas eu de confinement: des gérants de bars et de salles de spectacles, des bookers et des gens de MTV qui ont répondu à mon appel à tous sur différents groupes Facebook.»
Les témoignages recueillis ont permis au doctorant de constater que la scène musicale new-yorkaise du début des années 2000 ne pouvait se résumer à ses têtes d’affiches présentées dans l’ouvrage de Goodman. «La scène dont elle traite dans son ouvrage s’est édifiée à partir du moment où ledit ouvrage a été publié. Il fallait donc que j’y ajoute une autre dimension, que je l’appréhende à travers ses différentes temporalités.»
Les scènes musicales peuvent échanger entre elles à travers le temps, observe Maxim Bonin. «Lizzy Goodman établit plusieurs parallèles entre la scène new-yorkaise du début des années 2000 et la scène punk qui s’est développée à la fin des années 1970 autour du célèbre club CBGB dans le Lower East Side.»
En réexplorant le concept de scène musicale à travers ses différentes temporalités, le chercheur a confirmé «qu’une scène peut naître, ou renaître, à travers des blogues, des ouvrages ou d’autres médias numériques, et qu’elle continue à exister à travers le temps même si elle n’existe plus à proprement parler dans la ville au moment où on la consacre comme telle», explique-t-il.
Une visite à New York
Maxim Bonin a pu se rendre à New York en avril 2022 pour une deuxième série d’entretiens. «C’est là que j’ai compris que les différents ouvrages consacrés au phénomène avaient associé la scène indie rock de l’East Village (la «trinité» new-yorkaise composée des groupes The Strokes, The Yeah Yeah Yeahs et Interpol) au mouvement électro-clash de Brooklyn (avec LCD Soundsystem). Pourtant, les réalités sur le terrain étaient complètement différentes entre les deux scènes, selon les personnes que j’ai interviewées. Il est donc préférable de parler des scènes musicales new-yorkaises de ces années-là.»
En plus de contribuer à mieux définir le concept de scène musicale, sa thèse aborde les effets d’embourgeoisement survenus dans le Lower East Side. «On se sert de la nostalgie de la scène punk ou indie rock pour attirer des gens dans un quartier, mais forcément la gentrification qui s’ensuit tue tout ce qui pouvait rester de la scène musicale en question», déplore le chercheur.