C’est l’un des plus anciens groupes de recherche de l’UQAM. Créé en 1981 par des professeurs en sciences de l’éducation, le Groupe de recherche sur l’éducation et les musées célèbre aujourd’hui 40 ans de recherches et de partenariats avec les milieux muséal et scolaire. «Reconnu par plusieurs comme un leader mondial en éducation muséale, le GREM a été le premier groupe de recherche universitaire au Québec à s’intéresser au rôle éducatif des musées et à leurs liens avec différents types de publics», souligne le professeur associé du Département de didactique Michel Allard, qui a dirigé le groupe de 1981 à 2009.
«Au début des années 1980, les liens entre les musées et les écoles étaient peu développés et il n’existait pas vraiment de pédagogie spécifique aux musées», rappelle la professeure du Département de didactique Anik Meunier, directrice du GREM depuis 2009.
À cette époque, le Musée Stewart, un musée d’histoire situé à l’île Sainte-Hélène dont le conservateur, Guy Vadeboncoeur, était un ancien étudiant de Michel Allard, a constitué un laboratoire de recherche et d’expérimentation. Ce laboratoire visait à structurer une offre muséale éducative et culturelle à l’intention de différents publics, notamment pour répondre aux besoins du milieu scolaire.
«Le GREM a été le premier groupe de recherche universitaire au Québec à s’intéresser au rôle éducatif des musées et à leurs liens avec différents types de publics.»
Michel Allard
Professeur associé au Département de didactique
Issues des demandes du milieu, dont celles du Musée Stewart, les recherches du GREM se sont déployées autour de deux axes principaux – les relations écoles-musées et l’élaboration d’une pédagogie muséale –, lesquels s’inscrivaient dans le domaine encore peu exploré de l’éducation non formelle. Les travaux ont aussi porté sur l’élaboration de modèles théoriques et opérationnels propres à l’éducation muséale, l’évaluation du potentiel éducatif des expositions (contenus et dispositifs) et des stratégies d’utilisation des technologies de communication à des fins éducatives. Le Groupe a finalement contribué à la réalisation d’expositions fondées sur des paramètres d’éducation muséale.
À compter des années 1990, le GREM a établi des liens avec des universités et des musées en Angleterre, en France, en Belgique et en Italie. «Depuis quatre ans, nous offrons un séminaire avec l’École du Louvre, à Paris, sur les publics des musées» , indique Anik Meunier.
Pour souligner le 40e anniversaire du GREM, un événement festif aura lieu le 10 novembre prochain à l’UQAM, en présence de la rectrice Magda Fusaro. Le GREM procédera alors au lancement de deux ouvrages. Publié sous la direction d’Anik Meunier et d’Ewa Maczek, de l’Université de Bourgogne, Des musées inclusifs: démarches, engagements, réflexions rassemble les contributions de professionnels et de chercheurs français et québécois qui analysent la participation des publics en tant que citoyens acteurs du musée. Le second ouvrage, La transmission culturelle dans les musées de société, publié sous la direction d’Anik Meunier, de Jean-Marie Lafortune, professeur au Département de communication sociale et publique, et de Jason Luckerhoff, de l’UQTR, aborde les différentes stratégies muséales, le fonctionnement des expositions et les modalités sous lesquelles se présente la médiation culturelle dans les musées de société.
Démocratiser l’accès à la culture
«La démocratisation de l’accès à la culture et l’inclusion sociale constituent le fil conducteur de tous les travaux du GREM, observe Anik Meunier. L’éducation muséale est une forme de médiation culturelle, qui vise à favoriser l’accès à la culture au sens large du terme. C’est pourquoi nous avons développé des liens avec des musées dédiés aux arts, à l’histoire, aux civilisations et aux sciences.» Ces institutions, ajoute la professeure, ont permis une ouverture sur de nouvelles stratégies pédagogiques et de nouvelles thématiques qui dépassent l’appréciation esthétique d’une œuvre. «L’environnement, par exemple, est un thème social d’actualité pouvant être abordé aussi bien par un musée d’art que de sciences.»
«La démocratisation de l’accès à la culture et l’inclusion sociale constituent le fil conducteur de tous les travaux du GREM.»
Anik Meunier
Professeure au Département de didactique
Au fil du temps, le GREM a noué des collaborations avec quelque 20 institutions muséales québécoises, comme le Musée des beaux-arts et le Musée d’art contemporain de Montréal, le Musée de la civilisation, à Québec, le Musée d’histoire Pointe-à-Callière, dans le Vieux-Montréal, le Centre des sciences de Montréal, Parcs Canada ou le Musée de la santé Armand-Frappier.
«Outil de transmission culturelle et de développement de savoirs, le musée est aussi un lieu de sociabilité, souligne Anik Meunier. On doit apprendre à l’utiliser, comme on apprend à utiliser une bibliothèque.» Certaines études conduisent même à considérer les musées comme des environnements de détente et de bien-être. «Pensons aux expositions immersives où les sens des visiteurs sont sollicités. Dans un tel contexte, l’engagement du visiteur a peu à voir avec la traditionnelle visite commentée.»
Un tournant communicationnel
L’éducation muséale est souvent associée au tournant communicationnel de la muséologie, un nouveau paradigme qui place le visiteur, plutôt que les collections et les expositions, au centre de l’attention. «On s’intéresse à la manière dont le visiteur découvre des œuvres et des contenus, selon les thématiques abordées par les musées, ainsi qu’à l’utilisation des technologies d’information pour faciliter les découvertes», explique Anik Meunier.
«Outil de transmission culturelle et de développement de savoirs, le musée est aussi un lieu de sociabilité. On doit apprendre à l’utiliser, comme on apprend à utiliser une bibliothèque.»
Anik Meunier
Selon Michel Allard, l’éducation muséale doit être comprise dans son acception la plus large possible. «Ce type d’éducation n’a pas simplement pour but que les publics apprennent des noms d’œuvres ou d’artistes. Elle permet aussi d’apprendre à lire et à interpréter des œuvres ou des objets.»
Partenariats musées- écoles
Le nombre de musées qui offrent des programmes éducatifs à l’intention des écoles s’est accru au fil des ans, y compris en région. «Le Centre d’exposition de Val-David, par exemple, s’est inspiré des travaux du GREM pour mettre en place un programme éducatif permettant aux élèves et au personnel enseignant de la région d’intégrer les arts visuels au processus d’apprentissage et à l’acquisition de nouvelles connaissances», observe Michel Allard. Chaque année, une thématique différente oriente le programme. Celui-ci permet aux jeunes de se familiariser avec l’art et la création et d’intégrer la fréquentation d’institutions muséales dans leur vie.
Le même phénomène s’observe à Montréal, enchaîne Anik Meunier. «On assiste à l’émergence de projets musée-école qui témoignent de la volonté des milieux muséal et scolaire de collaborer de manière plus étroite, et de générer des démarches qui s’installent dans la durée.»
Le Musée des beaux-arts de Montréal a mandaté le GREM pour évaluer les retombées d’un projet pilote lancé en 2019 afin de développer une relation étendue dans le temps (huit semaines) avec trois groupes scolaires du primaire. Une fois par semaine, les groupes passaient une journée complète au musée, où ils abordaient différents thèmes liés au programme de formation de l’école québécoise. Les objectifs consistaient, notamment, à démystifier l’art auprès du personnel enseignant et des élèves et à leur offrir une connaissance sensible des processus de création. «L’expérience a permis, entre autres, de développer un sentiment d’appartenance au musée», dit Anik Meunier.
En mars dernier, l’école alternative Le Vitrail, à Montréal, a approché le GREM pour mesurer l’impact d’une visite fréquente au musée sur l’engagement et la motivation de son personnel enseignant et de ses élèves. Pendant six à huit semaines, à deux reprises au cours de l’année, des élèves de l’école passeront une journée par semaine dans l’un des cinq musées partenaires du projet: le Musées des beaux-arts de Montréal, le Musée de la santé Armand-Frappier, le Musée d’art contemporain de Montréal, le Planétarium d’espace pour la vie et la Fondation PHI.
«Il s’agit de documenter une expérience de fréquentation soutenue d’un musée d’arts ou de sciences, explique la professeure. Nous examinerons, notamment, la façon dont les visites seront planifiées par les responsables de l’éducation muséale ainsi que par les enseignantes et enseignants, et comment ceux-ci et leurs élèves s’approprient ces lieux culturels que sont les musées. Nous questionnerons enfin les élèves sur leur expérience.»
Des guides d’évaluation et de conception
Le GREM a élaboré des références méthodologiques mises à la disposition des musées afin de les soutenir dans la conception d’une offre éducative et culturelle auprès de différents publics. «Il y a quelques années, nous avons produit un guide de planification et d’évaluation des programmes éducatifs, en collaboration avec Parcs Canada», dit Michel Allard. «Deux guides méthodologiques ont aussi été réalisés pour la conception de programmes éducatifs ainsi que pour la conception d’un énoncé de mission éducative, ce dernier étant nécessaire aux musées qui doivent obtenir l’agrément du ministère de la Culture et des Communications, poursuit Anik Meunier. Actuellement, nous accompagnons les responsables de l’éducation d’Espace pour la vie dans la conception de leur énoncé. Par le passé, nous avons également travaillé avec La Tohu et le Centre des sciences de Montréal.»
Par leurs recherches, les membres du GREM – soit une dizaine de professeures et professeurs en éducation, histoire, muséologie et communication rattachés à l’UQAM, l’UQTR, l’Université de Montréal et des universités européennes – ont contribué à alimenter la formation offerte à l’UQAM dans le cadre de la maîtrise en muséologie et du doctorat en muséologie, patrimoine et médiation.
«Nos travaux ont permis d’appuyer la formation universitaire de professionnels de l’éducation dans les institutions muséales pour qu’ils puissent mieux répondre aux attentes du corps enseignant et des publics de tout âge, relève Anik Meunier, Au Musée des beaux-arts de Montréal et au Musée McCord, les responsables des services éducatifs ont été formés à l’UQAM.»