Les prisons provinciales ont connu une augmentation nette de 87 % du taux de décès en 13 ans, de 2009 à 2022. C’est ce que révèle le rapport de recherche publié par une équipe dirigée par la professeure de l’École de travail social Catherine Chesnay.
Aucun organisme n’a pour mandat d’exercer une surveillance continue du nombre de décès dans les prisons provinciales. C’est pour brosser un portrait quantitatif de ce phénomène que la recherche a été menée par la professeure Chesnay et son équipe, composée de Mathilde Chabot-Martin, auxiliaire de recherche et étudiante à la maîtrise en travail social, Guillaume Ouellet, professeur associé à l’École de travail social et chercheur au Centre de recherche de Montréal sur les inégalités sociales, les discriminations et les pratiques alternatives de citoyenneté (CREMIS), et Dominique Bernier, professeure au Département des sciences juridiques.
«Qu’il soit “naturel”, de cause indéterminée ou un suicide, chaque décès en prison est un décès de trop, signale Catherine Chesnay. Chaque mort devrait être systématiquement consignée et motiver une prise d’action afin d’éviter que d’autres décès similaires ne surviennent. Or, le manque de transparence et de surveillance du phénomène des décès en prison, en dépit de la hausse du nombre de décès, en dit long sur le positionnement politique et l’absence de rigueur avec laquelle ces événements sont pris en compte.»
Mort naturelle, indéterminée ou suicide
Durant la période à l’étude, on dénombre 256 décès dans les établissements de détention provinciaux. Les décès classés comme morts naturelles, c’est-à-dire causés par une maladie ou des complications d’une maladie, représentent 33 % des décès comptabilisés en 13 ans.
Les morts de cause indéterminée représentent 28 % des décès. Selon l’équipe de recherche, cette proportion est préoccupante, car une prison est une institution où la surveillance et le contrôle des personnes incarcérées sont exercés de façon continue. Cette donnée est également révélatrice du manque de suivi du phénomène des décès dans les prisons provinciales.
Les décès classés comme suicides représentent 38 % du nombre total de décès. Durant la période étudiée, on observe à la fois une augmentation globale des taux de suicide et trois pointes d’augmentation. La pandémie de COVID-19, période durant laquelle les conditions de détention ont été particulièrement restrictives, est associée à une augmentation marquée du nombre de décès par suicide.
Un portrait partiel
L’équipe de recherche a utilisé les données fournies par le ministère de la Sécurité publique (MSP) pour les années 2009-2010 à 2021-2022. Plus précisément, les données sont tirées des Compilations des événements par établissement de détention produites par le MSP dans le cadre de demandes d’accès à l’information. Au cours de ses travaux, l’équipe de recherche de l’UQAM a observé certaines irrégularités dans le nombre de décès en comparant les chiffres obtenus avec ceux provenant d’autres demandes d’accès à l’information. Les analyses incluses dans son rapport présentent un portrait partiel de l’ampleur des décès dans les prisons provinciales.
«Bien que des recherches supplémentaires soient nécessaires pour raffiner les analyses et établir un portrait plus clair du phénomène, ce rapport est révélateur des nombreuses injustices vécues par les personnes incarcérées», conclut Catherine Chesnay.