Micheline Labelle, professeure émérite du Département de sociologie, est décédée à l’âge de 84 ans. Détentrice d’un doctorat en anthropologie obtenu à l’Université de Montréal en 1975, elle a enseigné à l’UQAM de 1976 à 2014, où elle a contribué à développer les domaines d’enseignement et de recherche en matière d’immigration, d’ethnicité et de citoyenneté.
Micheline Labelle a été titulaire de la Chaire Concordia-UQAM en études ethniques (1993-1996; 2006-2008) et de la Chaire de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté (2008 à 2014). Elle a aussi fondé le Centre de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté, en 2014. En 2003, elle a mis sur pied l’Observatoire sur le racisme et les discriminations, unique au Canada, qui assure le transfert de connaissances auprès des organisations préoccupées par l’immigration et la lutte contre le racisme.
À la demande de l’UNESCO, la professeure émérite a participé comme experte à l’élaboration du Plan d’action de la Coalition internationale des villes unies contre le racisme et rédigé deux rapports sur le même sujet. Elle a siégé au Conseil des relations interculturelles du Québec (2002-2004) et au conseil d’administration de l’Association internationale des études québécoises (2003-2009). Dans les années 2000, elle a œuvré à l’élaboration du Plan d’action de la Coalition internationale des villes contre le racisme et de la Coalition canadienne.
Micheline Labelle a aussi fait de la formation auprès d’instances syndicales, communautaires et politiques sur différentes questions liées à l’immigration, à la diversité ethnoculturelle, à l’aménagement de la lutte contre le racisme et à la laïcité de l’État.
«Micheline Labelle a été une pionnière au Québec dans l’étude de l’immigration, des relations ethniques et du racisme, jouant un rôle capital dans l’émergence et le développement d’un pôle de recherche sur ces questions, estime le professeur du Département de sociologie Paul Eid. Autour de la Chaire de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté, elle a réuni et amené à collaborer ensemble non seulement plusieurs chercheuses et chercheurs et étudiantes et étudiants de différentes universités, mais également de nombreux organismes communautaires voués à la défense et au soutien à l’insertion des personnes immigrantes.»
Autorité reconnue sur la question des relations ethniques, Micheline Labelle a été une des premières anthropologues au Québec à avoir centré ses recherches sur la question du racisme, souligne le professeur associé du Département de sociologie Rachad Antonius. «Le colloque Le devoir de mémoire et les politiques du pardon qu’elle a organisé à l’UQAM en 2005 a réuni des leaders des Premières nations au Québec et des chercheurs de l’international qui ont travaillé sur les politiques de la reconnaissance et de la réconciliation à mettre en place dans les sociétés déchirées par des événements traumatiques majeurs, rappelle le professeur. L’écho international de ce colloque a incité des chercheurs de l’UQAM à lui donner une suite en 2018. Ses nombreux ouvrages et rapports de recherche constituent un héritage scientifique important qui va laisser sa marque dans le paysage des sciences sociales au Québec et dans la francophonie.»
Micheline Labelle est, entre autres, l’auteure de Racisme et antiracisme au Québec. Discours et déclinaisons (Presses de l’Université du Québec, 2011). Elle a codirigé de nombreuses publications, dont Les nationalismes québécois face à la diversité ethnoculturelle (éditions de l’IEIM) et La communauté politique en question. Regards croisés sur l’immigration, la citoyenneté, la diversité et le pouvoir (Presses de l’Université du Québec, 2012).
La professeure émérite a été la première lauréate, en 1989, du prix Thérèse Casgrain, décerné par la Fondation Thérèse-Casgrain et le CRSH, pour une recherche sur les conditions de travail des ouvrières immigrées. Elle a aussi obtenu, en 2015, le prix Hommage – 40 ans de la Charte des droits et libertés de la personne, remis par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, pour ses travaux sur le racisme.
Intellectuelle engagée, Micheline Labelle intervenait régulièrement dans le débat public sur des enjeux sociaux et politiques. Indépendantiste convaincue, elle a été vice-présidente des Intellectuels pour la souveraineté (IPOS) de 2008 à 2014. «Elle a développé une perspective sur le vivre-ensemble fondée sur l’interculturalisme propre au Québec, par opposition aux courants multiculturalistes dominants au Canada», indique Rachad Antonius.