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«L’usure des freins, des pneus et des revêtements routiers constituera bientôt la première source d’émissions atmosphériques de particules liées au trafic routier, devant les gaz d’échappement.» À l’heure où le Québec mise sur l’électrification du parc automobile afin de répondre aux objectifs de réduction des gaz à effet de serre (GES), c’est le constat inquiétant qui émane d’un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) publié en 2020. Autrement dit, l’usage de la pédale de freinage polluera bientôt davantage que celle de l’accélérateur et l’électrification massive des transports n’y changera rien.
L’usure accessoire de la voiture produit chaque année le quart des particules en suspension dans les zones urbaines et pourrait devenir la source dominante de pollution liée au trafic routier d’ici 2035, selon le rapport de l’OCDE. Ces particules en suspension sont bien connues pour leurs effets néfastes sur la santé, qui incluent notamment des troubles respiratoires et cardiaques sévères.
Les particules en suspension
Les particules en suspension représentent un danger pour la santé humaine et les écosystèmes en raison de leur toxicité, laquelle dépend de leur nature, de leur taille et du temps d’exposition. Microscopiques et invisibles à l’œil nu, les particules fines font moins de 2,5 microns, à l’image des bactéries, tandis que les particules grossières mesurent entre 2,5 et 10 microns.
Comment se retrouvent-elles dans l’atmosphère? Lorsqu’un véhicule roule, la friction du pneu sur l’asphalte érode l’un et l’autre. Une partie des particules issues de l’abrasion, comme le zinc, le silicone et des sulfures, sont aéroportées. Lors du freinage, la friction des plaquettes et des disques libère aussi des particules: de fer, de cuivre, d’antimoine (un métal très toxique) et bien d’autres. La moitié de ces particules se retrouve aéroportée, tandis que les particules laissées au sol pourront s’élever dans les airs au passage du prochain véhicule.
Du pneu aux poumons
Selon l’OCDE, l’exposition aux particules en suspension figure au septième rang des facteurs de risque de mortalité et de morbidité dans le monde. Inhalées, les particules fines pénètrent profondément dans les poumons, risquant d’engendrer un stress oxydant qui déclenchera des réponses inflammatoires importantes. Selon une étude réalisée en 2006, l’exposition prolongée à des particules fines serait associée aux maladies cardiovasculaires comme certaines arythmies et des infarctus. Elle est aussi associée à plusieurs troubles respiratoires chroniques tels que l’asthme et les maladies pulmonaires obstructives chroniques (MPOC). L’étude cite également des risques de thrombose, de troubles de la coagulation sanguine, des problèmes vasculaires cérébrovasculaires.
Et les véhicules électriques?
Bien qu’ils n’émettent pas de CO2, les véhicules électriques utilisent généralement les mêmes pneus et freins que les voitures conventionnelles à essence. En outre, ils ont tendance à être plus lourds en raison du poids de la batterie, et ce poids supplémentaire n’est pas sans conséquence. Même si les nouvelles technologies de freinage, comme le freinage régénératif, diminuent l’abrasion des pièces et donc l’émission de particules grossières (d’environ 4 à 7 % selon l’étude publiée par l’OCDE en 2020), les véhicules électriques produiraient de 3 à 8 % plus de particules fines en raison de leur poids, augmentant le risque d’affecter la santé humaine.
À la lumière des effets nocifs sur la santé que représente l’exposition aux particules en suspension, les décideurs devraient modifier les politiques publiques afin de favoriser des véhicules plus légers, en plus de réglementer plus sévèrement la composition des pneus, des freins et des revêtements routiers, note les experts de l’OCDE. Certains dispositifs de récupération des émissions polluantes pourraient également être envisagés afin de freiner cette pollution atmosphérique qui nous affecte toutes et tous.
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Cet article a été rédigé dans le cadre du cours Éléments d’écotoxicologie donné au trimestre d’hiver 2022 par les professeurs Philippe Juneau, Maikel Rosabal Rodriguez et Jonathan Verreault, du Département des sciences biologiques. Les étudiants, inscrits au baccalauréat en sciences naturelles appliquées à l’environnement ou au certificat en écologie, devaient produire un article de vulgarisation scientifique qui a été évalué dans le cadre du cours. Il s’agissait d’un premier contact, dans leur cursus, avec la toxicologie et la santé environnementale. Parmi les meilleurs articles choisis par les professeurs, Actualités UQAM a sélectionné celui de Gabriel Marcotte pour publication.