Tout jeune, fasciné par les mathématiques et la physique, Blaise-Pascal Ntirumenyerwa Mihigo rêvait de devenir pilote d’avion ou ingénieur en aéronautique. Puis, il entame des études en médecine et en architecture, avant de se découvrir un intérêt pour le droit et la justice. Amateur de cinéma, il dévore les films mettant en scène des procès. «Mon père, qui est juriste, m’a aussi beaucoup influencé», confie le chercheur, qui a un statut de professeur visiteur au Département des sciences juridiques depuis mai 2022. «À la maison, les discussions en famille portaient souvent sur le droit et la politique. Tout cela m’a incité à m’inscrire à la Faculté de droit de l’Université de Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo, mon pays d’origine.»
La passion de Blaise-Pascal Ntirumenyerwa Mihigo pour le droit grandit lors d’un stage au tribunal, où il se familiarise avec les rouages du système de justice. Puis, il choisit de se spécialiser en droit international public et en droit international de l’environnement. Assistant d’enseignement à l’Université de Kinshasa à compter de 2009, il obtient, en 2016, un doctorat en droit à l’Université de Gand, en Belgique.
«En comparant les cas du Congo et du Cameroun dans le cadre de ma recherche doctorale, j’ai examiné comment il était possible de mettre en œuvre de manière optimale des cadres juridiques de régulation pour faire face aux changements climatiques. Ma recherche était aussi en lien avec les mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre causées par la déforestation dans les pays en développement, un mécanisme issu de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.»
Une fois sa thèse complétée, Blaise-Pascal Ntirumenyerwa Mihigo devient professeur associé à la Faculté de droit de l’Université de Kinshasa, où il enseigne principalement le droit international de l’environnement. De septembre 2019 à février 2022, il effectue un stage postdoctoral à l’UQAM, sous la supervision du professeur du Département des sciences juridiques François Roch. «Je souhaitais approfondir mes recherches dans le cadre d’un postdoctorat et je voulais le faire en Amérique du Nord, dans un environnement francophone, dit le chercheur Je suis entré en contact avec Hugo Cyr, ancien doyen de la Faculté de science politique et de droit, qui m’a mis en relation avec François Roch. C’est ainsi que mon aventure uqamienne a commencé.» Son statut de professeur visiteur lui permet alors de contribuer à des activités d’enseignement et de recherche avec des membres du corps professoral.
Un droit relativement récent
Dans le champ juridique, le droit international de l’environnement n’est pas un domaine aussi récent qu’on pourrait le croire. Dès le début du 20e siècle, on voit apparaître les premières conventions internationales en matière d’environnement, comme celle sur la protection des oiseaux en 1902, rappelle Blaise-Pascal Ntirumenyerwa Mihigo. «Mais le droit international de l’environnement s’est vraiment développé à partir du début des années 1970 avec, comme premier moment fort, la Conférence des Nations Unies tenue à Stockholm en 1972. Il s’agit de la première conférence mondiale qui fait de l’environnement une question majeure et qui instaure le début d’un dialogue entre pays industrialisés et pays en développement concernant le lien entre la croissance économique, la pollution et le bien-être des peuples. Le Sommet de la Terre de Rio, en 1992, a constitué un deuxième moment marquant.»
Le droit international de l’environnement est fondé sur divers principes, dont le plus ancien et le plus connu est celui de l’utilisation non dommageable du territoire. «Selon ce principe, reconnu à la Conférence de Stockholm et au Sommet de Rio, les États ne peuvent entreprendre des actions économiques ou industrielles sur leur territoire qui entraînent des conséquences environnementales dommageables pour d’autres pays, indique le professeur. Il existe aussi d’autres principes importants, comme ceux de précaution, de prévention et de coopération.»
Un nouvel observatoire
Blaise-Pascal Ntirumenyerwa Mihigo assume la codirection, avec François Roch, de l’Observatoire sur l’Agenda 2030 des Nations Unies, depuis sa création en avril 2022. Rattaché au Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation (CÉIM), l’Observatoire se veut un lieu de réflexion et d’analyse regroupant une trentaine de chercheuses et chercheurs provenant de différents pays et de divers horizons disciplinaires.
«La mission de l’Observatoire est centrée sur les activités de monitoring, de suivi et de veille concernant la mise en œuvre de l’Agenda 2030, tant à l’échelle internationale, nationale que régionale», explique le chercheur. Le programme onusien comporte 17 grands objectifs de développement durable, dont ceux associés à la lutte pour éliminer la faim et la pauvreté, pour assurer à toutes et tous une éducation de qualité, pour établir l’égalité des sexes et pour préserver les écosystèmes terrestres.
En plus de publier des rapports et des articles scientifiques, l’Observatoire organise des conférences et des colloques. Ainsi, il présentera, le 5 mars prochain, la conférence intitulée «Le rôle des collectivités territoriales dans la transition écologique: analyse croisée entre la France et le Togo», suivie le 4 avril par celle ayant pour thème «Le braconnage dans les zones de conflits en Afrique».
Membre de sociétés savantes
Blaise-Pascal Ntirumenyerwa Mihigo est affilié à différentes société savantes, telles que la Société québécoise de droit international (SQDI), l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et la Société pour la restauration écologique (SER). Auteur de plusieurs publications scientifiques, il a présenté des communications à différentes grandes conférences, dont la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques tenue à Glasgow (COP26), en 2021, et la 15e Conférence des Parties (COP15) à la Convention sur la diversité biologique, ayant eu lieu à Montréal, en 2022.
Le professeur visiteur se réjouit que la COP28, tenue en décembre dernier, ait approuvé la création d’un Fonds de compensation des pertes et dommages climatiques pour les pays les plus vulnérables. «En soi, c’est une bonne nouvelle, dit-il, mais tout dépendra des engagements des États pour activer le Fonds. Les montants investis devront être costauds et répartis de manière équitable.»
Les pays africains ne sont pas ceux qui produisent le plus de gaz à effet de serre, mais ils comptent parmi les pays les plus touchés par les changements climatiques. «On observe de plus en plus de phénomènes météorologiques extrêmes – canicules, inondations –, qui ont des impacts majeurs sur la production agricole, souligne Blaise-Pascal Ntirumenyerwa Mihigo. Le faible niveau de développement économique et technologique sur le continent rend aussi difficile la lutte contre les changements climatiques, notamment en ce qui concerne la gestion des déchets, plastiques et autres. Les États africains doivent mettre l’accent sur l’éducation à l’environnement et soutenir davantage la recherche scientifique.»
En poste à l’UQAM jusqu’en mai 2024, Blaise-Pascal Ntirumenyerwa Mihigo dit être satisfait de son expérience et avoir apprécié l’ouverture de l’Université et le leadership du recteur Stéphane Pallage qui, souligne-t-il, apporte un nouveau souffle. «En tant que chercheur, je suis heureux d’avoir pu apporter ma petite pierre en contribuant à la mise en place de l’Observatoire sur l’agenda des Nations Unies. Cela m’a permis de vivre, pendant deux ans, une belle aventure scientifique.»