En dépit des discours préconisant la réduction des pesticides, leur utilisation dans le secteur agricole a augmenté de manière exponentielle dans le monde au cours des 30 dernières années. Les herbicides à base de glyphosate (GBH) sont les plus répandus sur la planète et au Canada, où près de 470 millions de kilogrammes de glyphosate, substance déclarée «active», ont été vendus entre 2007 et 2018. C’est ce que révèle un article paru dans un numéro spécial de la revue internationale Toxics.
Intitulé «Poisoning Regulation, Research, Health, and the Environment: The Glyphosate-Based Herbicides Case in Canada», l’article est cosigné par la professeure du Département de sociologie Louise Vandelac et la chercheuse Marie-Hélène Bacon (Ph.D. sociologie, 2014), respectivement directrice et coordonnatrice du Collectif de recherche en écosanté sur les pesticides, les politiques et les alternatives (CREPPA), ainsi que par Marc-André Gagnon (Université Carleton) et Lise Parent (Université TÉLUQ), membres également du CREPPA.
Fondé sur des recherches interdisciplinaires et intersectorielles, et utilisant le cas des GBH, l’article montre que l’évaluation scientifique des pesticides et la réglementation canadiennes accusent un net retard par rapport à d’autres pays. En 2017, les GBH représentaient 58 % des pesticides utilisés dans le secteur agricole au Canada, rappellent les signataires de l’étude. Bien que la littérature scientifique concernant les effets nocifs des pesticides sur la santé et l’environnement soit abondante, le Canada n’a interdit que 32 ingrédients pesticides «actifs» sur les 531 interdits dans 168 pays. De plus, il a réapprouvé les GBH en 2017, et ce, jusqu’en 2032.
«En adoptant des récits et des preuves biaisées de l’industrie des pesticides, en étant réceptif à ses demandes et en prenant des décisions opaques, l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) de Santé Canada favorise les intérêts commerciaux plutôt que les impératifs de santé publique et de protection de l’environnement», souligne l’article.
Le numéro spécial de Toxics met en évidence plusieurs des nouvelles découvertes sur la toxicité à long terme des pesticides dans les écosystèmes et insiste sur la nécessité que l’entièreté du produit commercialisé fasse l’objet d’évaluations indépendantes, au-delà de la substance déclarée active par l’industrie, sous la responsabilité d’organismes publics de réglementation.
Co-rédactrice en chef de VertigO, la revue électronique en sciences de l’environnement, qui compte un lectorat très important dans la francophonie, Louise Vandelac est membre de l’Institut des sciences de l’environnement et de quatre regroupements stratégiques, dont le Réseau québécois de recherche en agriculture durable (RQRAD) et le C.A. du Centre de recherche québécois sur l’eau (CENTREAU), alors que Marie-Hélène Bacon est chercheuse associée au RQRAD, à Centreau et à l’Institut Santé et société (ISS).