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Soutenir le développement des jeunes à Madagascar

Une recherche démontre les bienfaits psychologiques des activités sportives et musicales pour les jeunes exposés à la pauvreté et à la violence.

Par Claude Gauvreau

2 août 2023 à 9 h 45

Depuis une dizaine d’années, des projets d’activités sportives et artistiques sont régulièrement utilisés comme outils mis au service du développement et de la paix dans les pays du Sud. Dans bien des cas, on les voit comme des leviers d’intégration ou de réintégration sociale, en particulier dans les zones de conflit. Mais quelle est la portée réelle de ce type d’initiatives, lesquelles ont fait l’objet de peu de recherches jusqu’à maintenant?

C’est pour répondre à cette question que les professeurs Claude Bélanger (psychologie) et Tegwen Gadais (sciences de l’activité physique) ont mené un projet de recherche portant sur l’influence d’un programme d’activités sportives et musicales auprès de jeunes en situation de vulnérabilité dans la ville de Tuléar, située au sud-ouest de l’île de Madagascar, l’un des pays les plus pauvres de la planète. Conçu par l’étudiante en psychologie Laurie Décarpentrie dans le cadre de sa recherche doctorale effectuée sous la supervision des deux professeurs, le projet a été réalisé en partenariat avec l’Université catholique de Madagascar (UCM) et l’ONG Bel Avenir, qui œuvre à Tuléar.

«La recherche a démarré sur le terrain en 2018 sous la direction de Tegwen Gadais et de Claude Bélanger, grâce à des accords conclus entre l’UQAM, le Département de psychologie de l’UCM et Bel Avenir, rappelle Laurie Décarpentrie. Ayant développé un programme sportif pour les jeunes de Tuléar, auquel s’est ajouté un volet artistique, l’ONG Bel Avenir était particulièrement intéressée à collaborer avec des chercheurs qualifiés pour évaluer la pertinence et les retombées de ce programme.»

Le projet a également bénéficié des liens existant entre l’ONG et le professeur Tegwen Gadais. Celui-ci possède une riche expertise en coopération internationale, ayant accumulé les expériences en Afrique de l’Est (Tanzanie, Kenya et Madagascar), en Afrique du Sud, en Amérique latine (Colombie, Argentine, Salvador) et au Moyen-Orient (Israël, Palestine, Jordanie).

Un contexte de vulnérabilité extrême

À Tuléar, une région défavorisée, plusieurs jeunes Malgaches vivent dans des conditions de vulnérabilité dite extrême, indique la doctorante. «Cela signifie qu’ils évoluent dans un environnement marqué, entre autres, par la pauvreté, l’insécurité, la violence de rue, la malnutrition, le manque d’accès à des soins de santé et à de l’eau potable. Certains ont des comportements à risque associés à la consommation d’alcool et de drogues, alors que d’autres, des jeunes filles surtout, se prostituent pour subvenir aux besoins de leur famille.»

«L’objectif de la recherche consistait à évaluer les impacts de ces activités sur le bien-être et les besoins psychologiques de base des jeunes, soit les besoins liés au développement de l’autonomie, de compétences personnelles et de l’appartenance sociale.»

Laurie Décarpentrie,

Doctorante en psychologie

L’équipe de recherche, composée de chercheuses et chercheurs de l’UQAM et de l’UCM ainsi que d’intervenants de Bel Avenir, a suivi pendant 16 mois quelque 50 jeunes (garçons et filles) âgés de 14 à 18 ans. Fréquentant l’école, ces derniers participaient au programme d’activités sportives et musicales extrascolaires élaboré par Bel Avenir: basketball, soccer, arts martiaux, fanfare, troupe de percussions, théâtre de marionnettes géantes, cirque, etc. «L’objectif de la recherche consistait à évaluer les impacts de ces activités sur le bien-être et les besoins psychologiques de base des jeunes, soit les besoins liés au développement de l’autonomie, de compétences personnelles et de l’appartenance sociale», souligne Laurie Décarpentrie.

Au cours de la période de recherche, les jeunes ont rempli à quatre reprises des questionnaires portant sur leur bien-être et leurs besoins psychologiques. De plus, 14 d’entre eux ont raconté dans le cadre d’entrevues individuelles comment ils avaient vécu leur participation aux activités. Enfin, l’équipe de recherche a établi une comparaison avec un groupe formé d’une quarantaine de jeunes ayant des profils similaires, mais qui n’avaient pas participé au programme d’activités extrascolaires.

En dépit du fait que ces jeunes vivent dans un contexte peu favorable à leur développement et leur épanouissement, les résultats de la recherche montrent que leur engagement dans les activités sportives et artistiques, en plus de constituer un incitatif à la poursuite du cursus scolaire, a généré des effets positifs sur la satisfaction de l’ensemble de leurs besoins psychologiques de base.

«Les jeunes nous ont expliqué que les activités organisées par Bel Avenir offraient un cadre protecteur contre les violence de la rue, la violation de leurs droits et les mauvaises influences de toutes sortes, observe la doctorante. La participation aux activités a aussi favorisé la socialisation en permettant aux jeunes de développer leurs habiletés de communication, des liens de confiance avec les adultes et, surtout, des relations de soutien et d’entraide avec leurs pairs.»

Un public de 400 jeunes

«On compte seulement 44 psychologues à Madagascar, un pays de près de 30 millions d’habitants, et aucun à Tuléar. Cela donne une idée de l’ampleur des besoins.»

Cet été, Laurie Décarpentrie, Claude Bélanger et Réal Labelle, également professeur au Département de psychologie, se sont rendus à Madagascar pour présenter les résultats de l’étude, notamment devant un public de 400 jeunes accompagnés de leurs parents. «Nous avons été impressionnés par le fait qu’ils s’étaient déplacés en si grand nombre, ce qui témoignait de leur intérêt pour la recherche, note la doctorante. À nos yeux, il était important de leur transmettre les fruits de notre travail et d’exprimer notre reconnaissance envers les enfants et les familles qui avaient collaboré à l’étude.»

Durant leur séjour, les trois chercheurs ont aussi donné des cours à l’Université catholique de Madagascar et ont siégé à des jurys chargés d’évaluer des mémoires de maîtrise en psychologie.

Le succès de ce premier projet de recherche partenarial entre l’UQAM, l’UCM et Bel Avenir ouvre la porte à d’autres collaborations, tant sur le plan de la recherche que sur celui de la formation de psychologues malgaches et d’intervenants pour l’ONG. «La prochaine étape consiste à inciter des étudiantes et étudiants de l’UCM a effectuer des stages en psychologie clinique ou organisationnelle au sein de l’organisme Bel Avenir, à Tuléar, remarque Laurie Décarpentrie. On compte seulement 44 psychologues à Madagascar, un pays de près de 30 millions d’habitants, et aucun à Tuléar. Cela donne une idée de l’ampleur des besoins.»

Il est possible que des étudiantes et étudiants de l’UQAM, en psychologie ou issus d’autres programmes, effectuent également des stages à Madagascar, notamment à Tuléar, comme ce fut le cas cet été pour un étudiant du baccalauréat en sciences de l’activité physique.