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Faciliter l’inclusion sociale par le métavers

Des environnements de danse virtuels favoriseront le développement de jeunes vivant avec un handicap.

Par Claude Gauvreau

20 septembre 2023 à 11 h 34

Le Québec compte près de 260 000 enfants et adolescents en situation de handicap, dont l’accès à des activités de loisir adapté est souvent limité, en particulier à l’extérieur des grands centres urbains. «Cet enjeu d’accessibilité est particulièrement important puisqu’il peut avoir un impact sur le développement moteur, cognitif et psychosocial de ces jeunes ainsi que sur leur inclusion sociale», souligne le professeur du Département des sciences de l’activité physique Martin Lemay.

Pour favoriser l’accessibilité, une équipe partenariale dirigée par le professeur a conçu un projet de recherche permettant à des jeunes vivant avec un handicap dans différentes régions du Québec de participer à distance à des activités de danse dans le métavers – un environnement virtuel et immersif–, sans égard à leurs capacités fonctionnelles, à leurs compétences techniques et à leur situation géographique. «Nous avons privilégié la danse comme activité de loisir, car elle est associée à des niveaux de plaisir et de motivation élevés, à des bénéfices sur les plans moteur – équilibre, mouvements –, cognitif – concentration, mémorisation – et psychosocial – estime de soi, accomplissement –», explique Martin Lemay.

Intitulé «Danser dans le métavers», le projet est mené en partenariat avec le Centre national de danse-thérapie des Grands Ballets canadiens, le Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine et OVA, une entreprise québécoise spécialisée en technologies virtuelles et immersives. «Il s’agit d’un projet original qui favorise la rencontre de leaders du monde technologique, du monde des arts et de celui de la santé, note le professeur. Il offrira un environnement ludique et sécuritaire à des jeunes en situation de handicap âgés de 10 à 18 ans.»

Afin de réaliser le projet, l’équipe de recherche pourra compter sur un soutien financier de près de 258 000 dollars du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (MEIE). Les fonds alloués sont issus de la Stratégie québécoise de recherche et d’investissement en innovation 2022-2027 (SQRI). Au total, le gouvernement du Québec a accordé 10,6 millions de dollars à 20 organismes et établissements d’enseignement supérieur pour la réalisation de 39 projets novateurs s’intéressant à des enjeux sociaux, dont celui de Martin Lemay.


Le métavers, un potentiel majeur

Chercheur au Centre pédiatrique de réadaptation Marie Enfant, rattaché au CHU Sainte-Justine, le professeur a participé ces dernières années à la création de programmes de danse destinés à des jeunes en situation de handicap. «Durant la pandémie, rappelle-t-il, nous avons offert des programmes de danse à distance, notamment par Zoom, mais les participants ont déploré le fait que la plateforme limitait la dynamique de groupe, la spontanéité des interactions et les possibilités de se déplacer dans l’espace. Bien qu’en émergence, le métavers permet de combler ces lacunes en offrant un espace virtuel commun, une expérience de groupe dans laquelle on peut interagir par la parole, des gestes ou des objets virtuels. Déjà utilisé dans divers domaines, il recèle un potentiel majeur pour l’accès au loisir.»

Le métavers est un environnement 3D auquel on accède par la réalité virtuelle immersive (avec un visiocasque) ou non immersive (avec un écran plat), ou encore par la réalité augmentée, soit la superposition d’éléments virtuels à l’environnement physique via un visiocasque ou un écran plat. «Le métavers peut être adapté aux capacités des jeunes, qu’ils soient en fauteuil roulant, qu’ils aient des limitations aux membres supérieurs ou des problèmes d’équilibre. Il permet aussi aux jeunes d’être représentés par un avatar visible sur un écran.»

Les technologies développées par le partenaire OVA sont accessibles, simples à utiliser et ne nécessitent aucune expertise technique. En collaboration avec la technothèque du CHU Sainte-Justine, un système de prêt de visiocasques sera mis en place ainsi qu’un soutien technique à distance.

«Il est important que l’environnement soit agréable et ludique pour favoriser l’adhésion des jeunes, observe Martin Lemay. La réalité virtuelle permettra aux jeunes de participer activement à la conception de leur chorégraphie et du décor dans lequel ils souhaiteront la réaliser. Elle favorise la création d’environnements imaginaires et d’effets uniques et stimulants. Le mouvement des bras, par exemple, pourrait être amplifié en générant des effets lumineux et sonores.».


Un projet en trois étapes

Le projet se déroulera en trois étapes. Dans un premier temps, un groupe de travail composé des membres de l’équipe de recherche et d’un représentant de chaque milieu partenaire définira les éléments devant être intégrés dans les environnements et identifiera les activités de danse pouvant être réalisées. Un comité aviseur formé de jeunes participants, présentant différents types de handicaps, sera consulté tous les deux mois durant toute la durée du projet. Au cours des deux autres étapes (développement et perfectionnement), des prototypes d’environnements virtuels seront produits et mis à l’essai.

Trois environnements virtuels différents seront créés. «Nous travaillerons avec les jeunes pour déterminer avec eux l’environnement virtuel dans lequel ils souhaitent danser – une plage, un hangar désaffecté –  ainsi que les éléments visuels et sonores à intégrer», précise le professeur

Un autre objectif consiste à démontrer la faisabilité de danser dans le métavers par la mise à l’essai et l’évaluation des activités en fonction de différents critères, tels que les taux de participation et de satisfaction. Deux programmes de danse seront offerts à deux occasions et chacun s’étalera sur 10 semaines à raison d’une rencontre par semaine. Des entrevues individuelles seront aussi réalisées avec les personnes participantes et intervenantes afin de comprendre les impacts des programmes.

Le Groupe de travail vise enfin à développer un guide pratique pour faciliter l’accès aux activités de danse et l’utilisation des technologies. «Le guide sera particulièrement utile pour les jeunes vivant en région», relève Martin Lemay.

On prévoit mettre en ligne les environnements virtuels au début de 2025 et rendre le guide pratique disponible sur un site web vers la fin de la même année.


Des retombées prometteuses

Le projet pourrait permettre au Centre national de danse-thérapie des Grands Ballets canadiens d’élargir et de diversifier son offre de services, estime le professeur. «Le Centre propose déjà des cours de danse en présentiel pour des jeunes vivant avec divers handicaps. Avec le métavers, l’objectif est d’offrir son expertise dans toutes les régions du Québec, ce qui lui procurera une reconnaissance unique dans le milieu de la danse.»

«Danser dans le métavers» a le potentiel de générer un impact profond sur l’offre de loisir, non seulement pour les jeunes en situation de handicap, mais aussi pour d’autres groupes d’individus, comme les personnes âgées, tout en outillant le Québec face au développement de ces technologies. «Le projet permettra de mettre en place des solutions concrètes pour favoriser l’adhésion à cet environnement virtuel de façon pérenne et positionnera les milieux preneurs comme des leaders dans leur domaine», conclut Martin Lemay.