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Joshua Davies et Morgann Perrot publient dans Science

Le professeur et la diplômée ont participé à la datation d’un assemblage de fossiles exceptionnel découvert en Chine.

Par Marie-Claude Bourdon

24 février 2023 à 15 h 58

Il y a 251,9 millions d’années, une extinction massive, probablement la plus importante dans l’histoire de la Terre, a entraîné l’éradication d’environ 80% de toutes les espèces marines existantes et d’une quantité importante d’espèces terrestres. À quoi ressemblait la vie sur Terre après un tel cataclysme? Jusqu’à récemment, les scientifiques croyaient que seules quelques espèces capables de survivre dans des écosystèmes très peu complexes avaient dominé le paysage pendant plusieurs millions d’années. Une étude internationale à laquelle ont participé le professeur du Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère Joshua Davies et la chercheuse postdoctorale Morgann Perrot (Ph.D. sciences de la Terre et de l’atmosphère, 2018) contribue à remettre cette théorie en question.

Publiée dans la prestigieuse revue Science, cette étude porte sur un assemblage de fossiles exceptionnellement bien préservés découvert près de la ville de Guiyang, dans le sud de la Chine. Cet assemblage regroupe un millier de fossiles d’une quarantaine d’espèces réparties entre 19 grands groupes différents, des plus petits organismes à la base de la chaîne alimentaire jusqu’aux grands prédateurs. Grâce à une technique de datation sophistiquée, Joshua Davies et Morgann Perrot ont montré que ces fossiles datent de 250,83 +0,07/-0,06 millions d’années. Autrement dit, à peine un million d’années après l’extinction de masse, la diversité du vivant avait repris ses droits.

Survenue à la limite entre les périodes géologiques du Permien et du Trias (juste avant le Jurassique), cette extinction de masse a suivi un changement climatique majeur et abrupt, probablement causé par d’importantes éruptions volcaniques, qui auraient produit de grandes quantités de gaz à effet de serre. «Après l’extinction de masse, on pensait que la vie sur Terre était dominée par des espèces appelées taxons catastrophiques, c’est-à-dire des espèces qui n’ont pas besoin d’un écosystème diversifié pour survivre (un exemple moderne serait le lichen et la mousse), et on croyait que ces espèces allaient dominer pendant 5 à 10 millions d’années avant que des écosystèmes plus complexes puissent évoluer, explique Joshua Davies. En fait, l’assemblage de fossiles découvert en Chine montre que la diversité de la vie est revenue beaucoup plus rapidement que ce que l’on croyait.»

Pour dater les fossiles, les deux experts ont utilisé une technique de géochronologie de haute précision basée sur les isotopes d’uranium et de plomb. Cette technique permet de dater les minéraux contenus dans les sédiments qui se sont déposés autour du site où l’assemblage a été découvert. «On a extrait de tout petits cristaux de zircon, plus fins qu’un cheveu, nous les avons dissous et manipulés à l’aide d’un microscope pour analyser leur composition isotopique, qui est proportionnelle à leur âge», explique Joshua Davies. Avec le temps, par un processus de désintégration radioactive, l’uranium contenu dans le zircon devient du plomb. Or, comme on sait à quelle vitesse se produit ce processus, connaître la proportion d’éléments d’uranium par rapport aux éléments de plomb dans un échantillon donné permet de déterminer l’âge des zircons, et donc des fossiles retrouvés dans la même couche sédimentaire.

Les données géochimiques qui servent d’indicateurs des conditions océaniques qui régnaient après l’extinction de masse sont très variables et peu corrélées à travers le monde, note Joshua Davies. Jusqu’à maintenant, cela amenait les chercheurs à penser que ces conditions étaient peu propices au développement d’une vie complexe. «La découverte des fossiles de Guiyang et leur datation exigent une réévaluation des conditions des océans au début du Trias ainsi que de notre compréhension de la rapidité avec laquelle la vie peut répondre à des crises extrêmes», conclut le chercheur.

On peut entendre Joshua Davies et Morgann Perrot expliquer cette découverte dans un reportage de l’émission Les années lumière de Radio-Canada.