En théorie, les organismes communautaires devraient être pleinement autonomes quant au choix de leurs priorités. En pratique, le milieu communautaire est soumis à diverses contraintes qui peuvent freiner son indépendance. Sur le plan financier, par exemple, les organismes du domaine de la santé et des services sociaux sont subventionnés en bonne partie par le ministère de la Santé et des Services sociaux via son Programme de soutien aux organismes communautaires. D’autres sont financés par des institutions philanthropiques dont les motivations ne sont pas en parfaite harmonie avec leur mandat premier. «Pour survivre, de plus en plus d’organismes doivent dévier de leur mission et modifier leurs priorités», affirme Isabelle Ruelland, professeure à l’École de travail social.
Outre les contraintes politiques et de financement, les organismes font face à divers enjeux, entre autres les conditions de travail et d’emploi difficiles de leur personnel ainsi que la baisse de l’engagement citoyen et de la mobilisation sociale. «La montée de l’individualisme dans nos sociétés fait en sorte qu’on s’intéresse moins qu’avant aux enjeux de solidarité ou aux crises plurielles, particulièrement dans les grands centres comme Montréal», ajoute la professeure.
Le colloque «Dimensions, possibilités et contraintes de l’autonomie de l’action communautaire au Québec» (13 mai) propose de penser le concept d’autonomie de l’action communautaire en l’interrogeant par des exemples dans divers domaines. Le colloque est une initiative de l’Observatoire de l’action communautaire autonome (particulièrement de son coordonnateur Romain Paumier), qui suggère une modélisation des différentes dimensions que peut prendre l’autonomie du mouvement communautaire au Québec. Isabelle Ruelland et ses collègues Mylène Fauvel et Yanick Noiseux, de l’Université de Montréal, font également partie du comité organisateur. «Notre rôle consiste à documenter les défis qui se posent à l’indépendance des finalités et de la mission de l’action communautaire», mentionne la chercheuse.
Parmi les différentes activités au programme de la journée figurent une table ronde sur les résistances liées à l’autonomie vécues sur le terrain, une conférence sur les enjeux de reconnaissance ainsi qu’un panel sur les conditions de travail du personnel du milieu communautaire. «Nous souhaitons partager les défis communs, les bons coups, les pratiques collectives et les modalités de résistance face aux contraintes actuelles», indique Isabelle Ruelland.