L’anxiété de performance est la problématique de santé mentale ayant la plus forte prévalence chez les jeunes. À l’école, plus de la moitié des élèves vivent de l’anxiété évaluative – une anticipation négative ou une crainte des examens – de façon modérée ou élevée. «Même si les garçons vivent aussi de l’anxiété, c’est un fait bien documenté que le phénomène est plus présent chez les filles», souligne la chercheuse en éducation Catherine Fréchette-Simard (Ph.D. éducation, 2023; M.A. éducation et formation spécialisées, 2017) .
Une récente étude, réalisée auprès de 478 élèves de sixième année du primaire et de première secondaire, démontre que l’anxiété d’évaluation a aussi des conséquences plus grandes chez les filles que chez les garçons. «Sans nécessairement établir un lien de cause à effet, notre recherche montre que l’anxiété diminue la motivation, les attentes de succès et le rendement des filles, surtout en mathématiques», souligne la diplômée, aujourd’hui postdoctorante à l’Université de Montréal. L’étude, à laquelle ont collaboré la professeure du Département de didactique Isabelle Plante, la professeure associée du Département de didactique Kathryn Chaffee et le professeur de l’Université Laval Stéphane Duchesne, a fait l’objet d’un article publié dans la revue Contemporary Educational Psychology.
Un domaine plus anxiogène
Partout à travers le monde, les filles réussissent généralement mieux à l’école que les garçons, sauf en mathématiques. «Un stéréotype véhiculé dès le primaire est que les garçons sont naturellement plus doués en mathématiques, alors que les filles sont meilleures en français», mentionne Catherine Fréchette-Simard. Sa directrice de thèse doctorale Isabelle Plante ajoute que le système scolaire actuel attribue une plus grande importance aux mathématiques, une matière essentielle pour se diriger en sciences de la santé ou en sciences pures au collégial.
Au-delà des stéréotypes de genre, le type de connaissances sollicitées en mathématiques contribue à rendre le domaine plus anxiogène. «Les maths sollicitent des savoirs techniques nouvellement appris, qui font appel à la mémorisation, souligne la postdoctorante. On ne peut pas réussir un examen de maths si on n’a pas bien compris la multiplication des fractions, alors qu’on peut réussir un examen de français si on sait lire et écrire.»
La nature des évaluations en mathématiques générerait aussi davantage d’angoisse chez les élèves. «Un examen de français s’échelonne généralement sur une longue période, avec des moments prévus pour écrire un plan, un brouillon et un texte final, ce qui permet de s’améliorer à chaque étape, explique Catherine Fréchette-Simard. En mathématiques, les examens sont circonscrits en un moment très court, ce qui ne donne pas la possibilité de s’améliorer.»
Des pistes de solution
Un nouveau phénomène permettrait d’expliquer que les filles vivent plus d’anxiété que les garçons: la rumination sociale ou la co-rumination, soit le fait de discuter abondamment de ses problèmes d’anxiété et de focaliser sur les sentiments négatifs. «C’est un phénomène beaucoup plus répandu chez les filles, souligne Isabelle Plante. De récentes études ont démontré que la rumination sociale crée une contamination au sein du groupe et amène les filles à faire encore plus d’anxiété.»
Les chercheuses proposent plusieurs pistes de solution afin de réduire l’anxiété des filles en mathématiques: diminuer les stéréotypes de genre plus tôt dans le cheminement scolaire, travailler des stratégies de gestion du stress, diversifier les stratégies évaluatives ou mieux préparer les élèves aux évaluations ministérielles.
Les parents peuvent aussi avoir un effet positif sur l’anxiété vécue par leur enfant, croit Isabelle Plante. «Lorsque notre enfant nous dit qu’il ne se sent pas bien avant un examen, on peut lui dire que c’est un signe que son corps lui donne l’énergie nécessaire pour réussir son épreuve. On peut ainsi recentrer sur quelque chose de positif. L’interprétation d’une situation est très importante sur la façon de gérer son stress.»