La protection de la nature et de la biodiversité sera au cœur des discussions de la COP15, qui se déroulera en décembre prochain à Montréal. S’il est vital que les pays s’entendent pour freiner l’effondrement de la biodiversité, les organismes à but non lucratif (OBNL) qui œuvrent sur le terrain font face à des défis d’un autre ordre. Pour eux, le nerf de la guerre demeure l’obtention de subventions et de dons.
«Il est difficile de lever des fonds pour les causes animales. Au Québec, celles-ci arrivent loin derrière les causes liées à la santé humaine», souligne la professeure du Département de marketing Élisabeth Robinot, cofondatrice et directrice de l’Observatoire de la philanthropie.
Dans le cadre des activités de l’Observatoire, Élisabeth Robinot a rencontré Suzie Plourde, chargée de projet à l’Union québécoise de réhabilitation des oiseaux de proie (UQROP). «Bien que l’UQROP utilise différentes stratégies pour générer des dons, celles-ci ne suffisent pas à financer ses projets, note la professeure. Pour atteindre les milléniaux, l’OBNL a donc décidé de miser sur le marketing d’influence.»
En collaboration avec l’UQROP et sa collègue Caroline Lacroix, Élisabeth Robinot a obtenu une subvention d’engagement partenarial du CRSH afin de réaliser une étude visant à identifier l’influenceur ou l’influenceuse type idéal pour la cause des oiseaux de proie.
Des oiseaux protégés
«Ma seule référence concernant les oiseaux de proie était Hedwige, la chouette de Harry Potter», raconte en riant Élisabeth Robinot, qui a visité les installations de l’UQROP afin de mieux comprendre les enjeux entourant la réhabilitation et la protection des oiseaux de proie : harfangs des neiges, chouettes et hiboux, entre autres. «L’UQROP a pour mission de structurer un réseau de soins pour les oiseaux de proie, explique-t-elle. Leur second mandat est de faire connaître ces oiseaux au grand public.»
Au Québec, on peut observer 27 espèces d’oiseaux de proie, qui sont toutes protégées par une loi, apprend-on sur le site web de l’UQROP. Ces oiseaux se retrouvent dans les forêts, les champs, les falaises et les abords des cours d’eau. Il est illégal de les chasser ou d’en garder un sans être détenteur d’un permis. Certaines de ces espèces sont vulnérables ou menacées.
Les oiseaux de proie jouent un rôle important dans la chaîne alimentaire, pouvant même se poser en défenseurs des récoltes! «Au fil des ans, l’UQROP a noué des partenariats avec plusieurs agriculteurs, qui voient un bénéfice réel à installer des nichoirs à hiboux et à chouettes dans leurs granges afin de protéger le grain des souris», illustre la professeure.
Une étude en deux phases
Dans le cadre de leur étude, Élisabeth Robinot et son équipe souhaitent déterminer le type d’influenceur qui pourrait aider la cause de l’UQROP. «Les experts en marketing d’influence s’entendent tous pour dire que la caractéristique qui a le plus fort impact sur les attitudes et les comportements est la perception d’authenticité de l’influenceur», souligne la chercheuse.
Mais encore faut-il trouver un influenceur crédible en matière d’environnement. «Il n’y a pas vraiment de macro-influenceurs environnementaux au Québec, constate Élisabeth Robinot. On retrouve surtout des micro-influenceurs dans ce domaine.»
Vaut-il mieux miser sur un micro-influenceur très niché, qui a un petit auditoire fidèle, ou sur un macro-influenceur qui pourrait accepter de s’associer à un message spécifique, comme le font certaines influenceuses beauté lorsqu’elles mentionnent, par exemple, que telle marque de rouge à lèvres ne contient aucun ingrédient d’origine animale? «C’est ce que nous tenterons de déterminer, note la professeure. Nous sommes présentement dans la phase exploratoire du projet. Nous observons ce que disent les influenceurs sur les causes environnementales et comment ils s’y prennent pour capter l’attention de leurs abonnés, quels types d’émotions sont associées à leurs discours et comment l’auditoire perçoit leurs messages.»
Deux étudiantes participent au projet, Vickie-Lauren Bekoum Essokolo et Énarsouline Masékéla Ahoyo. «Il s’agit pour elles d’une expérience professionnelle de recherche intéressante que de travailler sur un projet ancré dans le transfert des connaissances avec un OBNL reconnu», se réjouit Élisabeth Robinot.
Lors d’une deuxième phase, l’équipe utilisera les données recueillies lors de la première pour créer des profils types d’influenceurs. On testera alors différents types d’influenceur, de messages et d’émotions afin de déterminer le message le plus efficace pour générer des dons pour la cause des oiseaux de proie. L’enquête portera sur un échantillon constitué de 1200 Québécois milléniaux et de 600 répondants provenant de la clientèle et des partenaires de l’UQROP.
Mieux comprendre le fonctionnement du marketing d’influence et combler le manque d’études scientifiques sur la philanthropie animale tout en aidant l’UQROP est un projet gagnant-gagnant, observe Élisabeth Robinot. «Nous espérons leur fournir un livre blanc afin que leur organisme puisse déterminer le meilleur influenceur pour leur cause. Et, qui sait, notre étude sur le marketing d’influence pourrait également servir l’ensemble de la cause animale.»