«Deuils en déconfinement: lorsque l’art éclaire le deuil pandémique» est le thème d’un événement de reconnaissance qui aura lieu le 16 juin prochain, afin de rendre hommage à la résilience des personnes endeuillées en contexte de pandémie. En plus de la présentation de témoignages, trois séries d’œuvres visuelles seront exposées, dont certaines créées par des personnes en processus de deuil. Des extraits d’un court-métrage sur le deuil pandémique seront également projetés. Les personnes endeuillées, leurs proches et toute personne souhaitant en apprendre davantage sur le sujet sont les bienvenues.
Cette soirée se déroulera à la salle Gilles-Hocquart d’Archives nationales du Québec (BAnQ, Vieux-Montréal), au 535, avenue Viger Est, à Montréal, de 17 h à 20 h. Elle clôturera deux années de travaux de recherche-création participatifs menés dans le cadre du projet J’accompagne. Dirigé par la professeure du Département de psychologie Mélanie Vachon, ce projet (voir notre article d’avril 2020) consiste à créer une communauté virtuelle de soutien aux personnes proches aidantes et endeuillées en période de pandémie, en vue de briser l’isolement, d’offrir des ressources adaptées et de créer un espace de partage.
«Au cours des deux dernières années, mon équipe et moi avons suivi plusieurs dizaines de personnes endeuillées et réalisé plus de 75 entrevues», note Mélanie Vachon, qui est membre du Centre de recherche et d’intervention sur le suicide, enjeux éthiques et pratiques de fin de vie (CRISE) ainsi que du Réseau québécois de recherche en soins palliatifs et de fin de vie (RQSPAL). Grâce aux témoignages recueillis, il a été possible de conceptualiser la réalité du deuil pandémique. «Définir ce type de deuil permet de mieux soutenir les personnes ayant vécu une perte et de sensibiliser les professionnels du milieu de la santé et la population à cette expérience inédite», note la professeure.
Le site web du projet J’accompagne propose un répertoire de ressources destiné aux personnes proches aidantes et endeuillées, des sections consacrées au deuil et aux activités de la communauté virtuelle ainsi qu’une galerie d’art.
Un deuil pas comme les autres
Dans un contexte de deuil pandémique, les pratiques d’accompagnement de la personne en fin de vie et les rites funéraires sont structurés par les mesures de santé publique en vigueur plutôt que par les besoins et les valeurs de la personne mourante et de ses proches.
«L’expérience du deuil pandémique se caractérise, notamment, par des sentiments de remord, de regret ou de culpabilité liés aux circonstances du décès – absence d’accompagnement, contacts limités – ainsi qu’à l’impossibilité d’organiser des rites funéraires respectant les dernières volontés de la personne mourante», précise Mélanie Vachon.
La recherche a aussi permis d’observer des sentiments de colère, d’injustice, de frustration ou d’indignation envers les autorités en place quant aux mesures de santé publique imposées, et à l’endroit du personnel gestionnaire ou soignant dans les établissements où les personnes proches sont décédées, comme les résidences spécialisées et les CHSLD.
Plusieurs personnes endeuillées ont rencontré des difficultés à reprendre le cours normal de leur vie, alors que le contexte pandémique ultramédiatisé les ramenait constamment à leur expérience de perte. Elles ont parfois eu l’impression d’être dans un état de suspension entre deux mondes (pré et postcovid). Ce sentiment «d’entre-deux» était marqué, entre autres, par l’immatérialité de la perte en l’absence de cérémonies commémoratives significatives permettant d’enclencher le deuil.
Selon, la professeure, la pandémie nous aura fait réaliser l’importance de la mobilisation communautaire dans le soutien des personnes vulnérables. «Espérons que les liens qui se développent actuellement perdureront après la pandémie et permettront la mise en place de modèles de communautés compatissantes au Québec.»