On sait depuis la Guerre froide que l’utilisation d’armes nucléaires lors d’un éventuel conflit constituerait une menace pour la vie sur Terre. On évoque immanquablement la destruction mutuelle des pays impliqués et la perte directe de vies humaines, mais on tend à oublier que des effets délétères se feraient également sentir à moyen et long terme, notamment sur l’environnement et le climat. «Les impacts climatiques seraient largement déterminés par le refroidissement de l’atmosphère terrestre en raison de la fumée persistante après les explosions nucléaires, fumée qui bloquerait les rayons du soleil», explique Francesco S.R. Pausata.
Le professeur du Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère a obtenu récemment une subvention d’un peu plus de 415 000 dollars américains (un peu plus de 570 000 dollars canadiens) de l’organisme américain Future of Life Institute afin de mener un projet de recherche sur les impacts climatiques d’une éventuelle guerre nucléaire. «Ces impacts dépendraient fortement de la quantité, de la composition, de la distribution géographique et verticale, et de la durée de vie des aérosols émis dans l’atmosphère, précise-t-il. Ce projet de recherche vise à améliorer notre compréhension générale des interactions aérosols-climat.»
Des incendies urbains à grande échelle
Advenant un conflit nucléaire, la plupart des bâtiments et constructions des régions touchées seraient incendiés. «Il existe très peu de données disponibles sur les incendies urbains à cette échelle, observe Francesco S.R. Pausata. Tout ce que nous avons concerne les incendies de forêt, qui ne sont pas comparables en matière de rejets atmosphériques.»
Le chercheur compte simuler différents conflits potentiels, opposant les États-Unis et la Russie, ou l’Inde et le Pakistan, par exemple. «Nous simulerons ces incendies nucléaires à l’aide de modèles informatiques en collaboration avec d’autres centres de recherche aux États-Unis et au Royaume-Uni, précise-t-il. Puis, avec des collègues de l’Université de Toronto et d’Environnement et Changement climatique Canada à Victoria, nous analyserons les impacts climatiques des aérosols émis, ce qui nous permettra d’améliorer le modèle canadien du système terrestre (CanESM).»
Les répercussions d’un refroidissement climatique dû à la fumée persistante du feu nucléaire auraient un impact sur la capacité des humains à faire pousser plantes et grains, ou à pratiquer l’élevage d’animaux. «En partageant nos données avec d’autres chercheurs, ceux-ci pourront estimer les effets sur la disponibilité alimentaire dans chaque région du monde susceptible d’être affectée par les suites d’une guerre nucléaire», conclut Francesco S.R. Pausata.