Le professeur du Département des sciences économiques de l’ESG UQAM Kristian Behrens passera son été sur les berges du canal de Lachine, métaphoriquement parlant. «Nous amorçons une étude visant à évaluer les impacts socioéconomiques de la mise en valeur du lieu historique national du Canal-de-Lachine», explique le chercheur, qui mène ce projet en collaboration avec ses collègues Florian Mayneris et Marlon Seror.
Depuis le début des années 2000, Parcs Canada a investi environ 168 millions de dollars pour la réhabilitation du Canal-de-Lachine, qui s’étend sur 13,5 kilomètres entre le Vieux-Port et le lac Saint-Louis. «Parcs Canada a procédé, entre autres, à la consolidation des berges le long du canal, à l’aménagement d’une piste multifonctionnelle et à l’ajout de mobilier urbain, souligne Kristian Behrens. On souhaite maintenant évaluer l’ensemble des impacts socioéconomiques de ces travaux.»
Le projet est le fruit d’une entente entre Parcs Canada et l’UQAM, par l’entremise du Service des partenariats et du soutien à l’innovation (SePSI). «La première rencontre a eu lieu en novembre 2019 et la seconde en novembre 2021, pour les raisons que l’on sait», raconte le professeur, heureux de donner le coup d’envoi à cette étude qui s’échelonnera jusqu’en mars 2023.
Une cartographie selon les secteurs
Spécialiste en économie urbaine, Kristian Behrens utilisera les données des valeurs foncières pour évaluer les impacts des différents investissements effectués au fil des 20 dernières années le long du Canal-de-Lachine. «Il s’agit d’une méthodologie reconnue dans le domaine, précise-t-il. Parcs Canada fournira les détails des investissements, c’est-à-dire leur nature, le lieu et le moment où les travaux ont été réalisés, de manière à ce nous puissions obtenir un portrait spatio-temporel très précis. Nous pourrons ensuite comparer les différentes réalisations avec l’augmentation des valeurs foncières selon les secteurs.»

Le Service des données ouvertes de la Ville de Montréal a accepté de lui donner accès, de manière confidentielle, à l’ensemble des rôles fonciers depuis 1995. «Nous pourrons ainsi quantifier dans le temps la hausse des valeurs foncières et mesurer les retombées fiscales pour la Ville», précise le chercheur.
L’accès à l’ensemble des données foncières permettra également à Kristian Behrens et à son équipe de trouver un groupe contrôle qui servira de comparatif. «Nous voulons identifier d’autres zones de Montréal comparables à celle du Canal-de-Lachine au début des années 2000, mais qui n’ont pas bénéficié du même type d’investissements, et ce, afin de pouvoir apprécier l’augmentation des valeurs foncières», explique-t-il.
Les doctorants en informatique Aubin Birba et Awa Samaké donneront un coup de main à l’équipe pour l’extraction des données du rôle foncier. «Pour les années récentes, les données sont en format électronique, mais auparavant, ce sont des fichiers PDF, note Kristian Behrens. Nous devrons numériser des dizaines de milliers de pages pour pouvoir exploiter les données!»
Le professeur espère pouvoir établir le plus précisément possible l’évolution dans le temps des valeurs foncières, selon les différents secteurs le long du Canal-de-Lachine. «Est-ce que les croissances sont différentes si on s’éloigne des berges du canal, et si oui, jusqu’où voit-on un effet? Est-ce significativement différent des autres endroits comparables à Montréal? C’est le type de questions auxquelles nous souhaitons répondre, l’objectif étant de pouvoir démontrer, s’il y a lieu, un lien de causalité entre les investissements de Parcs Canada et la capitalisation foncière ainsi que l’ordre de grandeur de cet effet le cas échéant.»
Impacts démographiques
Kristian Behrens et son équipe tenteront également d’évaluer les changements dans la composition sociodémographique le long du canal au fil des ans. «Est-ce que la population riveraine est plus jeune ou plus vieille qu’au début des années 2000? Est-ce qu’elle est plus ou moins riche? Y retrouve-t-on plus ou moins de familles qu’à l’époque?», illustre-t-il.

Nul besoin de voir les chiffres pour noter qu’il y a eu un boom immobilier, notamment du côté de Griffintown, remarque le chercheur, qui souhaite pourtant mesurer le phénomène avec exactitude. «Lorsque des endroits deviennent convoités, il y a deux marges d’ajustement: le prix et la quantité, souligne-t-il. La fluctuation des prix, nous l’observerons avec les données des valeurs foncières. Pour l’aspect quantitatif, nous nous tournerons vers l’analyse des permis de construction et de rénovation émis par la Ville de Montréal.»
Le projet pourrait intéresser des étudiants aux cycles supérieurs souhaitant approfondir un aspect plus spécifique dans le cadre d’un mémoire ou d’une thèse, estime Kristian Behrens. «Il est fort probable que des étudiants viennent se greffer au projet en cours de route», conclut-il.