
Lundi 14 mars, 8 h 30. Les élèves de secondaire 4 de l’école Horizon-Blanc de Fermont, sur la Côte-Nord, et leur enseignante Lyne Lévesque se connectent à la conférence participative Urgence: déjouer l’inondation. Au cours des prochaines 75 minutes, ils deviendront des hydrogéologues et auront pour objectif de déterminer le risque d’inondation sur une rivière du Québec.
Animée par la doctorante en sciences de l’environnement Lisane Arsenault-Boucher, cette activité est l’une des nouveautés offertes cet hiver par le Cœur des sciences de l’UQAM, dans le cadre de sa série «Sprints de science». La série offre aux élèves l’occasion de se frotter aux étapes de la démarche scientifique (cueillette de données, formulation d’une question de recherche et d’une hypothèse, expérimentations, communication des résultats), tout en emmagasinant des connaissances sur un thème spécifique.
L’activité Urgence: déjouer l’inondation a été élaborée en collaboration avec le Réseau Inondations InterSectoriel du Québec (RIISQ).
Inondations 101
D’entrée de jeu, Lisane Arsenault-Boucher souligne que «les inondations ont des conséquences environnementales, économiques et sociales majeures, potentiellement dévastatrices». Elle rappelle le déluge du Saguenay, à l’été 1996, ainsi que les inondations de la rivière des Outaouais, en 2017 et 2019.
L’animatrice aborde ensuite le concept de risque naturel. «Il y a les aléas de la nature, comme le débordement d’un cours d’eau, et les enjeux liés aux populations, tels que les habitations ou les routes construites à proximité. Si on prend en considération les impacts des aléas sur les enjeux, on obtient un risque naturel: l’inondation», explique-t-elle.
«Connaissez-vous d’autres risques naturels?», demande Lisane Arsenault-Boucher. Les réponses des élèves fusent: les feux de forêt, les glissements de terrain, les tornades, les ouragans, les tremblements de terre. «Ce sont toutes de bonnes réponses», répond-t-elle. «Y a-t-il des risques naturels à Fermont?», interroge-t-elle. «Surtout les feux de forêt en été», répond l’enseignante, Lyne Lévesque.
«Les inondations sont responsables de 40 % des victimes de catastrophes naturelles dans le monde.»
Lisane Arsenault-Boucher
Doctorante en sciences de l’environnement et animatrice de l’activité
Schéma à l’appui, la doctorante expose la séquence menant à une inondation. «Au printemps, on assiste à la fonte de la neige. La quantité de neige tombée durant l’hiver influence la crue des eaux, c’est-à-dire l’élévation du niveau des cours d’eau, qui, jumelée avec des épisodes de fortes pluies, entraîne parfois, mais pas toujours, une inondation.» Les inondations peuvent également survenir à l’automne lors de fortes pluies, car lorsque le sol est saturé, ou encore gelé, l’eau ne peut plus s’y infiltrer. Elle s’écoule alors en suivant la dénivellation du sol et peut inonder certains secteurs.
L’animatrice observe que la hauteur des ponts qui enjambent les rivières est déterminée par la hauteur de la crue centenaire, c’est-à-dire le plus haut niveau atteint par la crue des eaux en 100 ans.
On différencie différents types d’inondations: l’inondation de plaine, l’inondation torrentielle (lors d’une crue éclair), l’inondation causée par un ou des embâcles de glace, l’inondation par ruissellement et l’inondation par submersion marine, cette dernière se produisant lorsque les eaux côtières débordent sur le territoire, comme c’est le cas sur la Côte-Nord, en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine.
Changements climatiques et inondations
Les changements climatiques jouent un rôle majeur dans la multiplication des épisodes d’inondation. «La hausse des températures moyennes bouleverse le cycle de l’eau et augmente le risque d’événements météorologiques extrêmes comme les épisodes de précipitations intenses», explique Lisane Arsenault-Boucher. Entre 1980 et 2011, les risques naturels associés au plus grand nombre de catastrophes sont, et de loin, les inondations, suivies par les tempêtes, les sécheresses et les températures extrêmes. «Les inondations sont responsables de 40 % des victimes de catastrophes naturelles dans le monde», précise la doctorante.
Début de la mise en situation
La question à laquelle doivent répondre les élèves ce matin est la suivante: y aura-t-il une inondation ce printemps sur la rivière des Outaouais? Pour cela, ils doivent comprendre la notion de bassin versant, c’est-à-dire la portion d’un territoire qui est délimitée par des lignes de partage des eaux, où toutes les précipitations convergent vers un point de sortie appelé l’exutoire. «Le bassin versant de la rivière des Outaouais, par exemple, couvre une superficie gigantesque de 146 000 kilomètres carrés. Il est le principal affluent du fleuve Saint-Laurent», précise Lisane Arsenault-Boucher.

Image: Organisme de bassin versant du fleuve Saint-Jean
L’animatrice présente aux élèves les données préliminaires afin que ceux-ci puissent formuler une hypothèse. Ils doivent déterminer à quel moment une inondation est susceptible de se produire, estimer le volume d’eau qui s’écoulera dans la rivière à ce moment, ainsi que le débit à l’exutoire, et évaluer le risque d’inondation. Tous ces calculs sont réalisés dans le cahier de l’élève fourni par le Cœur des sciences.
En se basant sur la température à laquelle la neige fond et en observant un graphique illustrant les mois où la température moyenne est positive, les élèves concluent que c’est en avril qu’une inondation risque de se produire. «Chez nous, à Fermont, c’est plutôt en juillet ou en août que la température moyenne devient positive», soulignent en riant quelques élèves.
Nous ne révélerons pas les réponses fournies par les élèves afin de ne pas vendre la mèche aux autres classes qui s’inscriront au même Sprint de science au cours des prochaines semaines ou des prochains mois, mais celle de Lyne Lévesque a relevé le défi avec brio!
«Nous savons que le risque d’inondation augmentera avec les changements climatiques. Pour diminuer les impacts sur notre société, il faut se préparer et s’adapter. Sur quoi pouvons-nous agir, l’aléa ou l’enjeu? Et que peut-on faire pour prévenir les inondations et gérer ce risque?», demande Lisane Arsenault-Boucher en reprenant les concepts vu au début de l’activité. «Nous pouvons agir sur l’enjeu, répond une élève, notamment en construisant des bâtiments en hauteur ainsi que des digues, ou en réalisant des enrochements.»
«Exact!», note la doctorante en présentant une autre option, de plus en plus populaire dans le monde: la création d’espaces verts servant de zone tampon pour la rétention des eaux en cas d’inondation.
Un succès local, national et international!
Le volet scolaire Sprints de science existe depuis l’automne 2019 au Cœur des sciences. On compte une douzaine de Sprints sur des sujets variés, tels que les inondations, mais aussi les forêts en danger, la rainette faux-grillon, les bioplastiques et les exoplanètes. Ces Sprints sont offerts en direct ou en asynchrone. «En proposant l’activité sur les deux modes, nous nous assurons de répondre aux besoins des enseignants», explique l’agente d’information Fanny Rohrbacher.
Depuis le début de l’année scolaire 2021-2022, le Cœur des sciences a donné plus de 160 Sprints en direct à plus de 3 500 élèves, en plus de 187 Sprints à plus de 6 000 élèves en mode asynchrone. «En direct et en asynchrone, nous avons rejoint 173 écoles secondaires au total, à travers le Québec, mais aussi en Ontario, en Alberta, en Colombie-Britannique, au Nouveau-Brunswick, au Manitoba, en Alberta, dans les Territoires du Nord-Ouest, et même en France», souligne Fanny Rohrbacher.
Tous les Sprints de science sont offerts gratuitement.