Originaire de la Martinique, la doctorante en science politique Mathilde Bourgeon s’est établie à Montréal en 2014 afin d’entreprendre un baccalauréat en relations internationales et en droit international (BRIDI) à l’UQAM. «Je souhaitais faire des études universitaires en français et j’avais le choix entre aller en France ou dans un autre pays francophone, raconte-t-elle. J’ai opté pour le Québec, en particulier pour Montréal, parce que son caractère cosmopolite m’attirait.»
La jeune chercheuse soumet alors son dossier de candidature dans les quatre universités montréalaises, qui l’acceptent, puis choisit l’UQAM. «Les expertises diversifiées des professeurs de la Faculté de science politique et de droit, le contenu du BRIDI et la possibilité que ce programme offrait de participer à des échanges internationaux ont fait pencher la balance.»
Parallèlement à ses études de baccalauréat, Mathilde Bourgeon s’implique dans différentes activités. Elle rédige la charte du comité d’Amnistie internationale à l’UQAM, dont elle est membre bénévole, effectue un stage à l’Institut de recherches stratégiques de l’École militaire de Paris, participe à deux concours de simulation de l’OTAN à New York et fait partie d’un échange étudiant aux États-Unis.
«Ces expériences m’ont permis de perfectionner mon anglais, de découvrir d’autres systèmes universitaires et de me familiariser avec l’univers de la recherche, souligne la doctorante. Jusque-là, je ne savais pas encore si la recherche universitaire m’intéressait vraiment. Mon stage à l’Institut de recherches stratégiques m’a donné la piqûre.»
Comprendre les enjeux d’immigration
Une fois son diplôme de bac en poche, Mathilde Bourgeon poursuit des études de maîtrise en science politique, qu’elle termine en 2020. Son mémoire, mené sous la direction de la professeure associée du Département de géographie et professeure au Collège militaire royal de Saint-Jean Élisabeth Vallet, porte sur la détention des migrantes et migrants dits non documentés dans des institutions carcérales privées aux États-Unis.
«Il s’agit de personnes migrantes clandestines qui sont entrées aux États-Unis sans avoir de visa les autorisant à résider au pays, précise la doctorante. Pourtant, la Convention de Genève sur le droit des personnes réfugiées stipule clairement qu’on ne peut pas leur interdire l’accès à un territoire donné. C’est un droit difficile à appliquer dans la mesure où il n’existe pas de gouvernement supranational capable de le faire respecter.»
Durant sa maîtrise, Mathilde Bourgeon a été l’assistante de recherche d’Élisabeth Vallet. «Elle a été et demeure mon mentor. C’est elle qui m’a mis le pied à l’étrier en matière de recherche.»
Chercheuse en résidence
Depuis 2017, la doctorante est chercheuse en résidence à l’Observatoire de géopolitique et à l’Observatoire sur les États-Unis, tous deux rattachés à la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques. Lieu de formation et d’enseignement, la Chaire est reconnue pour avoir contribué à former au Québec une nouvelle génération de spécialistes en études internationales.
«Le fait de côtoyer au quotidien les chercheurs et chercheuses de la Chaire m’a permis de confronter mes idées aux leurs, de me familiariser avec les exigences du travail de recherche, d’approfondir des sujets qui m’intéressaient et, surtout, de ne pas me sentir isolée», observe Mathilde Bourgeon.
En s’intégrant à la Chaire, la doctorante a pu se bâtir une crédibilité en tant que chercheuse. Au cours des cinq dernières années, elle a cosigné des chapitres d’ouvrages et des articles dans des revues, présenté les résultats de ses propres travaux lors de conférences ou colloques et accordé des entrevues dans les médias. «Ce fut extrêmement formateur, dit-elle. J’ai pu ainsi faire l’apprentissage de la culture de vulgarisation et de diffusion des connaissances.»
Mathilde Bourgeon se réjouit que l’UQAM offre une variété de bourses pour soutenir les étudiants dans leurs études et leurs recherches. «Pour ma part, j’ai aussi eu la chance d’obtenir des contrats à titre d’assistante de recherche, d’auxiliaire d’enseignement et de chargée de cours, notamment à l’Université du Québec à Trois-Rivières.»
Politiques migratoire et environnementale
La jeune chercheuse mène présentement un projet de thèse sous la codirection d’Élisabeth Vallet et de Charles-Philippe David, professeur au Département de science politique et président de l’Observatoire sur les États-Unis. « Je m’intéresse à la façon dont les enjeux relatifs à l’immigration non documentée et aux changements climatiques sont mis à l’agenda des politiques publiques de sécurité aux États-Unis.»
Plus précisément, Mathilde Bourgeon cherche à comprendre dans quelle mesure les décideurs politiques américains choisissent ou non d’ignorer les recommandations des experts, des universitaires et des think tank. «Je me demande pourquoi l’immigration non documentée est traitée comme un enjeu de sécurité nationale et pourquoi les changements climatiques sont délaissés, alors que ces derniers ont des impacts majeurs sur la santé et la sécurité humaines.»
La doctorante a d’autres intérêts de recherche, comme celui concernant les enjeux frontaliers nord-américains. Le 15 mai dernier, elle a publié dans le quotidien La Presse un article intitulé «L’ombre de Trump sur la frontière américano-mexicaine». L’article porte sur des dispositions légales permettant de renvoyer au Mexique des demandeurs d’asile qui se présentent à un poste frontalier après des semaines, des mois, parfois des années d’errance migratoire, ou qui sont interceptés s’ils tentent de traverser la frontière entre le Mexique et les États-Unis.
À l’instar d’Élisabeth Vallet, Mathilde Bourgeon s’intéresse également à l’érection de murs frontaliers sur la planète. «Nous travaillons ensemble sur ce sujet, dit-elle. Nous essayons de recueillir le maximum de données sur le nombre de murs dans le monde, sur leur rôle, sur les sources de financement ayant permis de les construire, etc. C’est un chantier d’études inépuisable.»
Dans une carrière en recherche, l’important, selon elle, «est de ne pas avoir d’œillères, de diversifier ses champs de recherche, sans s’éparpiller». À quoi rêve la jeune doctorante quand elle pense à l’avenir? «Au début de mes études de bac, j’espérais pouvoir travailler un jour aux Nations Unies. Aujourd’hui, j’aspire à une carrière de professeure-chercheuse. J’envisage des études postdoctorales, mais je ne ferme pas la porte à la possibilité d’œuvrer un jour dans le domaine de l’humanitaire, un secteur qui m’interpelle depuis l’adolescence.»
Le Québec est l’endroit où Mathilde Bourgeon a vécu le plus longtemps dans sa vie. «Je m’y sens chez moi maintenant, confie-t-elle. Cela dit, je ne suis qu’à la mi-vingtaine et si l’évolution de ma carrière l’exige, je suis prête à aller vivre à l’étranger.»