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La téléréalité sous toutes ses coutures

Pour la première fois au Québec, un colloque est entièrement consacré à ce phénomène culturel populaire.

Série

Acfas 2022

Par Claude Gauvreau

10 mai 2022 à 13 h 05

Mis à jour le 9 juin 2022 à 13 h 08

Série Acfas 2022
Plusieurs scientifiques de l’UQAM proposent des colloques dans le cadre du congrès virtuel organisé par l’Université Laval du 9 au 13 mai.

Tapis rouge pour les candidates de la dernière édition d’Occupation double, qui s’est déroulée dans l’Ouest canadien. Cette émission de téléréalité suit la vie de jeunes célibataires dont le point commun est la recherche de l’amour et de l’aventure.

Depuis le début des années 2000, dans un contexte de compétition grandissante entre les télédiffuseurs traditionnels et les plateformes numériques, les émissions de téléréalité se sont multipliées. Le colloque «La téléréalité entre média, événement et société» (12-13 mai), co-organisé par les professeurs de l’École des médias Pierre Barrette et Stéfany Boisvert, propose d’analyser ce genre télévisuel en s’attardant, notamment, à sa popularité, à ses nouveaux modes de consommation, aux contenus produits et aux stratégies de production. Des chercheuses et chercheurs issus de pays de la Francophonie y exposeront leurs travaux.

Ces dernières années, la téléréalité a généré certains des plus grands succès de cotes d’écoute, ici comme ailleurs. Comment expliquer cet engouement?  «Plusieurs émissions de téléréalité, comme Loft Story,  L’île de l’amour ou Occupation double, centrées sur le thème des rencontres amoureuses, un ressort narratif puissant, exercent un attrait particulier auprès des jeunes de 18 à 30 ans, souligne Pierre Barrette. Ces émissions sont aussi branchées sur les réseaux sociaux et s’en nourrissent. Les jeunes présents sur ces réseaux commentent les émissions en direct.»

Stéfany Boisvert rappelle que la téléréalité a connu une hausse de popularité durant la pandémie, en raison des expériences de visionnement multiplateformes qu’elle encourage. «Ses formats ont permis aux jeunes de regarder les mêmes émissions au même moment, favorisant une forme de socialisation.»

La téléréalité est aussi un moteur de conversation, un prétexte pour mener des débats sur les normes sociales, poursuit la professeure. «Les jeunes considèrent ces émissions comme des révélateurs d’enjeux sociaux, qu’il s’agisse de la représentation de la diversité ou de la sexualité des hommes et des femmes.»

Les contenus produits pour les émissions de téléréalité se sont diversifiés au fil des ans. Certaines émissions (Loft Story, Big Brother) sont centrées sur la vie quotidienne en colocation, d’autres (Survivor) mettent en scène des situations de survie dans un milieu hostile, d’autres encore (Star Académie) offrent des prestations musicales d’artistes amateurs. Dans ces émissions, la notion d’authenticité est centrale, notent les deux professeurs. Une notion sous-tendue, il est vrai, par une conception normative de la manière dont les gens doivent se comporter pour être acceptés socialement. Les protagonistes de la téléréalité doivent répondre à l’injonction d’être eux-mêmes, mais dans un cadre formaté.

Plusieurs personnes n’osent pas dire qu’elles regardent des émissions de téléréalité, éprouvant un plaisir coupable. «La téléréalité est encore jugée sévèrement et abordée de manière superficielle, alors que ce genre télévisuel est complexe et témoigne de plusieurs ambivalences de la culture et des rapports sociaux contemporains», soutient Stéfany Boisvert. «Les études de réception de la téléréalité montrent que la plupart de ses fans regardent les émissions au second degré et conservent une distance critique», remarque Pierre Barrette. Par ailleurs, les chroniqueurs culturels dans les médias leur accordent une place plus importante qu’auparavant, contribuant à leur donner une forme de légitimité.