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Le Bureau de la protectrice universitaire a 50 ans

L’UQAM a été la première université francophone au Canada à se doter d’un poste d’ombudsman.

Par Claude Gauvreau

17 avril 2023 à 15 h 06

Il y a 50 ans, le 17 avril 1973, le Conseil d’administration de l’UQAM adoptait une résolution créant le poste d’ombudsman, dont le titre a été modifié en 2020 pour celui de protectrice, protecteur universitaire. Quatre ans à peine après sa naissance, l’UQAM faisait figure de pionnière en devenant la première université francophone au Canada à se doter d’un tel poste.

«La fonction d’ombudsman tire ses origines des pays scandinaves au 19e siècle», rappelle Dominique Demers qui, depuis septembre 2020, occupe le poste de protectrice universitaire à l’UQAM, succédant à Muriel Binette, ombudsman au cours des 15 années précédentes. Aujourd’hui, toutes les universités au Canada et les collèges ont leur ombudsman. «Les universités ont créé ce poste pour s’assurer qu’une personne neutre et indépendante puisse recevoir les plaintes des membres de la communauté universitaire qui s’estiment lésés par les mécanismes administratifs de l’institution ou victimes de discrimination ou de toute forme d’injustice», explique Dominique Demers.

«La création du poste d’ombudsman correspondait à un développement social pour le plus grand bénéfice de la communauté universitaire, favorisant le respect des droits de tous ses membres», souligne Pierre-Paul Lavoie. Avocat de formation, celui-ci été directeur à l’UQAM du Service des relations de travail et de la rémunération pendant près de huit ans avant d’être nommé ombudsman en 1997, fonction qu’il a assumée jusqu’à sa nomination au poste de vice-recteur aux Ressources humaines en mars 2008.

L’idée de doter l’UQAM d’un ombudsman a été défendue par son premier recteur, Léo Dorais, qui entrevoyait les problèmes que la rapide croissance de l’Université et la multiplication de ses services pourraient entraîner.  Edmond Labelle, ancien directeur de l’École des beaux-arts de Montréal, l’un des établissements fondateurs de l’UQAM, a été le premier à occuper la fonction d’ombudsman, de 1973 à 1984, et à la faire connaître au sein de la communauté universitaire. À l’occasion du 20e anniversaire du Bureau de l’ombudsman, en 1993, il confiait à l’ancien journal L’UQAM que personne, au début, ne connaissait la fonction. «Les gens se demandaient bien ce que ça pouvait faire un ombudsman, disait-il. Déjà que le nom semblait curieux. Je me souviens que mon premier rapport racontait un peu l’histoire de la naissance de cette tâche. J’ai eu à “me définir” la fonction et surtout à l’expérimenter.»

«Les universités ont créé ce poste pour s’assurer qu’une personne neutre et indépendante puisse recevoir les plaintes des membres de la communauté universitaire qui s’estiment lésés par les mécanismes administratifs de l’institution ou victimes de discrimination ou de toute forme d’injustice.»

Dominique Demers,

Protectrice universitaire

Au service de la communauté

La personne titulaire du poste de protectrice, protecteur universitaire est nommée par le Conseil d’administration de l’UQAM, auquel elle rend compte de son action par le dépôt d’un rapport annuel d’activités. Au service de la communauté, son mandat est de défendre le droit de toute personne, qu’elle soit étudiante ou membre du personnel enseignant, cadre et de soutien, d’être traitée équitablement. «Les personnes qui viennent me rencontrer n’ont pas toujours épuisé les mécanismes réguliers normalement mis à leur disposition, note Dominique Demers. Mon rôle est de leur fournir de l’information sur leurs droits ainsi que sur les politiques, règlements et procédures de l’Université, de les conseiller et de les orienter au besoin vers les ressources appropriées.»

En plus d’enquêter de manière impartiale au sujet de plaintes concernant un traitement injuste, la protectrice universitaire a aussi le pouvoir de recommander des solutions au Conseil d’administration lorsque des plaintes sont fondées et afin d’aider à identifier les faiblesses des politiques et pratiques institutionnelles, et à apporter des corrections. «Lorsque des plaintes s’avèrent fondées, mon but est d’abord de travailler avec les personnes concernées au sein du personnel administratif ou enseignant afin de trouver ensemble des solutions. Cela rejoint le volet médiation de ma fonction.», mentionne Dominique Demers.

«Sous mon mandat, les demandes de consultation étaient plus nombreuses que les plaintes, se souvient Pierre-Paul Lavoie. Les consultations jouaient souvent un rôle déterminant dans la prévention des conflits en permettant de régler bon nombre de cas litigieux avant que les choses ne dégénèrent.»

En 50 ans, plus de 26 200 demandes d’assistance ont été traitées à l’UQAM. «Le nombre de dossiers traités a augmenté avec la croissance de l’Université, mais la fonction de l’ombudsman est aussi mieux connue, observe Dominique Demers. L’avènement d’internet et du courrier électronique a aussi facilité les démarches. Enfin, la population étudiante est plus informée de ses droits, les revendique, questionne les décisions et souhaite des réponses.»

«Les enjeux d’équité, de diversité et d’inclusion correspondent à un changement des mentalités dans notre société, qui se manifeste dans plusieurs sphères d’activités.»


Des demandes de la population étudiante

Bon an mal an, les demandes soumises au Bureau de l’ombudsman proviennent principalement des étudiantes et étudiants, une réalité qui n’est pas propre à l’UQAM, remarque la protectrice universitaire. «Dans les autres universités, 75 % à 80 % des demandes d’assistance sont issues de la population étudiante.»

Les principaux motifs de consultations et de plaintes sont demeurés sensiblement les mêmes au fil des ans. Les questions relatives à l’encadrement des études, notamment aux cycles supérieurs, aux services aux étudiants, à l’évaluation des études et à la perception des frais de scolarité comptent parmi les plus fréquentes.

La recommandation dont l’ancien ombudsman Pierre-Paul Lavoie est le plus fier est celle ayant conduit à l’adoption, en mai 2000, de la Charte des droits et responsabilités des étudiantes et des étudiants, une idée reprise par d’autres universités. L’énoncé de principe de la Charte stipule que «les étudiantes et les étudiants ont droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée, entre autres, sur la race, la couleur, le sexe, l’orientation sexuelle, l’âge, la religion, les convictions politiques, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, un handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap.»

Dominique Demers insiste sur l’importance de la dimension humaine dans les rapports que les étudiantes et étudiants peuvent entretenir avec le personnel du Registrariat, leur enseignant ou enseignante, la direction de leur programme ou les responsables de la gestion des études ou des stages.

Au cours des 50 dernières années, la plupart des ombudsmans de l’UQAM ont noté que les situations conflictuelles portées à leur attention étaient souvent liées à un manque d’information, à une communication déficiente ou au peu de temps que les personnes concernées avaient pu consacrer à un dossier donné.

«L’important est de transmettre l’information pertinente en fonction des besoins spécifiques, dit Dominique Demers. L’étudiante ou l’étudiant ne peut pas connaître d’un bout à l’autre le Règlement no 5 des études de premier cycle, mais on doit pouvoir l’aider à retracer rapidement l’article s’appliquant à son cas, qu’il s’agisse d’une demande de modification de note ou de la reconnaissance de son expérience professionnelle.»


Sens de l’écoute

Le poste de protectrice ou protecteur universitaire requiert des qualités particulières. «La première qualité est le sens de l’écoute, souligne Dominique Demers. Il faut aussi avoir du tact, de l’humilité et posséder une force de persuasion.» Dans son travail, elle dit s’être inspirée de l’approche du premier ombudsman de l’UQAM, Edmond Labelle. «Pour lui, le rôle de l’ombudsman ne consistait pas à brasser la cage, mais à être d’abord à l’écoute des gens, à les rassurer, pour ensuite résoudre les difficultés et se retirer sur la pointe des pieds quand une solution était trouvée.»


De nouveaux enjeux

Ces dernières années, la diversification de la population étudiante – personnes étudiantes parentes, en situation de handicap, issues de l’international ou des Premiers Peuples – a conduit l’UQAM à se préoccuper des enjeux relatifs à l’équité, à la diversité et à l’inclusion (ÉDI). «Les ombudsmans, tant au Québec qu’au Canada, ont reçu des formations sur ces enjeux afin d’être un facteur de changement et de sensibiliser le personnel administratif dans le traitement des dossiers, relève la protectrice universitaire. Muriel Binette a aussi fait beaucoup de sensibilisation autour des problèmes de santé mentale que pouvaient vivre les étudiantes et étudiants.»

Selon Dominique Demers, beaucoup de chemin reste encore à parcourir. «Les enjeux d’équité, de diversité et d’inclusion correspondent à un changement des mentalités dans notre société, qui se manifeste dans plusieurs sphères d’activités. Le milieu universitaire peut montrer la voie à suivre pour faire avancer les choses. Personnellement, je travaille de concert avec les différents services de l’Université concernés, notamment avec le Bureau de l’inclusion et de la réussite étudiante (BIRÉ).»

Le 16 juin prochain, à l’invitation de l’European Network of Ombuds in Higher Education (ENOHE), qui regroupe des ombudsmans partout sur la planète, Dominique Demers présentera une conférence à Prague sur les 50 ans du Bureau de la protectrice universitaire à l’UQAM. Elle publiera également un article sur le sujet dans la revue de l’Association des ombudsmans des universités et collèges du Canada (AOUCC) et accueillera à l’UQAM, l’automne prochain, des membres de l’Association des ombudsmans universitaires du Québec afin de souligner le 50e anniversaire.

Outre Edmond Labelle, Pierre-Paul Lavoie, Muriel Binette et Dominique Demers, trois autres personnes ont été nommées au poste d’ombudsman de l’Université en 50 ans: Jean-Marc Tousignant (1984), Laurent Jannard (1990) et Denise Pelletier (1996).