Voir plus
Voir moins

Décrypter les secrets de la fondation de Montréal

L’UQAM et Pointe-à-Callière développent une nouvelle approche scientifique pour mieux connaître les activités humaines passées.

23 avril 2024 à 9 h 22

Une recherche dirigée par Cassandre Lazar, professeure au Département des sciences biologiques, et l’étudiante à la maîtrise en biologie Marjorie Collette, en collaboration avec Hendrik Van Gijseghem, archéologue au musée Pointe-à-Callière, a permis de décrypter des secrets enfouis dans les sols du lieu de fondation de Montréal. Le projet, réalisé sur le site archéologique du Fort de Ville-Marie, construit en 1642, combine des techniques de microbiologie et de paléo-microbiologie pour déduire, à partir de l’identification de populations microbiennes anciennes, les activités humaines qui y ont été menées. Cette recherche, soutenue par le CRSNG, pourrait changer l’étude des sols archéologiques et améliorer la connaissance des activités humaines passées.

La nouvelle approche mise au point par l’équipe de recherche est basée sur la détection de l’ADN fossile des populations microbiennes anciennes. En effet, les bactéries étant étroitement liées à leur environnement, elles sont directement associées aux activités humaines qui les entourent. Une fois l’analyse complétée, les résultats sont mis en relation avec les artefacts et écofacts trouvés sur le site afin de confirmer ou d’infirmer les hypothèses des archéologues. C’est la toute première fois que cette méthode est appliquée à des sols archéologiques.

«Malgré des défis techniques et financiers d’envergure, nous avons obtenu des informations sans précédent sur les traces de communautés microbiennes proposant une réinterprétation de l’histoire de la fondation de Montréal.»

Cassandre Lazar,

Professeure au Département des sciences biologiques
Ouvrir de nouvelles perspectives

Dans ce partenariat atypique, la rencontre des savoirs de l’UQAM et de Pointe-à-Callière a produit des résultats inédits. Ceux-ci laissent entrevoir de nombreuses applications, non seulement pour le Fort de Ville-Marie, mais éventuellement pour tous les sites archéologiques.

«Quand l’équipe d’archéologues de Pointe-à-Callière a communiqué avec moi, en 2019, j’ai perçu une occasion exceptionnelle de faire progresser le domaine de la paléo-microbiologie appliquée à l’archéologie, raconte la professeure Cassandre Lazar. Malgré des défis techniques et financiers d’envergure, nous avons obtenu des informations sans précédent sur les traces de communautés microbiennes proposant une réinterprétation de l’histoire de la fondation de Montréal. J’ai bon espoir que la méthodologie élaborée au cours de ce projet servira à de multiples autres études archéologiques.»

Les premiers résultats de la recherche soutiennent certaines des hypothèses des archéologues de Pointe-à-Callière concernant les activités passées du Fort de Ville-Marie. Par exemple, l’identification de communautés bactériennes associées à la culture du tabac, au dépeçage d’animaux et aux régions minières et volcaniques renforce l’idée d’une importante consommation de tabac dans le fort, soutenue par les fragments de pipe qu’on y a trouvés, confirme qu’il y avait bel et bien des travaux de boucherie au Fort de Ville-Marie, ou même avant sa fondation par des groupes issus des Premiers peuples, et vient appuyer les recherches des archéologues sur la présence potentielle d’une forge et d’un atelier de métallurgie sur le site.

L’étude suscite aussi de nouvelles réflexions sur l’existence de potagers à l’intérieur de l’enceinte du fort et de cultures de plantes médicinales. Des recherches approfondies promettent de révéler de nouvelles informations sur les pratiques culturelles et économiques de ses occupants, mais également sur des périodes antérieures au fort, comme celle de la mer de Champlain il y a plus de 13 000 ans.

«Le simple fait qu’on puisse discriminer l’ADN d’organismes fossiles de ceux encore en vie, dans des couches de terres archéologiques datables, ouvre une toute nouvelle fenêtre sur la connaissance des activités humaines et des écosystèmes anciens, souligne Hendrik Van Gijseghem. Dans l’ensemble, les communautés bactériennes peuvent jeter une nouvelle lumière sur des dimensions du passé à propos desquelles les données archéologiques sont muettes ou, au mieux, équivoques. C’est un tout nouveau champ d’interprétation des contextes archéologiques et je ne serais pas surpris que ce type d’analyse devienne pratique courante en archéologie, peut-être même mondialement.»

Le projet de recherche a fait l’objet d’un article sur le site web de Radio-Canada, publié 23 avril: «Les micro-organismes apportent un nouvel éclairage sur le Montréal d’autrefois».  Un reportage à ce sujet sera aussi présenté à l’émission Découverte, le dimanche 28 avril, à 18h 30 sur ICI Télé.

La candidate à la maîtrise Marjorie Collette anime la conférence «ADN fossile: à la rescousse des archéologues», destinée aux milieux scolaires. Cette activité est offerte par le Cœur des sciences , en collaboration avec la Faculté des sciences et le Groupe de recherche en écologie microbienne dirigé par Cassandre Lazar.