Quatre collaborateurs du Groupe de recherche interuniversitaire en limnologie (GRIL) rattaché au Département des sciences biologiques sont cosignataires d’un article de perspective sur le cycle du carbone récemment paru dans la prestigieuse revue Nature Communications. Joan-Père Casas Ruiz et Pascal Bodmer (les deux auteurs principaux) ainsi que Mathilde Couturier étaient chercheurs postdoctoraux sous la direction du professeur Paul del Giorgio, titulaire de la Chaire Biogéochimie du carbone dans des écosystèmes aquatiques boréaux (BiCÉAB), à l’origine du projet. Son collègue, le professeur du Département des sciences biologiques Changhui Peng, membre du Centre d’étude de la forêt, est également cosignataire.
Cet article intitulé «Integrating terrestrial and aquatic ecosystems to constrain estimates of land-atmosphere carbon exchange» est le résultat d’un atelier interdisciplinaire qui a eu lieu à l’UQAM en mai 2019 et qui réunissait des scientifiques spécialisés dans les milieux aquatique et terrestre provenant de plusieurs pays, dont le Canada, l’Espagne, les États-Unis, la Suède et l’Australie. Ces chercheurs, qui couvraient un large éventail de disciplines (écologistes, biogéochimistes, ingénieurs, modélisateurs des milieux humides et terrestres), ont identifié les défis de recherche et les solutions potentielles à la quantification de l’échange de carbone Terre-atmosphère. Ils ont également travaillé à la définition d’une terminologie et d’objectifs communs entre les disciplines.

Les chercheurs uqamiens, également rattachés au groupe de Biogéochimie du carbone des écosystèmes aquatiques boréaux (BiCÉAB), et leurs collègues proposent un cadre intégratif pour améliorer les estimations de l’échange de carbone Terre-atmosphère sur la base de l’accumulation de carbone dans le paysage.
«Au cours des dernières décennies, d’intenses efforts ont été déployés pour quantifier et comprendre l’échange de carbone entre la Terre et l’atmosphère ainsi que pour identifier et quantifier les principaux sites de séquestration du carbone qui existent sur les continents, explique Paul del Giorgio. L’identification et la compréhension de la régulation des puits et des sources de carbone du paysage sont essentielles à la mise en œuvre de stratégies d’atténuation des changements climatiques impliquant l’amélioration des puits de carbone naturels et la limitation des émissions de carbone.»
Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), rendu public en mars 2023, a souligné encore une fois l’extrême gravité des tendances actuelles de concentrations de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère et des effets climatiques qui y sont associés, rappelle le professeur. «Le rapport contenait également l’appel à l’action climatique le plus convaincant et le plus urgent à ce jour, comprenant non seulement des réductions radicales d’émissions de GES, mais également des mesures d’atténuation qui impliquent, entre autres, la promotion de la séquestration du carbone par les écosystèmes naturels.»
Selon les cosignataires de l’article, l’urgence climatique actuelle nécessite une amélioration dans la communication et la synergie entre des groupes qui n’ont pas beaucoup interagi dans le passé, y compris les communautés de recherche sur les milieux terrestre, aquatique et atmosphérique, les décideurs politiques et les parties prenantes.
«Il est important de noter que la plupart des paysages sont des mosaïques complexes de différents écosystèmes terrestres et aquatiques, chacun ayant son propre fonctionnement et son propre bilan de carbone, explique Paul del Girogio. Par conséquent, ce que nous appelons l’échange Terre-atmosphère de carbone est le résultat net de tous les flux de carbone à travers cette mosaïque complexe du paysage. Or, la plupart des études se sont concentrées uniquement sur la composante terrestre de cette mosaïque, incluant les sols, la végétation et, dans une moindre mesure, différents types de milieux humides tels que les tourbières et marais.» Une autre équipe de l’UQAM, sous la responsabilité de la professeure du Département de géographie Michelle Garneau, également membre du GRIL, vient d’ailleurs d’obtenir une importante subvention pour l’étude de la contribution des milieux humides à la séquestration du carbone.
Le rôle des eaux intérieures (lacs, réservoirs, étangs et rivières) n’a pas suffisamment été pris en compte dans les évaluations du bilan de carbone du paysage, affirme Paul del Giorgio. «Pourtant, nous savons maintenant qu’il s’agit de sites d’activité biogéochimique intense, comportant des taux élevés d’émissions de carbone dans l’atmosphère et de séquestration du carbone dans les sédiments des lacs et des réservoirs.»
Les eaux intérieures et les milieux humides sont particulièrement importants dans les paysages nordiques riches en eau, comme dans les biomes boréal et subarctique, notent les auteurs de l’article. Le manque d’intégration des différents éléments du paysage se traduit, observent-ils, par une représentation incomplète et potentiellement biaisée de l’échange Terre-atmosphère du carbone, et entrave le développement de stratégies robustes d’atténuation des changements climatiques.
Le cadre qu’ils proposent pour améliorer les estimations de l’échange de carbone Terre-atmosphère utilise le bassin versant comme unité spatiale de base, et intègre tous les écosystèmes terrestres et aquatiques ainsi que leurs échanges hydrologiques de carbone. «L’application du cadre devrait aider à réduire les écarts qui existent entre les approches actuelles pour déterminer l’échange de carbone entre la Terre et l’atmosphère, et conduire à une quantification plus précise des sources ou des puits de carbone du paysage», conclut Paul del Giorgio.