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Migrations africaines : un mythe à déconstruire

Les populations du Sud migrent majoritairement vers les pays limitrophes.

Série

Acfas 2022

Par Marie-Claude Bourdon

10 mai 2022 à 14 h 05

Mis à jour le 9 juin 2022 à 13 h 08

Série Acfas 2022
Plusieurs scientifiques de l’UQAM proposent des colloques dans le cadre du congrès virtuel organisé par l’Université Laval du 9 au 13 mai.

Des réfugiés climatiques quittent leur région en Somalie.
Photo: Tobin Jones

Difficile de regarder la télévision occidentale sans avoir en tête des images de bateaux surchargés de migrants africains désespérés, fuyant la guerre ou des conditions économiques désastreuses. Pour la professeure du Département des sciences juridiques Ndeye Dieynaba Ndiaye, ces images trompeuses cachent une tout autre réalité, qui sera explorée dans le cadre du colloque Migration, asile et apatridie: le mythe des vagues migratoires du Sud (Afrique) vers le Nord global à l’épreuve de la science (13 mai), dont elle est coresponsable avec son collègue Abdoulaye Anne, de l’Université Laval. 

La création de l’Observatoire sur les migrations internationales qu’elle a mis sur pied à l’UQAM – affilié à l’Institut d’études internationales de Montréal (IEIM) – constituait une des pistes de solution suggérées dans sa thèse de doctorat, portant sur les migrations du Sud vers le Nord. Le colloque de l’Acfas sera l’occasion de réunir pour une première fois tous les chercheurs et chercheuses qui, à travers le monde, participent aux travaux de l’Observatoire.

«Le mythe entourant les migrations du Sud vers le Nord et les politiques des pays du Nord influencées par ce mythe ne s’appuient pas sur les données de la science, affirme la chercheuse. Le but de l’Observatoire est de réunir ces données.»

Aussi étonnant que cela puisse paraître, «le taux d’émigration des pays du Sud vers le Nord global est relativement faible comparativement à la migration intra-africaine», affirme Ndeye Dieynaba Ndiaye, ajoutant que selon des données de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 94% de la migration africaine sur les océans prend une forme régulière qui ne correspond pas avec les images de bateaux débordant de migrants irréguliers.

«L’extrême-droite entretient cette cloison entre le mythe et la réalité, observe la professeure. Tous ces préjugés tendent à créer un profil de migrants voleurs de travail qui ne peuvent pas s’intégrer. Les préjugés sont nourris par ce type de discours sur la migration.» En réalité, les Africains qui migrent vers le Nord constituent un important apport économique pour leurs pays d’accueil, remarque la chercheuse, donnant en exemple les nombreux étudiants africains dans les universités du Québec et d’ailleurs en Occident.

L’Afrique est à la fois le continent qui produit le moins de GES et celui qui en subit le plus les conséquences, poursuit la chercheuse. Selon le GIEC, il y aura, d’ici 2050, 100 à 150 millions de migrants climatiques jetés sur les routes à cause de la sécheresse. Or, ces migrants vont principalement aboutir dans des pays limitrophes, des pays africains qui connaissent déjà des difficultés économiques.

Un des buts poursuivis par l’Observatoire sur les migrations internationales est de mieux communiquer les résultats de la recherche sur les migrations internationales. «La question des migrations est très politique», souligne Ndeye Dieynaba Ndiaye. Pour prendre des décisions politiques éclairées, il faut être correctement informé. C’est le but de son travail. «On veut que les travaux de nos chercheuses et de nos chercheurs puissent avoir des impacts concrets sur la société.»