Véritable joyau québécois, l’archipel des Îles-de-la-Madeleine est confronté aux bouleversements majeurs provoqués par les changements climatiques, lesquels affectent les territoires côtiers de l’Atlantique Nord. Le projet Solastalgies créatrices, dirigé par la professeure du Département de sociologie Magali Uhl, propose une approche collaborative inédite pour capter l’expérience de ces transformations, en partant du point de vue des personnes qui la vivent quotidiennement.
Lié aux catastrophes environnementales des 50 dernières années, le concept de «solastalgie» évoque l’angoisse de voir son milieu de vie (territoire, paysage, habitat, écosystème) se modifier radicalement pour finalement disparaître. «Ce concept porte aussi en lui, et c’est notre hypothèse novatrice, un potentiel de création pour l’avenir qui se manifestera par des engagements environnementaux et artistiques», souligne Magali Uhl. Projet multidisciplinaire (sociologie, anthropologie, études médiatiques et design), Solastalgies créatrices vise à raconter les souvenirs du passé et à exprimer l’imaginaire du futur en mobilisant le potentiel créatif de la solastalgie.
Mené en collaboration avec les communautés et des partenaires locaux, dont le Musée de la Mer, le centre d’artistes AdMare et le Comité ZIP, Solastalgies créatrices propose des activités artistiques, des ateliers participatifs grand public et des rencontres publiques qui se tiendront la dernière semaine de mai 2023, principalement au Musée de la Mer. Les personnes participantes seront amenées à penser et à performer leurs propres récits pour habiter autrement le présent et imaginer le futur des Îles-de-la-Madeleine.
Deux autres professeures de l’UQAM, Amandine Alessandra (École de design) et Katharina Niemeyer (École des médias), participent à titre de cochercheuses au projet financé par le CRSH. Leur collègue anthropologue Célia Forget, professeure associée à l’UQAM et coordonnatrice du Centre de recherche Cultures, Arts et Sociétés (CELAT) à l’Université Laval, fait aussi partie de l’équipe.
PROGRAMMATION PUBLIQUE
Soirée de discussion, 23 mai, 19 h, Bibliothèque Jean-Lapierre (37, chemin Central, Havre-aux-Maisons)
AdMare, centre d’artistes en art actuel des Îles-de-la-Madeleine, et l’équipe de Solastalgies créatrices invitent le public à une rencontre autour du projet. En compagnie de leurs principaux partenaires, les chercheuses, accompagnées de Geneviève Chevalier, artiste invitée d’AdMare, et de l’essayiste Raphaëlle Guidée, répondront aux questions du public en s’attardant sur leurs parcours et sur ce qui les amène à venir rencontrer la population madelinienne.
Que peut l’art pour l’environnement aux Îles? 25 mai, 19 h, Musée de la Mer, Havre-Aubert (1023, chemin de la Grave)
Le Musée de la Mer et les chercheuses du projet Solastalgies créatrices convient le public à une rencontre-causerie sur l’art et la cause environnementale: comment la création artistique peut-elle contribuer à offrir un autre regard sur la transformation du territoire madelinot après les tempêtes et les intempéries des dernières années? Annie Morin, artiste des Îles, Marianne Papillon, médecin conseil en santé durable et planétaire à la Direction de santé publique Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine et artiste, Francine Saillant, artiste, anthropologue et professeure émérite de l’Université Laval, et Corine Dufresne-Deslières, artiste et candidate à la maîtrise en communication, discuteront avec les spécialistes de l’environnement Karine Rioux, qui œuvre au sein du Comité ZIP des Îles, et Christophe Abrassart, professeur à la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal.
Ateliers de création, 27 mai, 9 h 30 à 17 h 30, Musée de la Mer
Que souhaitent léguer les Madeliniennes et Madelinots aux générations futures? Objets? Photographies? Histoires? À quoi la population tient-elle profondément? Animé par Katharina Niemeyer et les professeures du Département d’histoire de l’art Célia Forget et Ève Lamoureux, cet atelier proposera aux personnes participantes de projeter leurs souvenirs dans le futur à travers la photographie, l’écriture, le dessin et leurs propres artéfacts. L’atelier se déroulera de 9 h 30 à 11 h 30.
Proposé par Francine Saillant, l’atelier Écritures de la terre (11 h 30 à 12 h 30) portera sur la recherche et l’identification de signes de transformation sur les parois rocheuses des Îles, qui sont en voie d’effritement. Des empreintes seront réalisées à même l’une d’elles. Leur impression sur papier permettra un partage de récits.
Amandine Alessandra et la professeure de l’Université Laval Louise Paradis invitent les Madeliniennes et les Madelinots à former des lettres de l’alphabet à partir d’objets spécifiques de leur quotidien insulaire: matériaux liés à la pêche, objets prêtés, éléments naturels, etc. Au cours de cet atelier de typographie collective (14 h à 17 h), les lettres seront numérisées et vectorisées pour créer une police de caractères propre aux membres de la communauté de l’archipel. Elle sera utilisée pour écrire des expressions madeliniennes visibles sur diverses plateformes.
Animé par l’étudiante en média expérimental Corine Dufresne-Deslières et la directrice de l’École de design Carole Lévesque, l’atelier Archiver le territoire avec des images de solargraphie consiste en la fabrication de petites caméras à sténopé, qui seront ensuite déposées par les participantes et participants dans des sites naturels, traduisant leur attachement au territoire. Après la fabrication, les personnes raconteront une histoire ou une anecdote sur leurs lieux choisis, qui accueilleront jusqu’à l’automne leurs caméras artisanales. L’animatrice de l’atelier viendra ensuite récupérer les caméras et développera, avec les personnes impliquées, les images capturées.
Piloté par Alexandrine Boudreault-Fournier, professeure associée au Département d’anthropologie à l’Université de Victoria, Magali Uhl et Catherine Duchesneau, docteure en sociologie et chargée de cours à l’UQAM, l’atelier Ondes d’érosion: écouter les fonds marins vise à capter et à entendre ce qui a été enseveli au fil des tempêtes et des événements climatiques pour en proposer collectivement une nouvelle histoire. Une captation des images et des sons sous-marins et aériens, suivie de son partage avec la communauté des Îles, permettra d’entrevoir une mémoire de la transformation des eaux qui baignent les côtes et de proposer le récit collectif de son futur.
Plusieurs autres ateliers en groupe restreint auront lieu, notamment le 26 mai, avec la classe de sociologie de Joaquin Sabat, professeur au Cégep de la Gaspésie et des Îles. Animé par Christophe Abrassart, professeur à l’Université de Montréal, cet atelier offrira une projection de la vie possible aux Îles-de-la-Madeline en 2043 à travers la rédaction de la une d’un journal local.
La programmation complète des activités est disponible sur le site web du projet.