Pour certains observateurs, le Canada serait, davantage que d’autres pays, à l’abri des manifestations du populisme de droite en raison de ses politiques d’ouverture fondées sur le multiculturalisme. Cette thèse de l’exceptionnalisme canadien sera abordée au colloque «Populismes et nationalismes au Québec et au Canada: distinctions analytiques, études empiriques et analyses comparées» (8 mai), co-organisé par le professeur du Département de sociologie Frédérick Guillaume Dufour.
«De l’élection de Pierre Poilievre à la tête du Parti conservateur du Canada jusqu’au mouvement des camionneurs pour la liberté, en passant par la popularité de figures politiques comme Doug Ford, Maxime Bernier et Éric Duhaime, il est impossible de sous-estimer l’importance du populisme de droite au Canada», affirme le professeur.
Selon Frédérick Guillaume Dufour, on assiste à une reconfiguration de la droite canadienne, dont l’agenda politique se rapproche aujourd’hui de l’agenda libertarien de l’ancien Parti réformiste du Canada de Preston Manning, mis en veilleuse sous Stephen Harper. «C’est pourquoi Pierre Poilievre a soutenu les manifestations des camionneurs opposés aux mesures sanitaires.»
Le populisme de droite se manifeste tant au sein de partis politiques que dans la société civile, constituant une sorte de nébuleuse. «Ce populisme, qu’il ne faut pas confondre avec l’électoralisme, met en scène une opposition d’ordre moral entre le peuple, pur et organique, et les élites nécessairement corrompues», souligne le chercheur.
Le colloque traitera du rôle de la pandémie, laquelle a nourri la méfiance envers les élites politiques, scientifiques et médiatiques, et alimenté les théories conspirationnistes. «La pandémie a permis de renforcer des courants déjà présents et de mettre en réseau une constellation de groupes anti-immigration et antivaccin, notamment, qui jusque-là avaient peu de liens entre eux», note Frédérick Guillaume Dufour.
Il sera aussi question de la relation entre populismes et nationalismes au Québec et au Canada. «La CAQ, parti nationaliste, recourt davantage à la rhétorique anti-immigration que d’autres partis provinciaux, mais demeure divisée sur cette question, indique le professeur. Par ailleurs, la CAQ n’a pas un discours anti-étatique aussi prononcé que son ancêtre, l’ADQ de Mario Dumont. Certes, François Legault n’est pas un socialiste, mais il voit l’État comme un outil de développement collectif. Contrairement à des dirigeants d’autres pays, il a aussi évité de surfer sur la vague antivaccin.»
Le colloque se terminera par une discussion sur le nouvel ouvrage Générations MBC (Presses de l’Université Laval) du professeur de l’Université de l’Alberta Frédéric Boily, qui porte sur la jeune génération d’intellectuels conservateurs, dont le sociologue et chroniqueur Mathieu Bock-Côté (Ph.D. sociologie, 2013) est le plus illustre représentant.