Même quand les femmes sont représentées de manière égale dans les instances décisionnelles des organisations, leurs déclarations sont parfois ignorées ou rejetées. «Les femmes et les groupes marginalisés disposent généralement d’une moins grande autorité lors de leurs prises de parole dans les espaces délibératifs, observe la professeure du Département de management de l’ESG UQAM Nancy Aumais. Plusieurs études montrent que même en tenant compte de la composition des groupes, les hommes tendent à monopoliser une plus grande proportion du temps de parole.»
Nancy Aumais mène actuellement une étude sur la participation et la prise de parole des femmes dans les instances syndicales. Financé par le CRSH, ce projet de recherche partenariale est mené en collaboration avec Julie Pinel, conseillère à la condition des femmes de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Emmanuelle Proulx, du Service de recherche et de condition féminine de la Centrale des syndicats nationaux (CSN), et Marianne Théberge-Guyon, agente au Service aux collectivités (SAC) de l’UQAM. «Il vise à documenter les enjeux quant à la participation et à la prise de parole active des femmes au sein des instances syndicales, puis à proposer des pistes d’amélioration des pratiques pour favoriser cette participation», précise la professeure.
Son équipe a réalisé des séances d’observation non participante pendant deux jours à la CSN et fera la même chose à la CSQ cet automne. «Nous combinerons le tout avec des groupes de discussion», souligne Nancy Aumais. Les personnes étudiantes au doctorat en administration Tasha Sarrazin-Audras et Mélina Dorval participent à la collecte et à l’analyse de données avec la professeure.
«Nos résultats – très préliminaires, insiste Nancy Aumais – semblent confirmer ce que la littérature dit au sujet des instances décisionnelles dans les organisations en général, à savoir que les femmes prennent moins la parole que les hommes. Ce qui est surprenant, en revanche, c’est que les personnes impliquées ne le remarquent pas. Il y aurait donc un enjeu de sensibilisation à envisager dans nos recommandations.»
Ce phénomène d’inégalité de genre dans les prises de parole a un air familier pour la professeure. «On observe la même chose en éducation et c’est documenté, dit-elle. Dans les salles de classe, les hommes prennent davantage la parole.»
Afin de mieux documenter ces inégalités dans les instances syndicales, son équipe portera une attention particulière aux contextes, à la nature des interventions et à la réaction des personnes présentes, à titre individuel et collectif, incluant les aspects se rapportant à la communication non verbale et les pratiques nuisant à la participation. «Nous porterons également une attention à la taille des groupes. C’est plus facile de prendre la parole devant un petit comité que dans une plénière réunissant 200 ou 300 personnes», illustre la chercheuse.
Les suites à donner
Des recommandations précises quant aux pratiques qui pourraient être mises en place pour favoriser la prise de parole des femmes seront émises à l’issue de ce projet de recherche.
«Les résultats contribueront à la littérature sur les inégalités de genre dans les espaces délibératifs, parmi lesquels les espaces syndicaux sont sous-représentés, précise Nancy Aumais. Un rapport sera déposé à l’intention de la CSQ et de la CSN et nous effectuerons une présentation auprès de nos partenaires.»
Une présentation est envisagée dans le cadre du Congrès de l’Acfas. «J’espère également rédiger un article scientifique en collaboration avec les personnes étudiantes qui participent au projet», conclut Nancy Aumais.