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Cinq ans de recherches sur les violences sexuelles au collégial et à l’université

La Chaire de Manon Bergeron dresse un bilan de ses travaux et présente de nouveaux projets lors d’un événement anniversaire.

Par Claude Gauvreau

28 mars 2024 à 12 h 46

Plus de 5 millions de dollars en subventions pour 20 projets de recherche, 15 articles scientifiques, 11 rapports de recherche, 5 ouvrages collectifs, 4 événements d’envergure, 66 conférences et webconférences, plus de 50 interventions dans les médias… En cinq ans à peine, la Chaire de recherche-innovation sur les violences sexistes et sexuelles en milieu d’enseignement supérieur (VSSMES), dont la titulaire est la professeure du Département de sexologie Manon Bergeron (Ph.D. éducation, 2013), a multiplié les contributions pour prévenir ce type de violences.

Le 27 mars dernier, lors d’un événement tenu à l’UQAM visant à souligner le 5e anniversaire de la Chaire, Manon Bergeron a dressé un bilan des travaux de son équipe et présenté des projets en cours et à venir. L’événement s’est déroulé en présence, notamment, du vice-recteur à la Recherche, à la création et à la diffusion Christian Agbobli, du recteur de l’Université de Sherbrooke Pierre Cossette, de la mairesse de Longueuil Catherine Fournier et de personnes représentant divers organismes partenaires. La ministre de l’Enseignement supérieur Pascale Déry (M.A. science politique, 2004) est intervenue à distance par vidéo. Le mot de clôture a été prononcé par Hélène David qui, à l’époque où elle était ministre de l’Enseignement supérieur et de la Condition féminine, en 2018, avait joué un rôle clé dans la mise sur pied de la Chaire VSSMES en lui octroyant une première subvention de 500 000 dollars.

«Depuis sa création, la Chaire a pour mission de produire de nouveaux savoirs dans le domaine des violences sexistes et sexuelles, d’évaluer les pratiques de prévention et d’intervention en considérant les enjeux particuliers de certains groupes sociaux plus susceptibles de subir ce type de violence dans les milieux d’enseignement supérieur», explique Manon Bergeron. La Chaire vise aussi à soutenir la formation de chercheuses et de chercheurs et à favoriser la diffusion des connaissances auprès de la population, des établissements d’enseignement supérieur et des milieux de pratique, à l’échelle québécoise, canadienne et internationale.

Pour accomplir son deuxième mandat (2023-2028), la Chaire a obtenu un financement de 750 000 dollars du ministère de l’Enseignement supérieur, auquel s’ajoutent d’autres subventions provenant, entre autres, du CRSH et de Femmes et égalités des genres Canada.

Des réalisations notables

Depuis 2018, la Chaire VSSMES a permis d’établir une collaboration entre les milieux de la recherche, les établissements d’enseignement supérieur et les milieux communautaires au Québec, et a mis en œuvre des activités de prévention, de sensibilisation et de formation. «Ce solide réseau partenarial a contribué à l’identification de problèmes et d’enjeux prioritaires, et de solutions novatrices en matière de prévention des violences à caractère sexuel dans les cégeps et les universités», observe Manon Bergeron.

La Chaire a aussi aidé au développement d’une cohérence provinciale en matière de prévention et a soutenu les établissements d’enseignement supérieur dans la planification de formations obligatoires (obligation découlant de la Loi 22.1). Deux guides développés par l’équipe de la Chaire ont été utilisés par les établissements: un cadre de référence évolutif des objectifs et contenus de prévention des violences à caractère sexuel et un guide pratique pour une évaluation de la prévention. De plus, la Chaire a développé deux autoformations en ligne destinées aux communautés étudiantes en milieu collégial et universitaire. La première abordait le thème du harcèlement sexuel, alors que la seconde traitait des relations de pouvoir et du consentement sexuel. Ces deux projets ont été financés par le ministère de l’Enseignement supérieur.

Grâce à un financement du ministère des Femmes et Égalité des genres Canada, la Chaire a mené, de 2021 à 2023, le «Projet Alliance 2SLGBTQIA+: pour une culture de respect, d’égalité et de consentement en milieu collégial», une vaste enquête auprès de plus de 3 200 personnes étudiantes. «Les résultats ont mis en lumière l’ampleur du problème et les enjeux spécifiques chez les personnes étudiantes 2SLGBTQIA+, note Manon Bergeron. En effet, plus d’une personne sur deux (54 %) a subi au moins une situation de violence sexuelle depuis son arrivée au cégep, des situations souvent entremêlées de préjugés envers les communautés 2SLGBTQIA+». Ce projet comportait une série de recommandations et un guide pour améliorer la prévention.

«La Chaire VSSMES est un exemple probant du caractère novateur de l’UQAM, a déclaré le vice-recteur Christian Agbobli, lors de l’événement anniversaire. La Chaire a su se tailler une place enviable en devenant un véritable pôle d’expertise sur les questions dont elle traite au Québec, au Canada et à l’international. Elle se démarque également sur le plan des partenariats et des collaborations interdisciplinaires qu’elle développe. Cette interdisciplinarité est d’ailleurs au cœur de l’approche uqamienne de la recherche et de la formation.»

De nouveaux projets

Plusieurs projets sont en route pour les prochaines années. Le Secrétariat à la condition féminine vient d’accorder 225 000 dollars pour le projet «Interroger la complexité du consentement sexuel auprès de la population 15-25 ans (2024-2027)». «Cette recherche, dit Manon Bergeron, permettra de mieux comprendre la perception du consentement sexuel et des mythes liés aux violences sexuelles auprès de la population québécoise, incluant les jeunes de 15-25 ans. Les outils de diffusion auprès des jeunes des milieux académiques et communautaires ainsi que du grand public contribueront à l’amélioration de la sensibilisation à la violence sexuelle.».

Grâce à une subvention de 380 000 $ du CRSH-Programme Savoir (2023-2027), la Chaire amorce un projet dont l’objectif est de documenter l’ampleur et les caractéristiques des violences sexistes et sexuelles à l’endroit d’étudiantes et d’étudiants effectuant un stage universitaire, en plus d’identifier les contextes des milieux professionnels plus propices à ces violences. Cette recherche d’envergure sera déployée dans six domaines: sciences de la santé, sciences de l’éducation, sciences et génie, sciences humaines et sociales, sciences de la gestion et droit.

Un autre projet financé par le ministère de l’Enseignement supérieur (425 000 $) permettra de sensibiliser les établissements d’enseignement supérieur aux violences à caractère sexuel subies par les personnes étudiantes en situation de handicap. Ce projet comprendra deux volets: le développement d’une formation pour les personnes travaillant auprès de la communauté étudiante en situation de handicap et la conception d’une autoformation interactive en ligne sur les enjeux liés aux violences, destinée à l’ensemble des membres du personnel.

Une chercheuse engagée

Professeure à l’UQAM depuis 2010, Manon Bergeron a œuvré auparavant dans les Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel pendant plus de 12 ans. Avant de fonder la Chaire VSSMES, elle a dirigé l’enquête ESSIMU (Enquête, sexualité, sécurité, interactions en milieu universitaire) auprès des étudiants et employés de six universités québécoises francophones. Cette enquête inédite, qui levait le voile sur un phénomène peu documenté, a conduit le gouvernement du Québec à adopter, en 2018, la Loi 22.1 obligeant les établissements d’enseignement postsecondaires à se doter d’une politique pour contrer les violences à caractère sexuel. Dans la foulée d’ESSIMU et de l’adoption de la loi, l’UQAM a renouvelé sa Politique no16 qui vise à prévenir et à combattre le sexisme et les violences à caractère sexuel.

En 2023, la professeure a remporté le prix Thérèse Gouin-Décarie de l’Acfas, décerné à une chercheuse ou à un chercheur pour l’excellence et le rayonnement de ses travaux et de ses actions dans le domaine des sciences sociales. Elle a aussi reçu, en 2019, le titre de Scientifique de l’année de Radio-Canada pour sa contribution à l’avancement des connaissances sur les violences sexuelles.

«L’une des grandes forces de Manon Bergeron est de rallier les expertises d’individus, d’institutions et d’organismes d’intervention autour d’un objectif commun, celui de la prévention des violences sexistes et sexuelles dans le milieu de l’enseignement, souligne Christian Agbobli. Grâce à sa vision novatrice et à son leadership scientifique, ce champ d’études a désormais une place importante dans le domaine des sciences sociales.»