Selon une nouvelle étude réalisée par une équipe internationale de climatologues, les changements climatiques d’origine anthropique ont doublé le risque des conditions météorologiques à l’origine des feux de forêt extrêmes survenus au Québec entre mai et juillet 2023. Les scientifiques ont également constaté que les changements climatiques, causés principalement par les émissions de gaz à effet de serre des combustibles fossiles, ont rendu les conditions météorologiques propices à ces feux de forêt 20 à 50 % plus intenses.
L’étude a été menée dans le cadre du groupe World Weather Attribution par 16 chercheurs, dont des scientifiques d’universités et d’agences météorologiques du Canada, des Pays-Bas, du Royaume-Uni et des États-Unis. Le professeur du Département de géographie Philippe Gachon, membre du Centre pour l’étude et la simulation du climat à l’échelle régionale (ESCER) et directeur du Réseau Inondations InterSectoriel du Québec (RIISQ), et l’agent de support à la recherche François Roberge figurent parmi les cosignataires de cette étude.
La saison 2023 des feux de forêt au Canada a été la plus dévastatrice jamais enregistrée dans le pays, avec près de 14 millions d’hectares déjà brûlés – une superficie plus grande que celle de la Grèce –, soit près du double du record de 1989, qui était de 7,6 millions d’hectares. Jusqu’à présent, au moins quatre décès ont été directement liés aux incendies et près de 200 000 personnes ont été évacuées des zones touchées, soit le nombre le plus élevé d’évacués pour cause de feux de forêt depuis au moins 1980. La fumée de ces incendies s’est répandue à travers le Canada et les États-Unis et la dégradation de la qualité de l’air a entraîné des fermetures d’écoles ainsi qu’une forte augmentation des visites aux services d’urgence liées à l’asthme.
L’étude s’est concentrée sur une région du Québec qui a enregistré un nombre exceptionnellement élevé de feux de forêt entre mai et juillet, et a utilisé l’indice forêt-météo (IFM), une mesure qui combine la température, la vitesse du vent, l’humidité et les précipitations, pour estimer le risque de feux de forêt.
Les chercheurs ont analysé les valeurs maximales de l’IFM moyen dans une fenêtre de 7 jours pour la région étudiée afin d’évaluer l’intensité maximale des incendies, et ont conclu que ces conditions météorologiques étaient 2 fois plus susceptibles de se produire et environ 20 % plus intenses en raison des changements climatiques.
Un impact cumulatif
Pour évaluer l’impact cumulatif des conditions météorologiques chaudes et sèches qui ont nourri les incendies jusqu’à la fin juillet, les scientifiques ont calculé l’accumulation de l’indice journalier de sévérité dérivé de l’indice forêt-météo. Ils ont conclu que le changement climatique a multiplié par un facteur d’au moins sept la probabilité que le cumul des conditions météorologiques favorables aux incendies tout au long de la saison soit si élevé, les rendant aussi 50 % plus intenses.
Bien que les conditions météorologiques favorables aux feux de forêt soient sans précédent, elles ne sont plus si inhabituelles. Dans le climat actuel, on peut s’attendre à ce que des conditions météorologiques similaires se produisent une fois tous les 25 ans, ce qui signifie qu’elles ont une probabilité de 4 % de se produire chaque année. L’analyse montre également que si la planète continue à se réchauffer, le risque de feux de forêt augmentera de façon encore plus importante.
«Dans de nombreuses régions du Canada, la couverture neigeuse limite le début et l’étendue de la saison des feux de forêt: si une forêt est recouverte de neige ou humide à la suite de la fonte des neiges, le risque d’allumage et de propagation des feux est faible, observe Philippe Gachon. Or, cette année, les températures élevées ont entraîné une fonte et une disparition rapide de la neige au mois de mai, en particulier dans l’est du Québec, ce qui a donné lieu à des feux de forêt inhabituellement précoces.»
Moins de neige, plus de feux
«La perte continue de neige dans un climat qui se réchauffe signifie que les feux de forêt brûleront pendant de nombreux jours supplémentaires chaque année au Canada», ajoute-t-il.
Les conséquences des feux de forêt ont été ressenties de manière disproportionnée par les communautés isolées, notamment les populations autochtones. Celles-ci étaient particulièrement vulnérables en raison du manque de services et de la difficulté des évacuations due au faible nombre ou carrément à l’absence de routes d’accès et de moyens de transport aérien. Mais les effets se sont fait sentir bien au-delà des zones touchées par les incendies, les panaches de fumée recouvrant de grandes parties du Canada et des États-Unis.
Les personnes les plus vulnérables aux dangereuses particules fines transportées par la fumée des feux de forêt sont surtout celles qui ont des problèmes de santé sous-jacents, un accès réduit aux services de santé et vivant dans des logements de mauvaise qualité. Les chercheurs affirment que le public devrait être beaucoup plus préoccupé par les risques d’une qualité de l’air dangereuse due à la fumée des feux de forêt, d’autant plus que les risques d’incendies augmentent en raison des changements climatiques d’origine anthropique.
Philippe Gachon dirigera un projet de recherche de 3,6 millions de dollars sur cinq ans afin d’identifier et d’évaluer les risques associés aux aléas hydrométéorologiques pour les infrastructures hydroélectriques et minières du Québec considérées comme stratégiques et névralgiques.