«Les frontières peuvent renvoyer à la question classique des délimitations entre États et territoires, mais aussi à d’autres logiques liées aux populations qui habitent ces territoires», constate Issiaka Mandé. Le professeur du Département de science politique est coresponsable, avec Anne Calvès, de l’Université de Montréal, et Richard Marcoux, de l’Université Laval, du colloque «Les nouvelles frontières de l’Afrique/des Afriques» (11 mai).
«Avec les phénomènes de migration, on voit de plus en plus de familles en Afrique disséminées à travers deux ou trois pays, note le professeur. Et il y a un va-et-vient constant entre ces pays, entre la Guinée, le Mali et le Burkina Faso, par exemple, et la Côte d’Ivoire et le Sénégal, des pays d’immigration traditionnels. Pour ces familles transnationales, la question de l’appartenance nationale se pose, au-delà même des logiques ethniques.»
Des communautés se forment à cheval sur plusieurs frontières. «La frontière géographique n’est plus pertinente en tant que telle. C’est la logique des communautés qui commence à prendre le pas», explique Issiaka Mandé.
Les présentations proposées lors du colloque exploreront ces réalités. Ainsi, il sera question de l’enjeu du numérique, associé aux phénomènes de migration. «Les réseaux sociaux prennent une place de plus en plus importante dans les liens entre les membres de ces communautés transfrontalières.»
Dans un contexte où les liens qui se tissent chevauchent les frontières, ces communautés n’ont pas la même compréhension de l’espace territorial que les autorités qui, elles, veulent contrôler le territoire étatique. «Cela peut entraîner des frictions, surtout qu’à l’intérieur, il y a aussi des redéfinitions identitaires puisqu’on retrouve plusieurs communautés qui ont été agglomérées lors de la formation des États», observe le professeur.
L’enjeu sécuritaire fera aussi partie des discussions. «En Afrique, on a de jeunes États confrontés à des logiques de remise en cause par certaines communautés, par certains groupes religieux – ou dits religieux, des États confrontés à des conflits identitaires qui sont exacerbés à l’intérieur de leurs territoires et qui finissent par déborder dans les autres territoires. C’est un peu le cataclysme sahélien.»
Comment juguler cette crise? Cette question soulève celle de la coopération transfrontalière, de la redéfinition des politiques communautaires et sécuritaires non seulement à l’échelle nationale, mais à l’échelle continentale. Les frontières des pays africains sont-elles en train de se redessiner? «Tous ces enjeux frontaliers amènent à poser la question de la viabilité de ces États, conclut Issiaka Mandé. Aborder la question des frontières, c’est comme ouvrir une boîte de Pandore.»
Le professeur souligne la participation au colloque des doctorants uqamiens Ahmadou Ibrahima («(Dé)frontiérisation en Afrique: enjeux et significations de nouvelles frontières géopolitiques»), Brahima Bilali («Comprendre les déterminants des investissements chinois dans les États africains en situation de fragilité») et Mohamed Younouss («Sécurité régionale et coopération transfrontalière: défis et opportunités de la lutte contre Boko Haram dans le bassin du lac Tchad).