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Un nouvel espace dédié à l’agriculture urbaine

Lancé dans le Centre-Sud, l’espace multifonctionnel proposera des activités en collaboration avec des organismes du quartier.

Par Claude Gauvreau

23 mai 2023 à 15 h 36

Potagers collectifs, toits maraîchers, culture de plantes comestibles dans les cours ou sur les balcons… l’engouement pour l’agriculture urbaine à Montréal ne cesse de prendre de l’ampleur depuis quelques années. Le 17 mai dernier, le Laboratoire sur l’agriculture urbaine (AU/LAB), codirigé par le professeur associé Éric Duchemin et le chargé de cours Jean-Philippe Vermette de l’Institut des sciences de l’environnement, a inauguré le Tiers-lieu de l’agriculture urbaine. Cet espace multifonctionnel comprenant, notamment, un toit maraîcher est situé à la Maison de projet de l’esplanade Cartier, dans le quartier Centre-Sud de Montréal.

Le concept de tiers-lieu, explique Jean-Philippe Vermette, évoque des formes renouvelées de socialisation en milieu urbain, d’autres façons de s’approprier et de partager des espaces. «Un tiers-lieu se trouve à mi-chemin des espaces privés de consommation – restaurants, magasins, épiceries – et des espaces publics – parcs, rues, places – gérés par les autorités municipales. Il s’agit d’un espace dépourvu d’échanges marchands et animé par un organisme médiateur, où des individus peuvent se rencontrer et échanger de façon informelle sur divers enjeux.»

Le Tiers-lieu de l’agriculture urbaine est un espace civique de 3 000 pieds carrés se déployant sur deux étages de la Maison de projet. Il comprend une aire ouverte au troisième étage permettant d’accueillir des conférences, des expositions et autres événements pour échanger sur l’agriculture urbaine, en plus d’un toit vert maraîcher abritant un jardin collectif et une serre quatre saisons. Le programme d’activités sera développé en collaboration avec les organismes du quartier et la communauté de l’agriculture urbaine.

Le toit sera géré par le Carrefour solidaire, un organisme communautaire d’alimentation établi dans le quartier depuis 2013. Celui-ci invitera la population à participer à des ateliers de jardinage sur le toit afin de favoriser l’accès à une saine alimentation, à des prix abordables. «Le toit maraîcher contribuera à créer une dynamique d’insertion sociale, tout en ayant un impact environnemental», observe le chargé de cours. Un groupe de bénévoles, accompagné d’animateurs et animatrices de Carrefour solidaire, y cultiveront tout l’été légumes et fines herbes dans l’objectif de favoriser une alimentation de proximité, tout en participant aux efforts de lutte à l’insécurité alimentaire déployée dans le quartier.

L’exposition Faire place à l’agriculture urbaine, un projet d’AU/LAB et de MixCité, le carrefour d’innovation ouverte du Pôle sur la ville résiliente de l’UQAM, a été lancée en même temps que le Tiers-lieu. Installée au troisième étage de la Maison de projet, elle propose une quinzaine de projets innovants provenant des quatre coins de la planète ainsi qu’une réflexion sur la manière dont l’immobilier peut contribuer au développement d’une agriculture urbaine de proximité. Francis Tangmouo Tsoata, doctorant en études urbaines, a réalisé la recherche et la rédaction des affiches, tandis qu’Angèle Chatellard, étudiante à la maîtrise en communication et diplômée du DESS en design d’événements, a conçu l’identité visuelle de l’exposition.

Projet pilote porté par AU/LAB, le Tiers-lieu de l’agriculture urbaine est le fruit d’un partenariat avec la société immobilière Prével et le Fonds canadien de revitalisation des communautés.

Pour en savoir davantage sur la création du Tiers-lieu, un panel se tiendra sur place (2156 Sainte-Catherine Est, 3e étage) le mercredi 24 mai, de 18 h à 20 h. Le panel réunira des acteurs ayant collaboré à des projets d’agriculture urbaine: David Deschênes, directeur principal, développement et conception chez Prével, Jean-Philippe Vermette (AU/LAB), Maude Vallée, conseillère en développement communautaire à l’arrondissement de Pierrefonds-Roxboro et Krin Haglund, fondatrice de Jardin Buzz.

«L’agriculture urbaine sur toit ne répond pas seulement à des besoins, alimentaires, mais permet aussi de créer des espaces de vie communautaire et de réduire les îlots de chaleur, s’inscrivant dans une stratégie d’adaptation aux changements climatiques.»

Jean-Philippe Vermette,

Chargé de cours à l’Institut de sciences de l’environnement

Intégrer l’agriculture urbaine au cadre bâti

«Depuis quelques années, différents acteurs réfléchissent à des espaces permettant d’intégrer l’agriculture urbaine au cadre bâti, rappelle Jean-Philippe Vermette. On a beaucoup parlé de densification des centres-villes pour diminuer les effets néfastes engendrés par l’étalement urbain, notamment la production de gaz à effet de serre. Mais la densification entraîne aussi la perte de milieux de vie, tels que les parcs et autres espaces verts.» Les promoteurs immobiliers et les autorités municipales doivent répondre au défi de densifier les espaces et terrains vacants, tout en créant des milieux de vie stimulants et verdoyants. «L’idée de créer des jardins collectifs et des serres sur les toits et de rendre ces espaces accessibles à la communauté environnante est particulièrement prometteuse», affirme le chargé de cours.

Selon lui, plusieurs contraintes nuisent à la mise en place de toits maraîchers à Montréal. «Le Tiers-lieu sur l’agriculture urbaine vise justement à jeter des ponts entre divers acteurs, comme la Régie du bâtiment du Québec, l’Association des constructeurs du Québec et la Ville de Montréal, pour en créer davantage. L’agriculture urbaine sur toit ne répond pas seulement à des besoins, alimentaires, mais permet aussi de créer des espaces de vie communautaire et de réduire les îlots de chaleur, s’inscrivant dans une stratégie d’adaptation aux changements climatiques.»

Le jardin collectf et la serre serviront également d’espaces de recherche et d’expérimentation pour AU/LAB. «Nous avons installé un capteur dans le drain du toit pour évaluer sa capacité de rétention des eaux lors de fortes pluies, note Jean-Philippe Vermette. La serre comprend un matériau ignifuge, qui permet de diminuer les coûts et d’être efficace sur les plans énergétique et environnemental. Nous utilisons aussi un système d’intelligence artificielle afin de contrôler la température dans la serre et de détecter les vents violents.»

«L’UQAM cherche à s’ancrer dans les quartiers de son voisinage, comme celui du Centre-Sud, et le projet du Tiers-lieu facilite cet ancrage.»

Le Tiers-lieu s’inscrit dans le projet de mise en place d’un réseau d’espaces publics sur toits, piloté par AU/LAB. «Ces espaces sont actuellement peu présents dans les projets de développement immobilier à Montréal, lesquels privilégient la construction de piscines et de jacuzzis», indique le chargé de cours.

Enfin, MixCité prévoit organiser des ateliers et des séminaires portant sur l’agriculture urbaine et la thématique des villes nourricière, qui se tiendront dans l’aire ouverte au troisième étage. «L’UQAM cherche à s’ancrer dans les quartiers de son voisinage, comme celui du Centre-Sud, et le projet du Tiers-lieu facilite cet ancrage», relève Jean-Philippe Vermette.


Dédié à la communauté locale

La construction de la Maison de projet de l’esplanade Cartier, inaugurée en août 2022, a été rendue possible par la société immobilière Prével.  «La Maison était une sorte de carte blanche et un appel de projets a été lancé pour en faire un espace dédié à la communauté locale, précise le chargé de cours. Le projet de Tiers-lieu vient de lui donner une connotation agriculture urbaine pour les prochaines années.»

L’entreprise Prével souhaite favoriser l’accession à la propriété, le logement social, le développement durable, l’agriculture urbaine, le transport collectif et le commerce local. Ce développeur s’est aussi engagé dans la revitalisation de plusieurs quartiers centraux de Montréal, en y créant des environnements ouverts et inclusifs.

Situé aux abords du pont Jacques-Cartier, à deux pas du centre-ville, l’esplanade Cartier est le fruit d’un nouveau développement urbain, qui fait la part belle au transport en commun, aux espaces verts et communautaires, et à l’agriculture urbaine.