Après plus de 40 ans, Marc Longchamps (B.A. science politique, 1988) se rappelle encore avec émotion le moment où il a mis les pieds à l’UQAM pour la première fois. C’était au début des années 1980. Il était venu assister à une conférence. «J’étudiais au cégep de Lévis-Lauzon. C’était ma première visite à Montréal et j’ai eu un véritable coup de cœur pour l’agora du pavillon Judith-Jasmin. Je trouvais le lieu tellement beau et vibrant avec tous ces gens qui y circulaient que cela avait renforcé mon désir de venir étudier à l’UQAM», se souvient le conseiller à la vie étudiante.
Ce désir était né au contact d’Uqamiens et Uqamiennes en visite dans son cégep. «J’étais impliqué dans l’association étudiante et nous organisions la venue de “caravanes de sensibilisation” aux enjeux politiques en Amérique latine, raconte Marc Longchamps. C’était l’époque où le Salvador et le Nicaragua défrayaient les manchettes. Or, toutes les organisations qui acceptaient de venir nous en parler provenaient de l’UQAM.»
C’est ainsi qu’il avait entendu parler de science politique, un programme qui s’est révélé à la hauteur de ses attentes. «J’ai eu des professeurs formidables comme Daniel Holly, Thierry Hentsch, André Corten et Jean-Pierre Beaud, pour ne nommer que ceux-là, car il y en a eu bien d’autres. Tous leurs cours m’ont appris énormément, mais le bouillonnement constant de la vie universitaire a été tout autant formateur. Il s’est agi d’un moment privilégié de ma vie.»
D’un emploi étudiant à poste permanent
Pendant ses études, Marc Longchamps a travaillé à la Coop UQAM pour la distribution des notes de cours et des ouvrages en début de session, puis à titre de commis à la bibliothèque. «Pendant ma scolarité de maîtrise, je suis passé de la bibliothèque au courrier, comme surnuméraire. C’est lors d’une tournée pour distribuer le courrier, justement, que j’ai vu une offre d’emploi affichée sur l’un des babillards de l’UQAM. Il s’agissait d’un poste d’animateur communautaire aux Services à la vie étudiante (SVE).» Il soumet sa candidature et obtient le poste. «Je suis entré en fonction le 17 décembre 1992. Il était minuit moins une, car je devais amorcer le remboursement de mes prêts étudiants le 3 janvier suivant», se rappelle-t-il en riant.
Le principe d’autogestion
Son travail consistait à accompagner les étudiants qui souhaitaient réaliser des projets, comme l’organisation d’une conférence, d’un atelier ou d’un événement. À l’époque, les groupes étudiants qui n’étaient pas rattachés à un programme spécifique ne pouvaient pas obtenir de soutien financier. «Ils faisaient pourtant partie intégrante du dynamisme de la vie étudiante, souligne Marc Longchamps. Après discussion avec ma supérieure, j’ai obtenu un budget de 35 000 dollars et j’ai mis en place un processus d’autogestion. Je prenais le temps d’écouter les étudiants qui me présentaient leur projet: la nature de leurs activités, la composition de leur comité organisateur, le détail de leur échéancier et leur plan de communication. Je leur demandais quels étaient leurs besoins financiers et on les comparait avec ceux de projets similaires que j’avais soutenus plus tôt dans l’année. Plus souvent qu’autrement, ils ne prenaient que ce qui était réellement essentiels pour réaliser leur projet, rarement plus de 1000 ou 1500 dollars. Je pense qu’en 10 ans, j’ai dû refuser deux fois d’octroyer le budget qui m’était demandé.»
Quelques années plus tard, la Politique de reconnaissance des groupes étudiants fut assortie d’un programme de subvention. «Le principe de l’autogestion est demeuré, en quelque sorte, puisque c’est un comité étudiant qui décide des fonds qui sont accordés à chaque projet», remarque Marc Longchamps.
Des activités mémorables
Semaine du marketing, simulation boursière, invitation de conférencières ou conférenciers prestigieux, ateliers, débats, Marc Longchamps facilitait chaque année entre 90 et 120 projets étudiants. Son leitmotiv a toujours été de rendre possible ce qui semble impossible, en ayant l’humilité de ne pas imposer une manière de faire. «Éventuellement, je me suis aperçu que mon objectif – c’est un ancien collègue qui avait trouvé la formule – était de me rendre inutile, c’est-à-dire de laisser les étudiants prendre les décisions et mener leur projet jusqu’à ce qu’ils aient réellement besoin de moi pour tel ou tel aspect, dit-il. C’est ce que j’appelle une inutilité efficiente!»
Au fil des ans, plusieurs projets l’ont marqué. «La Nuit de la philo a demandé une logistique qui n’avait jamais été mise en place jusque-là: ouvrir l’université en pleine nuit un samedi et un dimanche! Je me souviens également des Portes ouvertes en arts, alors que les 4e, 5e et 6e étages du pavillon Jasmin étaient occupés par des expositions étudiantes durant toute une semaine. Ou encore des débuts de ce qui est devenu Dérapage, en design graphique, un événement consacré à l’expérimentation de techniques d’animation et de tournage vidéo non traditionnelles.»
Au-delà des projets, il se rappelle surtout des rencontres inspirantes. Les étudiantes et étudiants en arts, par exemple, l’ont particulièrement impressionné par leur rigueur et leur ingéniosité. «Ils parvenaient à couper 1 cenne en 4, comme on dit! Je me suis souvent servi de leurs réflexions et de leurs méthodes pour aider les autres groupes», se rappelle-t-il.
Inévitablement, Marc Longchamps a assisté à la dissolution de nombreux groupes ou associations avec lesquels il a adoré travailler: «Trousse Voyages, par exemple, qui organisait les semaines du tourisme, ou le Centre des femmes, qui a fait bouger les choses sur plusieurs fronts, notamment au niveau de la lutte contre le harcèlement à l’UQAM», illustre-t-il.
Des pionniers à l’ESG
Depuis 2012, il est devenu conseiller en faculté. «J’avais le goût de travailler avec les associations étudiantes de l’ESG, car elles sont très dynamiques. Plusieurs de leurs projets ont une portée sociale importante et elles sont souvent avant-gardistes dans leurs processus. Ce sont les étudiants de l’Association étudiante de l’ESG (AéESG), par exemple, qui ont été les premiers à imposer une formation sur le consentement à tous leurs administrateurs, avant même que l’UQAM emboîte le pas.»
«Marc réussissait à établir le dialogue et la confiance entre des personnes aux positions parfois irréconciliables, à des niveaux de maturité et d’expérience différents, et ce, pour des projets ludiques, sociaux ou politiques. J’adorais collaborer et discuter avec lui», témoigne Francis Bouchard (B.A.A. cumul de programmes, 2021), ancien président de l’AéESG, aujourd’hui conseiller aux communications au gouvernement du Québec.
Après 32 ans aux SVE, Marc Longchamps part à la retraite ce mois-ci. «J’ai côtoyé des collègues et des patrons formidables, mais ceux et celles qui m’ont appris le plus, ce sont les étudiantes et étudiants allumés que j’ai accompagnés pendant toutes ces belles années», conclut-il.