Depuis 2019, l’équipe de recherche Agents mémoriels formée au sein du Laboratoire d’histoire et de patrimoine de l’UQAM s’intéresse à l’engagement citoyen en histoire et patrimoine. Un sujet novateur, «encore très peu développé par la recherche universitaire», affirme le professeur du Département d’études urbaines et touristiques de l’ESG UQAM Martin Drouin. L’équipe organise le colloque La participation citoyenne en histoire et patrimoine: évolution, apports, enjeux et devenirs, qui se tiendra à Montréal du 12 au 14 octobre et à Québec le 17 octobre prochain.
Des représentants et représentantes d’organismes tels que la Société d’histoire et de généalogie de Beloeil–Mont-Saint-Hilaire, l’Atelier d’histoire Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, Patrimoine et Histoire Terrebonne et Héritage Montréal participeront aux conférences. On retrouvera aussi de nombreux universitaires qui s’intéressent à ce domaine de recherche, dont la professeure du Département d’études urbaines et touristiques Lucie K. Morisset, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine urbain.
«C’est une première de rassembler des gens tant du milieu universitaire que de la pratique pour partager sur ce thème», note Martin Drouin. Parmi les partenaires de l’événement, on retrouve la Fédération Histoire Québec, avec laquelle l’équipe Agents mémoriels a entamé un projet visant à dresser un état des lieux sur l’action citoyenne en histoire et patrimoine à l’échelle canadienne. «Notre rôle d’animateur dans ce domaine est très important, dit le chercheur. Chaque fois que l’on parle du projet de notre équipe de recherche, cela suscite de l’intérêt.»
La conférence d’ouverture du colloque, «Comment conjuguer l’histoire citoyenne et l’histoire savante», sera donnée par l’historien Gérard Noiriel. «Attaché à l’École des Hautes Études en sciences sociales, ce grand historien s’intéresse beaucoup à ces questions et anime des chroniques sur le sujet sur France Culture», mentionne Martin Drouin. La conférence, qui se tiendra au pavillon Athanase-David, est gratuite et ouverte au public.
Les présentations du colloque ont pour objectif de montrer la diversité des pratiques contemporaines associées à l’engagement citoyen en histoire et patrimoine: production de connaissances, présentation de conférences, organisation d’expositions, de circuits guidés de quartiers ou de villages. «On associe beaucoup les sociétés d’histoire à la publication de livres, souvent à l’occasion d’anniversaires, et les associations de patrimoine au militantisme, dit Martin Drouin. En fait, leurs interventions sont beaucoup plus larges.»
Le chercheur donne ainsi en exemple la Société d’histoire et de généalogie Maria-Chapdelaine, dans la région du Saguenay, qui a mis sur pied l’initiative LaVoute.tv. Lancée à l’automne 2022, cette plateforme se veut un portail de diffusion d’archives audiovisuelles conservées par une trentaine de centres d’archives au Québec. Des documents anciens inédits sont ainsi numérisés et diffusés, rendant accessible la mémoire collective du territoire.
Batailles communes
Contrairement à ce qui se passe en France, où les deux milieux se côtoient moins, les sociétés d’histoire locales et les associations de patrimoine du Québec se retrouvent souvent à conjuguer leurs efforts dans des batailles communes, observe le professeur. «Par exemple, quand il a fallu sauver le Moulin de Pointe-aux-Trembles, les Ateliers d’histoire de Pointe-aux-Trembles se sont impliqués dans le projet de sauvegarde.»
À côté d’une organisation comme Héritage Montréal, qui dispose de moyens importants, la plupart des petits organismes actifs en histoire et patrimoine comptent principalement sur l’engagement bénévole. Mais cela ne les empêche pas d’apporter une contribution importante à l’histoire de leur milieu et à la mise en valeur du patrimoine. Une contribution d’ailleurs reconnue par les municipalités, qui leur donnent souvent accès à des locaux pour leurs activités. «Les sociétés d’histoire locales constituent une source d’information précieuse pour la recherche», remarque Martin Drouin.
En plus de l’historien Gérard Noiriel, un autre invité de marque sera présent au colloque. Le professeur de l’Université du Luxembourg Thomas Cauvin, spécialiste d’histoire publique et directeur du Centre d’histoire contemporaine et numérique du Luxembourg (C²DH). Ce chercheur, ancien président de la Fédération internationale d’histoire publique, dirige un projet similaire à celui de l’équipe Agents Mémoriels, intitulé Public History as the New Citizen Science of Past. À son initiative, une demande de financement de recherches doctorales sur le thème de l’action citoyenne en histoire et patrimoine a été déposée et obtenue auprès de l’Université du Luxembourg. L’appel de candidatures a été lancé pour cette bourse dont le ou la récipiendaire sera appelé à faire son parcours doctoral à l’Université du Luxembourg et à l’UQAM, en codirection. Il se termine le 31 octobre.
«L’étudiante ou l’étudiant choisi devra passer deux ans au Luxembourg et entre 10 et 18 mois à l’UQAM, précise Martin Drouin. C’est une bourse généreuse d’une valeur de 39 000 euros par année sur 4 ans, plus des frais de transport.» La personne choisie sera connue cet hiver.