Récipiendaire de la bourse Luc-d’Iberville-Moreau, la doctorante en histoire de l’art Laure Bourgault (M.A. histoire de l’art, 2021) se trouve à l’Université de Genève ce trimestre afin de jeter les bases de sa thèse en recherche-intervention consacrée à… l’imaginaire national québécois entourant l’hydroélectricité!
«Je sais que ça peut paraître bizarre d’aller en Suisse pour travailler sur un sujet on ne peut plus québécois, mais j’ai la chance d’effectuer une cotutelle en géographie avec la professeure Irène Hirt, qui travaille sur les territoires et les territorialités autochtones dans les Amériques», explique la doctorante, dirigée à l’UQAM par la professeure du Département d’histoire de l’art Christina Contandriopoulos.
Laure Bourgault souhaite réfléchir aux représentations des espaces modifiés par l’hydroélectricité, tant dans les images promotionnelles et publicitaires que techniques (cartes, graphiques, études, dessins, etc.) précédant la création des infrastructures. «Il m’apparaît également essentiel de remettre en question le discours officiel sur l’aménagement hydroélectrique pour mettre de l’avant la parole des communautés qui ont été maintenues à l’écart par ce récit national, explique-t-elle. Je souhaite inclure ces contre-récits de résistance qui proposent une autre vision des territoires altérés par les infrastructures hydroélectriques.»
Laure Bourgault envisage sa thèse autour de ces deux visions qu’elle souhaite mettre en correspondance. «L’idée est d’observer les points de contact autant que les points de friction», précise-t-elle. D’où le besoin de travailler avec Irène Hirt en Suisse. «Non seulement Genève est une ville internationale où se prennent des décisions importantes en lien avec les droits des communautés autochtones, ajoute-t-elle, mais, en plus, plusieurs professeures et professeurs du département de géographie auquel est rattachée Irène Hirt utilisent des approches visuelles et créatives. C’est un environnement idéal pour développer mon sujet de thèse!»
Du fleuve à l’hydroélectricité
À 11 ans, Laure Bourgault voulait être historienne et géographe. Elle était déjà fascinée par le territoire. «Le fleuve Saint-Laurent occupe une place importante dans l’histoire familiale, car je viens d’une famille de navigateurs. Mon arrière-grand-père était l’un des derniers gardiens de phare au Québec, à Saint-Jean-Port-Joli», raconte la jeune chercheuse, qui a passé plusieurs étés à Cacouna. «C’est un espace de négociation territoriale important puisque c’est le territoire de la nation Wolastoqiyik Wahsipekuk. Son port commercial a fait l’objet de projets controversés. J’ai grandi en suivant ces débats.»
Laure Bourgault a vécu une autre partie de sa jeunesse à l’opposé de Cacouna et du fleuve: elle a habité à Gatineau. «C’est une ville de fonctionnaires fédéraux et le poids de l’État canadien y est omniprésent», observe-t-elle. Entre ces deux visions du pays, elle a développé un intérêt pour la façon dont les imaginaires nationaux médiatisent nos relations à l’espace.
Diplômée du bac en arts visuels et de la maîtrise en histoire de l’art, Laure Bourgault développe sa pratique artistique en parallèle avec ses études. «Mon travail tend de plus en plus vers les installations, la vidéo expérimentale et la vidéo documentaire. La question du territoire, la manière d’habiter et d’aménager les espaces ainsi que l’imaginaire lié à ces espaces constituent des thèmes récurrents», précise celle qui est aussi codirectrice de la revue Cigale. Un des volets de sa thèse sera réalisé sous forme de film documentaire.