Les animaux domestiques agissent souvent comme catalyseurs des relations humaines. «Au camping, tout le monde me parle de mon chien», raconte une étudiante. «Quand je suis en balade avec mon chien, on m’aborde même si j’ai mes écouteurs dans les oreilles», renchérit sa collègue, assise un rang derrière.
Nous sommes dans le cours Psychologie des relations humains-animaux et, manifestement, la majorité de la quarantaine d’étudiantes et étudiants qui y assistent, en présentiel ou à distance, possède ou côtoie un animal domestique. Au début du trimestre, la professeure du Département de psychologie Catherine Amiot, qui donne le cours, a d’ailleurs demandé aux personnes présentes virtuellement de présenter leur animal à la classe. Une majorité de chats et de chiens, mais aussi un cochon miniature, un cheval (en photo), un lapin nain et deux perroquets!
Donné pour la première fois en 2022, ce cours s’adresse à la fois aux étudiantes et étudiants du baccalauréat en psychologie, mais aussi à ceux inscrits dans d’autres programmes ou à titre d’étudiants libres.
La séance à laquelle nous assistons porte plus spécifiquement sur la présence de l’animal et le bien-être humain. «Pour qui la présence des animaux domestiques est-elle bénéfique? Et quels sont ces facteurs bénéfiques? Ce sont les questions que nous aborderons ce matin», annonce Catherine Amiot, qui donne le cours seule ce trimestre-ci, après l’avoir enseigné à deux reprises avec son collègue Jacques Forget depuis sa création.
L’auxiliaire d’enseignement Laurence Santerre-Bélec, candidate à la maîtrise en didactique, s’occupe de la gestion des étudiantes et étudiants à distance ce jour-là.
Un impact physiologique
Il existe plusieurs mécanismes par lesquels la présence des animaux domestiques a un effet positif sur la santé humaine, indique Catherine Amiot, qui abordera durant la séance quelques études marquantes des 20 dernières années sur les relations humains-animaux.
«Les bienfaits de la présence d’un animal domestique peuvent même être mesurés par les taux d’hormones, notamment les endorphines, l’ocytocine et la dopamine», illustre-t-elle en présentant les résultats d’une étude de 2003, au cours de laquelle on a comparé les réponses physiologiques de participants alors qu’ils venaient d’avoir des interactions positives avec un chien (lui parler, le flatter et jouer doucement avec lui) avec leurs réponses physiologiques mesurées lorsqu’on leur avait demandé de lire un livre sans la présence d’un chien, soit la condition contrôle. «La pression artérielle des personnes après leur interaction avec un chien était significativement moins élevée que dans la condition contrôle, tout comme leurs niveaux de cortisol, qui est l’hormone du stress, ajoute-t-elle. Et, mis à part la variable cortisol, les résultats étaient semblables chez les chiens ayant participé à l’étude!»
Catalyseurs de liens sociaux
Une étude réalisée en 2000 en Angleterre a mis en lumière le rôle de catalyseur social joué par un animal domestique, en l’occurrence un chien. Pendant cinq jours, une chercheuse a effectué tous ses déplacements avec un chien-guide entraîné à ne pas solliciter l’attention des gens. Les cinq autres jours, elle était seule. «Elle a comptabilisé 156 interactions en présence du chien contre 50 interactions sans le chien, soit trois fois moins, observe Catherine Amiot. L’effet le plus net a été observé avec de purs étrangers, ceux-ci se révélant plus enclins à aborder une personne qui possède un chien.»
«Le fait de se sentir peu connecté à d’autres êtres humains constitue un facteur de risque aussi important pour la santé que le tabagisme et l’obésité. Avoir un animal domestique qui favorise les rencontres sociales deviendrait donc, à cet égard, un facteur de protection.»
Catherine Amiot
Professeure au Département de psychologie
En 2015, une recherche menée dans trois villes américaines (Sans Diego, Portland et Nashville) et une ville australienne (Perth) a également porté sur le rôle des animaux domestiques comme facilitateurs de connections sociales, notamment pour rencontrer des gens, former de nouvelles amitiés et élargir son réseau de soutien social. «Plus de 50 % des répondantes et répondants ont affirmé avoir appris à connaître des gens dans leur voisinage grâce à leur animal, révèle Catherine Amiot. Et près de 40 % des propriétaires d’animaux domestiques ont rapporté avoir reçu un ou plusieurs types de soutien social de gens rencontrés via leur animal.»
Ces données ne sont pas anodines lorsque l’on pense à «l’épidémie de solitude» qui sévit dans le monde occidental, comme le souligne la professeure, article de journal à l’appui indiquant que 48,9 % des 18-24 ans se sentent seuls au Canada. «Il existe plusieurs méta-analyses indiquant que le fait de se sentir peu connecté à d’autres êtres humains constitue un facteur de risque aussi important pour la santé que le tabagisme et l’obésité, souligne-t-elle. Avoir un animal domestique qui favorise les rencontres sociales deviendrait donc, à cet égard, un facteur de protection.»
L’exercice physique
Propriétaire d’Enzo, un Braque allemand âgé de trois ans et demi avec lequel elle pratique différents sports, Catherine Amiot souligne que plusieurs études ont confirmé au fil des ans qu’avoir un chien est associé à plus de minutes de marche ou d’activité physique, et que les propriétaires de chien ont plus de chance de faire la quantité d’exercice physique recommandée par les autorités de santé publique.
«S’occuper d’un animal nous oblige à être dans le moment présent lorsqu’on le nourrit ou lui prodigue des soins, bien sûr, mais aussi simplement quand on passe du temps avec lui.»
Le fait d’avoir un chien, ou tout autre animal domestique, serait aussi bénéfique pour développer la présence attentive. «S’occuper d’un animal nous oblige à être dans le moment présent lorsqu’on le nourrit ou lui prodigue des soins, bien sûr, mais aussi simplement quand on passe du temps avec lui», souligne-t-elle. Selon une étude qu’elle a réalisée l’an dernier, la pleine conscience avec un animal domestique est associée à plus de vitalité, plus de satisfaction envers la vie ainsi qu’à une diminution du stress et du sentiment de solitude.
Le meilleur ami de l’homme
Tout au long de la séance, et bien que certaines études qu’elle présente s’intéressent aussi aux animaux de la ferme ou aux chats, Catherine Amiot met l’emphase sur les chiens, l’espèce la plus souvent impliquée dans les études sur les bienfaits des animaux domestiques sur les humains.
Elle rappelle avoir mené une étude pancanadienne auprès d’un échantillon représentatif de 2 500 personnes durant la pandémie, laquelle indiquait que le seul animal associé à un bien-être psychologique accru était le chien. Cette étude avait été publiée dans Scientific Reports. «Il faudrait toutefois effectuer encore plusieurs études et méta-analyses pour confirmer que le chien est bel et bien l’animal domestique qui favorise le plus le bien-être. Notre étude se penchait sur le contexte particulier de la pandémie et il y a tellement d’autres facteurs qui peuvent influencer la relation entre un humain et un animal domestique», souligne-t-elle.
La professeure se réjouit que plusieurs étudiantes et étudiants aux cycles supérieurs s’intéressent aux enjeux des relations humains-animaux, un champ de recherche de plus en plus prisé.
Atelier intégratif
La séance se termine par un atelier intégratif durant lequel les étudiantes et étudiants doivent développer en sous-groupes une intervention novatrice visant à bonifier le bien-être humain en présence d’un animal domestique.
Après une vingtaine de minutes, les équipes qui le souhaitent partagent leurs idées d’interventions. Quatre étudiantes en présentiel proposent d’utiliser un chien dans une école primaire avec un éducateur spécialisé afin d’offrir des ateliers de pleine conscience aux élèves les plus agités, et ce, deux fois par semaine, afin de diminuer leur stress et favoriser la détente. «C’est une bonne idée, mais pourquoi avoir choisi de donner ces ateliers les lundi et mercredi?», demande la professeure. «Pour certains enfants, le début de la semaine à l’école est parfois difficile, répond une membre de l’équipe. L’atelier viserait à partir du bon pied, et à donner ensuite un second souffle aux élèves en milieu de semaine.»
Une équipe à distance propose ensuite d’offrir des séances d’équitation avec un moniteur à des jeunes du primaire aux prises avec un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, deux à trois fois par semaine après la classe, avant la période des devoirs. «Il s’agirait de leur permettre d’expérimenter la sensation du galop sur un cheval pour leur permettre de dépenser leur énergie et de développer leur concentration sur une tâche précise, pour ensuite les apaiser avec des séances de présence attentive», explique l’étudiant.
Une autre équipe en présentiel suggère d’offrir à des jeunes adultes des séances de yoga avec des animaux de la ferme, comme des cochons miniatures ou des bébés moutons, à l’image des séances de Puppy Yoga qui existent déjà, populaires sur les réseaux sociaux. «Cela bonifierait les séances en contribuant à la réduction du stress chez les participantes et participants, en plus de les conscientiser au fait que ces animaux ne constituent pas uniquement une source d’alimentation», observe une étudiante.
Une équipe à distance propose elle aussi d’offrir à des jeunes du primaire d’être en contact avec des chiens, dans ce cas à la récréation du midi, chaque jour de la semaine. «L’objectif serait de permettre aux élèves de faire des activités avec les chiens afin de réduire leur niveau d’anxiété et d’augmenter leur niveau de concentration pour le reste de la journée», explique une étudiante. «L’idée du jeu est intéressante, car cela prend des règles et on doit apprendre à décoder si le chien aime ça ou non. Cela développe et renforce l’empathie chez les jeunes», note Catherine Amiot.
La professeure conclut la séance par une citation du Petit Prince de Saint-Exupéry: «Tu deviens pour toujours responsable de ce que tu as apprivoisé». «Aujourd’hui, nous avons mis l’emphase sur le bien-être des humains, mais nous devons aussi prendre soin de nos animaux domestiques, et leur bien-être rejaillira ensuite sur nous. Tout est interrelié!»