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Fabrice Brunet, nouveau vice-recteur associé au Développement des sciences de la santé

Selon l’ex-p.-d.g. du CHUM, l’UQAM a la possibilité d’innover pour mieux répondre aux besoins de la population en santé.

Par Marie-Claude Bourdon

26 avril 2024 à 8 h 03

Mis à jour le 30 avril 2024 à 15 h 35

Le nouveau vice-recteur associé au Développement des sciences de la santé de l’UQAM ne manque pas d’enthousiasme. Nommé le 25 avril par le Conseil d’administration, Fabrice Brunet est convaincu de la pertinence de développer à l’UQAM l’axe des sciences de la santé afin de mieux répondre aux nouveaux besoins de la population. Pour lui, l’Université est dans une excellente position pour apporter la nouvelle vision dont le système de santé a besoin.

Fabrice Brunet a une feuille de route impressionnante. Président-directeur général du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) de 2018 à 2023, et du Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine de 2015 à 2018, il a aussi été président du Réseau universitaire intégré de santé et de services sociaux de l’Université de Montréal de 2015 à 2023. Avant d’arriver à Montréal, il a exercé la médecine à Toronto en tant que chef du département de réanimation et de soins intensifs ainsi que directeur médical du programme de télémédecine de l’Hôpital St. Michael, de 2002 à 2009.

Fabrice Brunet a été formé à Paris en médecine, où il a poursuivi des études spécialisées en cardiologie, en médecine d’urgence et en réanimation médicale. Il a également occupé diverses fonctions en enseignement et en recherche tant à Paris, à l’Hôpital Cochin-Port Royal et à la Faculté de médecine de l’Université Paris 5, qu’à Toronto et Montréal.


Une vision axée sur la prévention et le maintien de la santé

Au-delà de ses expériences et de ses compétences, c’est la vision qu’il a défendue tout au long de sa carrière qui l’a mené à l’UQAM: une vision axée non seulement sur la guérison des maladies, mais aussi sur leur prévention et sur le maintien de la santé. «La santé ne se définit pas seulement par l’absence de maladies, souligne-t-il. C’est un état permanent d’équilibre à la fois physique, mental et social. Et pour bien le comprendre, il faut s’intéresser à tous ces aspects.»

«La santé ne se définit pas seulement par  l’absence de maladies. C’est un état permanent d’équilibre à la fois physique, mental et social. Et pour bien le comprendre, il faut s’intéresser à tous ces aspects.»

Au Québec, comme partout dans le monde, le système de santé est, selon lui, trop orienté sur la maladie. «Dans ce système créé il y a une cinquantaine d’années, il y a énormément de très bonnes choses qui se font, dit-il, mais essentiellement pour combattre la maladie, et pas assez du côté de la prévention et du maintien de la santé.»

À son avis, les choses sont cependant en train de changer. «Au jour d’aujourd’hui, et le moment n’est pas sans importance, si l’on veut concevoir de nouveaux développements dans le domaine des sciences de la santé, il faut considérer où nous en sommes dans l’évolution du système de santé actuel et bien définir comment il doit évoluer pour répondre aux besoins de la population, qui ont changé.»

Autrefois, le système de santé soignait surtout des maladies aigües, rappelle le médecin. Aujourd’hui, on soigne de plus en plus souvent des personnes atteintes de maladies chroniques ou des patients dont on a traité le stade aigu de la maladie, mais qui demeurent avec des états complexes qui exigent des soins prolongés. «Par exemple, on va stabiliser les personnes souffrant de maladies cardiaques ou infectieuses aigües, mais elles seront souvent sources de maladies chroniques qui nécessiteront des soins toute leur vie», explique Fabrice Brunet.

Or, ces maladies aigües peuvent, dans plusieurs cas, être prévenues ou contrôlées par l’élimination de facteurs de risque tels que le tabagisme, le stress ou la mauvaise alimentation, la vaccination ou d’autres mesures. D’où l’importance de miser davantage sur la prévention des maladies et le maintien de la santé.


Des obstacles

Les obstacles sont nombreux pour faire évoluer le système, concède le vice-recteur associé. La demande de soins pour traiter les maladies accapare tellement de ressources qu’il en reste peu pour la prévention et la santé publique. «Toutefois, relève-t-il, si on investissait de façon plus conséquente en prévention et en promotion de la santé, on aurait plus de succès et le système coûterait moins cher.»

Il y a aussi la difficulté de démontrer les avantages de la prévention et de la promotion de la santé. En effet, si cela fonctionne, la maladie n’arrive pas, et on peut penser qu’on a fait un investissement qui n’était pas nécessaire!

Quand on parle de prévention et de promotion de la santé, le nombre de secteurs où l’on doit intervenir – conditions de logement, qualité de l’alimentation, transport, pollution atmosphérique, activité physique – constitue un autre obstacle. «La promotion de la santé intéresse tous les ministères d’un gouvernement, pas seulement le ministère de la Santé», souligne le vice-recteur.

Amené à voyager dans divers pays pour observer ce qui se fait au sein des systèmes de santé, Fabrice Brunet constate toutefois une volonté de changement. «Au Japon, on est très orienté vers le maintien en santé de la population, notamment des personnes âgées, dit-il. C’est pareil au Danemark et en France, où on est en train de reconsidérer complètement le système de soins.»


Un rôle pour l’UQAM

Au Québec, la réflexion a commencé, y compris au gouvernement. «C’est là où l’UQAM peut jouer un rôle extrêmement important, affirme-t-il. Grâce à la vision du recteur Stéphane Pallage, on va pouvoir créer un nouveau programme des sciences de la santé et ce programme arrive au bon moment. À la fois au sein du système lui-même et en réponse aux besoins de la population, il y a une occasion à saisir pour élargir ce concept de la maladie à la santé.»

Puisque les besoins de la population ne sont plus les mêmes, les réponses doivent évoluer, insiste Fabrice Brunet. Sur le plan des soins, il faut pouvoir répondre aux besoins des personnes souffrant de maladies aigües, de maladies chroniques et de maladies complexes. En prévention et en promotion de la santé, il faut concevoir des programmes qui maintiennent en santé physique, mentale et sociale.

«Une personne qui arrive aux urgences se présente souvent avec une association de problèmes, observe le médecin. Elle peut souffrir d’une maladie cardiaque ou pulmonaire, mais son problème peut également avoir des dimensions mentales et sociales. Ainsi une personne en situation d’itinérance voudra parfois en même temps obtenir un diagnostic pour sa maladie, un abri pour se protéger du froid et un soutien psychosocial. Et souvent, selon l’origine ethnique de la personne, il faudra adapter notre réponse.»

Plusieurs personnes travaillant dans le système de santé ne s’y retrouvent plus, observe Fabrice Brunet. Un sentiment qui peut mener au désintérêt, à l’abandon de la profession, aux pénuries de personnel. «D’où la nécessité de redonner du sens à la pratique pour mieux répondre aux besoins des patients, mais aussi aux besoins des professionnels», croit le vice-recteur.


Une véritable approche collaborative

Pour cela, il défend l’adoption d’une véritable approche collaborative dans les soins de santé. «L’approche collaborative ne se résume pas à faire intervenir une succession de différents experts, dit-il, mais elle nécessite de travailler ensemble avec le patient, la famille, l’entourage, dans une vision d’intégration de toutes les compétences pour trouver la meilleure solution adaptée au problème. C’est toute la culture qui doit changer.»

L’UQAM, une université révolutionnaire dans sa façon de penser, d’agir et de remettre en cause des paradigmes considérés par d’autres comme immuables, a ce qu’il faut pour incarner cette nouvelle vision en santé.

Selon lui, l’UQAM, une université révolutionnaire dans sa façon de penser, d’agir et de remettre en cause des paradigmes considérés par d’autres comme immuables, a ce qu’il faut pour incarner cette nouvelle vision. Une vision qui embrasse à la fois les réponses à apporter aux besoins de la population et des patients, la motivation et le sens pour les équipes du système de santé, et, sur le plan économique, l’optimisation de l’utilisation des ressources pour que les investissements du gouvernement aboutissent aux meilleurs résultats possibles. «Sans cela, dit-il, les systèmes actuels ne seront pas pérennes.»

L’UQAM est aussi bien placée, selon le vice-recteur associé, pour contribuer à l’apport des nouvelles technologies – robotique, intelligence artificielle, réalité virtuelle – au domaine de la santé. «Les technologies d’intelligence artificielle, par exemple, sont appelées à jouer un rôle de plus en plus grand en santé. Or, il existe plusieurs éléments à l’UQAM qui vont permettre l’intégration de ces technologies tout en respectant la dimension humaine et éthique.»

Mettre en place une nouvelle vision du système de santé implique des éléments de transformation et de gestion du changement, souligne Fabrice Brunet. «Or, là encore, il y a toute une expertise en gestion à l’UQAM, notamment en gestion des organisations. Et ce n’est qu’un autre exemple de ce que l’Université peut apporter.»


Mise en commun des ressources

Pour remplir son mandat, qui s’échelonne sur trois ans, le vice-recteur associé misera sur une mise en commun de toutes les ressources qui existent à l’UQAM. «Tout ce que je viens de vous dire ne pourra se réaliser que si les différentes composantes de l’UQAM sont intéressées par ce projet et veulent y participer.»

Comme il l’a toujours fait au cours de sa carrière, Fabrice Brunet compte aller rencontrer les équipes du terrain, leur demander quelles sont leurs visions, leurs solutions, et mettre ensemble leurs idées pour amener le projet, par fertilisation croisée, à prendre forme.

C’est à la fois un honneur et un grand plaisir de venir dans cette université, parce qu’on va penser et agir différemment. Il y a très peu de situations où l’on se dit que l’on va pouvoir créer quelque chose de nouveau, et là, c’est le cas.

«Pour moi, c’est à la fois un honneur et un grand plaisir de venir dans cette université, parce qu’on va penser et agir différemment, dit Fabrice Brunet. Il y a très peu de situations où l’on se dit que l’on va pouvoir créer quelque chose de nouveau, et là, c’est le cas. Il y a un projet à l’UQAM, un projet de société innovant dont l’objectif est d’améliorer la santé de la population grâce à un système plus performant, plus accessible et plus humain. Et c’est ce qui me motive depuis toujours.»