Ces temps-ci, la météo joue souvent au yo-yo dans la grande région de Montréal: pluie, grésil, verglas et mercure au-dessus de zéro degré Celsius une journée, gel ou tempête de neige le lendemain! «La vallée du Saint-Laurent est la deuxième région la plus propice au Canada pour les précipitations mixtes après St. John’s, Terre-Neuve», observe Julie Thériault.
Jusqu’au 15 mars, la professeure du Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère collabore à une étude sur ces phénomènes météo menée par des chercheurs de l’Université d’Albany (New York), de l’Université du Wyoming et de l’Université du Colorado, à laquelle participent également trois chercheurs de l’Université McGill.
Baptisé WINTRE-MIX (pour Winter precip type research multi-scale experiment), le projet a pour objectif de mieux comprendre les conditions de formation des précipitations mixtes, telles que le verglas et le grésil, des deux côtés de la frontière canado-américaine. Il s’agit d’une campagne de mesures couvrant un territoire allant d’Ottawa à l’ouest à Trois-Rivières au nord-est, jusqu’au sud du lac Champlain en sol américain. La zone étudiée inclut une partie de la vallée du Saint-Laurent, la vallée du Richelieu et la vallée du Lac Champlain.
«Nous avons formé plusieurs étudiants à Albany et au Colorado pour qu’ils puissent prendre de bonnes photos des différents types de précipitations», précise Julie Thériault, qui a mené au cours des dernières années des campagnes similaires dans les Rocheuses (2019) et au Nouveau-Brunswick (2021). Les doctorants Mathieu Lachapelle et Sujan Basnet, et la candidate à la maîtrise Margaux Girouard participent au projet, de même que l’assistant de recherche de Julie Thériault, Hadleigh Thompson.
Particules sphériques ou irrégulières
Les précipitations mixtes comme le grésil ou la pluie verglaçante se forment dans des conditions particulières, lorsqu’il y a une couche d’air chaud en altitude et une couche d’air froid près de la surface du sol, rappelle Julie Thériault. Dans le cas de la pluie verglaçante, ce sont des précipitations sous forme de neige qui traversent la couche d’air chaud et qui fondent complètement, avant de passer à travers la couche d’air froid et de se transformer en glace au contact du sol gelé. «Le grésil survient dans des conditions similaires au verglas, mais lorsque la neige en altitude n’a pas fondu complètement à travers la couche d’air chaud. En traversant la couche d’air froid – dont l’épaisseur peut varier de quelques mètres à un kilomètre – les particules d’eau se recongèlent avant d’arriver à la surface», explique la spécialiste.
Plusieurs instruments de recherche ont été déployés de ce côté-ci de la frontière afin de détecter et analyser les différents types de précipitations. «Nous avons trois camions-radar, un fixe et deux mobiles, ainsi qu’un avion de recherche du Centre National de recherche canadien, note Julie Thériault. Cinq stations d’observation recueillent des données sur le toit du pavillon PK, ainsi qu’à Sorel-Tracy, Trois-Rivières, Mont-Saint-Hilaire et Sainte-Anne-de-Bellevue.»
À Mont-Saint-Hilaire, à Sorel-Tracy, à Plattsburgh et à Trois-Rivières, l’équipe WINTRE-MIX relâche des ballons météo toutes les 90 minutes lorsque surviennent des événements de précipitations mixtes. «Les ballons météo donnent de l’information sur les conditions atmosphériques en altitude, où se trouve la couche de fonte des précipitations, par exemple. Cela permet de guider l’avion de recherche et de le faire voler à l’altitude voulue pour récolter des données intéressantes», explique Julie Thériault.
L’avion de recherche est équipé d’un radar permettant de voir les particules de précipitations qui se dirigent vers le sol et de les prendre en photos. «Si les particules présentent une forme irrégulière, ce sont des précipitations solides, tandis qu’une forme sphérique indique des précipitations liquides», précise la chercheuse. Si l’avion vole d’abord au-dessus de la couche de fonte, les chercheurs voient de gros agrégats de flocons de neige, puis, lorsque l’avion vole dans la couche de fonte, ils peuvent voir des particules sphériques ou irrégulières. «Ultimement, ce sont les observations au sol qui viennent valider le type de précipitations reçues dans une région donnée, mais les informations glanées dans le ciel nous permettent d’en apprendre toujours davantage sur les conditions propices à la formation de tel ou tel type de précipitation.»
Un coup de pouce apprécié
La région de Sorel-Tracy est particulièrement intéressante pour l’équipe WINTRE-MIX, car la ville est celle qui est la plus proche du niveau de la mer, là où il est plus facile de détecter une couche d’air froid. «Pour obtenir un profil atmosphérique complet, nous devons recueillir des données à partir du point le plus bas possible, explique Julie Thériault. Si nous lançons un ballon météo à Sorel-Tracy, nous pourrons “observer” la couche d’air froid, ce qui ne sera pas nécessairement le cas sur un autre site en altitude, advenant que ladite couche ne fasse que quelques mètres d’épaisseur.»
Comme c’est souvent le cas dans les campagnes de mesures, l’équipe de Julie Thériault bénéficie d’un fier coup de main de la part de municipalités, de différentes organisations ou même de particuliers qui acceptent qu’on installe des instruments sur leurs terrains. Par exemple, la remorque de l’UQAM, dotée de plusieurs instruments, a été stationnée sur un terrain appartenant à l’UQTR à Trois-Rivières. «Les grands-parents de Mathieu Lachapelle, qui habitent à Sorel-Tracy, ont accepté qu’on place des équipements sur leur terrain. Pour relâcher des ballons météo, il faut un immense champ sans bâtiment ni fils électriques. Non seulement ils nous laissent nous installer, mais ils prêtent aussi un appartement à nos chercheurs!»
À l’instar des ornithologues amateurs qui donnent un coup de pouce aux spécialistes afin d’identifier les espèce présentes sur le terrain, les citoyens qui s’intéressent au projet WINTRE-MIX peuvent participer à cette campagne de mesures en envoyant leurs observations par le biais de l’application mobile mPING développée par des chercheurs américains.