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Connecter les jeunes à la nature

Virginie Boelen offre de la formation au personnel scolaire dans un projet d’éducation relative à l’environnement.

Par Claude Gauvreau

23 janvier 2024 à 8 h 49

Réchauffement climatique, perte de la biodiversité, catastrophes naturelles, pollutions multiples… La crise environnementale génère de l’éco-anxiété au sein de toutes les générations, en particulier chez les enfants et adolescents. «L’éducation relative à l’environnement peut non seulement aider à contrer les impacts de l’éco-anxiété sur le bien-être des jeunes, mais aussi les amener à mieux comprendre leur rapport au monde vivant et nourrir leur espoir en un avenir meilleur», soutient la professeure associée du Département de didactique Virginie Boelen (Ph.D. éducation, 2022).

La chercheuse est l’instigatrice d’un projet de formation et d’accompagnement d’enseignantes et enseignants du préscolaire-primaire et du secondaire qui souhaitent intégrer dans leur pratique l’éducation relative à l’environnement. D’une durée d’un an et bénéficiant d’un financement d’un peu plus de 100 000 dollars du ministère de l’Éducation, ce projet intitulé «FA-ERE-2R» prend la forme d’activités pédagogiques en plein air.

«Accaparés par les écrans numériques de toute sorte, les jeunes sont souvent déconnectés de la nature, note Virginie Boelen. L’approche pédagogique que je préconise dans le projet vise justement à rétablir ce contact. Elle est centrée sur l’élève, sur sa relation avec le territoire naturel, y compris en milieu urbain.» L’éducation relative à l’environnement est ici comprise de manière large. «Elle correspond à une éducation globale: éducation à la nature, à l’écocitoyenneté, voire à la justice sociale et environnementale.»

La professeure déplore que l’intégration de l’éducation relative à l’environnement dans le curriculum de formation au primaire et au secondaire dépende trop souvent de la bonne volonté des enseignantes et enseignants. «Ces derniers manquent d’outils pour aborder les enjeux complexes liés à la crise environnementale. Leur défi consiste à guider les jeunes du préscolaire-primaire et du secondaire vers une prise de conscience positive de l’environnement, qui ne soit pas basée uniquement sur la connaissance des menaces écologiques, tout en tenant compte de leur développement cognitif et affectif.»


Une «pédagogie nature»

Des recherches ont montré que le contact direct avec la nature produit des effets bénéfiques sur la santé mentale et physique des jeunes, en plus de favoriser des apprentissages, rappelle Virginie Boelen. «Passer du temps dans la nature et s’y sentir bien, cela contribue au développement d’un sentiment d’harmonie et d’appartenance à la communauté du vivant.»

Pour appliquer ce qu’elle appelle la «pédagogie nature», la professeure a déjà accompagné des enseignantes et des enfants du préscolaire-primaire dans le cadre d’activités de plein air. Ces activités peuvent se dérouler dans un parc, une forêt, à la montagne, mais aussi à proximité des écoles, ce qui exige moins de temps et de logistique.

«La nature, ce sont aussi bien les arbres, les fleurs ou les plantes que l’enfant croise en se rendant à l’école, dit Virginie Boelen. C’est la terre sous ses pieds, le ciel, la pluie, le vent qu’il sent sur sa peau ou qu’il entend dans les feuilles qui bruissent. Ce sont également les insectes, les oiseaux et autres bêtes qu’il peut observer et toucher. Dans tous les cas, il s’agit de permettre à l’enfant d’établir par ses sens une relation organique avec des éléments de la nature, une relation attentive et respectueuse, en partant de ses intérêts et de ses questions. La posture de l’enseignante ou de l’enseignant n’est plus celle d’un maître, mais d’un guide discret.»

La «pédagogie nature» permet enfin de générer des apprentissages transversaux, en faisant des liens avec l’enseignement d’autres matières, comme le français, les mathématiques et les sciences du vivant. «De retour en classe, les enseignants peuvent demander aux élèves de rédiger un journal de bord sur ce qu’ils ont vécu et expérimenté, aborder certains phénomènes météorologiques observés lors des sorties en plein air, revenir sur la morphologie, l’alimentation ou l’adaptation à leur milieu des animaux rencontrés, indique la professeure. Les savoirs sont concrets, contextualisés et dynamiques.»


Plan de formation et d’accompagnement

Le projet piloté par Virginie Boelen prévoit des rencontres de formation avec le personnel scolaire sur les principes de l’éducation relative à l’environnement et sur les bienfaits de la pédagogie nature. Ces formations précèdent les sorties à l’extérieur, échelonnées sur une période de trois à cinq mois, au cours desquelles les enseignants sont accompagnés par la professeure. «Au terme de leur formation, les enseignants auront exploré différentes stratégies pédagogiques lors d’une classe en plein air et conçu quelques situations d’enseignement-apprentissage sur le terrain», note Virginie Boelen.

Jusqu’à maintenant, la professeure a accompagné 13 enseignantes dans 3 écoles primaires en périphérie de Montréal. «Pour illustrer les activités, trois vidéos ont été tournées en collaboration avec les enseignantes, qui témoignent de leur expérience de pédagogie de reconnexion à la nature avec les enfants.» Il est possible de visionner sur YouTube l’une de ces vidéos, qui présente les principaux éléments d’une pédagogie par la nature.

Dans une prochaine étape, Virginie Boelen effectuera un retour avec les enseignantes et enseignants sur les expériences avec les élèves: engagement, participation, apprentissage de concepts et de contenus. «Les résultats, dit-elle, seront diffusés auprès de différentes écoles ainsi qu’auprès d’étudiantes et d’étudiants inscrits dans des programmes de formation initiale en enseignement en milieu universitaire et d’organismes engagés dans des activités d’éducation relative à l’environnement destinées à divers publics.»

Par ailleurs, la chercheuse travaille actuellement avec une vingtaine d’enseignants (hommes et femmes) d’écoles secondaires, toutes disciplines confondues, avec lesquels sont développées des activités pédagogiques en plein air, adaptées aux particularités de leur enseignement et des adolescents. «Notre objectif est de produire un ouvrage portant sur une quinzaine d’expériences d’apprentissage dans le cadre d’activités extérieures.»

Membre du Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté (Centr’ERE), Virginie Boelen croit que les activités d’apprentissage en plein air représentent des innovations pédagogiques stimulantes, qui répondent aux besoins des membres du corps enseignant et des jeunes. «Certains enseignants m’ont confié que les activités avaient contribué à renforcer leur plaisir d’enseigner et à donner du sens à leur mission.»


Projets avec les Premières Nations

La professeure a été approchée par la Direction de la nordicité et des relations avec les Premières Nations et les Inuits, rattachée au ministère de l’Éducation, pour élaborer un nouveau projet intitulé «Enseignement ancré dans le territoire».

«Il s’agit d’un projet similaire au projet FA-ERE-2R, qui consiste à offrir dans des écoles primaires et secondaires une formation à des personnes enseignantes d’origine autochtone ou qui ont dans leur classe des élèves issus des Premières Nations, puis à développer des outils pédagogiques afin de faciliter l’enseignement ancré dans le territoire, observe Virginie Boelen. Ce projet sera mené avec et pour les Premières Nations associées au territoire où se trouveront les écoles volontaires.»

Enfin, en collaboration avec le Conseil en éducation des Premières Nations (CEPN), une vidéo est en cours de finalisation concernant les rapprochements qui existent entre la «pédagogie nature» et la pédagogie autochtone axée sur la connexion au territoire. «Ainsi, la prise en compte de cette pédagogie serait un premier pas vers l’intégration des perspectives autochtones en enseignement, comme le requiert le nouveau référentiel de la profession enseignante et en accord avec les appels à l’action de la Commission Vérité et Réconciliation», souligne la professeure.