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Le nationalisme banal sous la loupe

«Le nationalisme est toujours constitutif des sociétés, même quand on a l’impression qu’il n’est pas actif.»

Série

Acfas 2024

Par Marie-Claude Bourdon

7 mai 2024 à 14 h 22

Par opposition aux manifestations flagrantes de nationalisme, le nationalisme banal s’exprime dans des choses ordinaires du quotidien. «Le drapeau américain devant un bureau de poste aux États-Unis, les timbres montrant des héros nationaux, les étiquettes de bière au Québec qui font référence à des moments historiques, tous ces symboles qui nous ramènent au récit national sont des exemples de nationalisme banal», explique le professeur du Département de sociologie Frédérick Guillaume Dufour.

Le concept (qu’on nomme parfois nationalisme ordinaire) est né avec la publication de l’ouvrage Banal Nationalism de l’essayiste britannique Michael Billig, en 1995. «Il nous rappelle que le nationalisme est toujours constitutif des sociétés, même quand on a l’impression qu’il n’est pas actif», remarque le professeur, coresponsable, avec ses collègues Efe Peker et Luc Turgeon, de l’Université d’Ottawa, du colloque Le nationalisme banal au Québec et au Canada (13 et 14 mai).

Ce nationalisme banal, qui se manifeste dans la vie quotidienne de manière subtile et omniprésente, forme nos repères et la trame à travers laquelle on conçoit la politique, poursuit le sociologue. «Après, en temps de crise, il est plus facile pour les politiciens d’activer nos sentiments nationalistes.»

Certaines réactions entourant la loi sur la laïcité relèvent-elles du nationalisme banal? La question sera soulevée lors d’une présentation sur la loi 21 et le racisme systémique animée, entre autres, par la sociologue Maryse Potvin, professeure au Département d’éducation et formation spécialisées et cotitulaire de la Chaire France-Québec sur les enjeux contemporains de la liberté d’expression, une spécialiste des rapports ethniques. Elle fera également partie d’une autre présentation, où il sera question des polémiques sur la liberté académique et de l’exemple du mot en «n».

Le colloque s’intéressera aussi aux expressions de nationalisme banal au Canada. Félix Mathieu (Ph.D. science politique, 2020), professeur à l’Université de Winnipeg, se penchera sur les réactions dans les éditoriaux et lettres d’opinion du Canada anglais à l’adoption au Québec des lois 21 et 95.

«Même si le Canada se présente comme un État postcolonial, on y observe de nombreuses manifestations de nationalisme banal», affirme Frédérick Guillaume Dufour, qui fera lui-même une présentation sur le «nationalisme pétromasculiniste». «En Alberta, par exemple, l’industrie pétrolière nationalise le discours sur le pétrole en cherchant à présenter le pétrole albertain comme une source d’énergie éthique par rapport au pétrole saoudien. Un certain marketing pétropopuliste laisse aussi entendre qu’un homme ne peut pas être masculin s’il conduit une voiture électrique.»

De même, les efforts visant à relier la production pétrolière, à travers le pipeline Transmountain, à la réconciliation avec les peuples autochtones font partie du branding pétronationaliste canadien, poursuit le sociologue.

D’autres présentations s’intéresseront aux tweets du chef conservateur Pierre Poilievre, au convoi de la liberté à Ottawa, au nationalisme banal dans le patrimoine immatériel ou au nationalisme banal ailleurs dans le monde.

Le colloque sera également l’occasion de lancer l’ouvrage Populisme et sciences sociales (Presses de l’Université d’Ottawa), dirigé par Frédérick Guillaume Dufour et Efe Peker.