La doctorante en psychologie Alexandra Brouillard vient de dévoiler les résultats d’une étude sur les effets de la pilule contraceptive sur les régions du cerveau impliquées dans la régulation des émotions. Selon ses travaux, les femmes en bonne santé utilisant des contraceptifs oraux combinés (COC) présentent un cortex préfrontal ventromédian plus mince que les hommes. Cette partie du cortex préfrontal serait impliquée dans la régulation des émotions, notamment en réduisant les signaux de peur lors d’une situation non dangereuse.
«L’objectif de nos travaux n’est pas de contrer la prise de COC, mais il est important d’être conscientisé au fait que la pilule peut avoir un effet sur le cerveau. Les effets semblent réversibles, mais à ce stade-ci, il faut poursuivre les recherches dans ce domaine avant de bien comprendre leurs effets sur la santé cérébrale», affirme Alexandra Brouillard.
Pour réaliser son étude, la chercheuse a recruté 180 adultes en bonne santé, âgés de 23 à 35 ans, et divisés en quatre groupes: les femmes utilisant actuellement des COC, les femmes qui ont utilisé ce type de contraceptifs par le passé et qui avaient un cycle menstruel naturel pendant l’étude, les femmes n’ayant jamais utilisé de contraceptif hormonal, et les hommes. Toutes ces personnes ont été soumises à des examens d’imagerie par résonnance magnétique (IRM).
Les analyses portant sur ces quatre groupes ont révélé une différence significative entre le groupe des hommes et celui des femmes utilisant actuellement un contraceptif oral. En fait, on a observé une différence entre le groupe des hommes et les trois groupes de femmes, mais la différence était beaucoup plus prononcée entre le groupe des hommes et celui des femmes prenant des COC.
«Des études antérieures ont déjà permis d’observer un cortex préfrontal ventromédian plus épais chez les hommes que chez les femmes, mentionne Alexandra Brouillard. Cependant, cette observation n’a pas été suffisamment reproduite pour que l’on puisse statuer sur une différence sexuelle robuste.» Selon elle, la comparaison spécifique entre les utilisatrices de COC et les hommes pourrait expliquer ces résultats mitigés concernant une différence entre les sexes dans cette région du cerveau impliquée dans le contrôle de la peur. «En se basant sur nos résultats, on peut comprendre qu’il tend à y avoir un écart entre les hommes et les femmes, bien que non significatif. L’utilisation actuelle de la pilule pourrait exacerber cet écart jusqu’à révéler une différence significative.»
Avant la prise de COC, les adolescentes et les femmes sont informées de divers effets secondaires, principalement physiques, rappelle la chercheuse. Elles sont conscientes que les hormones sexuelles synthétiques qu’elles prendront quotidiennement aboliront leur cycle menstruel et empêcheront l’ovulation. Pourtant, il n’est jamais dit que les hormones sexuelles sont importantes pour le développement du cerveau et que les structures riches en récepteurs d’hormones sexuelles continuent leur maturation jusqu’au début de l’âge adulte.
D’autres facteurs peuvent prédisposer certaines femmes à utiliser des COC et, par conséquent, on ne peut que supposer une association entre l’utilisation de COC et la morphologie du cerveau, indique la chercheuse.
Même si la recherche réalisée par Alexandra Brouillard n’a pas d’orientation clinique directe, elle contribue néanmoins à faire progresser la compréhension fondamentale des effets anatomiques liés à l’utilisation des COC. L’équipe de recherche souhaite sensibiliser la communauté aux enjeux entourant la prescription précoce de COC et le développement du cerveau, un sujet méconnu et insuffisamment étudié.
Les résultats de cette étude font l’objet d’un article dans Frontiers in Endocrinology, dont Alexandra Brouillard est la première autrice. La professeure Marie-France Marin, qui supervise sa thèse et qui est aussi chercheuse au Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal, figure également parmi les cosignataires de l’article.