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Les arbres meurent davantage dans les forêts diversifiées

Une étude publiée dans la revue PNAS se penche sur ce paradoxe étonnant.

Par Pierre-Etienne Caza

6 mai 2022 à 13 h 05

Mis à jour le 9 juin 2022 à 13 h 08

Photo: Getty Images

Une plus grande biodiversité est associée à des probabilités plus élevées de mortalité dans les forêts boréales et tempérées d’Amérique du Nord. Voilà l’étonnante conclusion d’une étude publiée récemment dans Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), dont le premier auteur est le postdoctorant Eric Searle. Celui-ci a réalisé ses travaux dans le laboratoire du professeur du Département des sciences biologiques Alain Paquette, qui cosigne l’article. 

La conclusion de l’étude est en apparence surprenante, car en théorie, les arbres qui poussent au sein d’une forêt diversifiée sont moins en compétition, c’est-à-dire qu’ils n’utilisent pas les mêmes ressources, ou alors pas en même temps, explique Alain Paquette. «Et s’ils ne sont pas en compétition, il devrait y avoir moins de mortalité. Or, c’est exactement l’inverse que nous avons observé!»

L’étude repose sur une analyse de données recueillies au sein d’un réseau comptant un peu plus de 29 000 placettes permanentes à travers le Canada et les États-Unis, ce qui représente au total environ 1,6 million d’arbres. 

Les résultats liant biodiversité et mortalité sont d’autant plus intrigants qu’ils confirment les conclusions de nombreuses autres études soulignant l’impact positif de la biodiversité sur la productivité forestière, dont la vaste étude internationale publiée en 2016 dans la revue Science, à laquelle avait participé Alain Paquette. «La mortalité plus élevée dans les peuplements diversifiés ne se fait pas au détriment de la productivité, confirme le professeur. Les forêts plus diversifiées connaissent quand même une meilleure croissance.»

Comment explique-t-on ce paradoxe? «L’hypothèse la plus probable est que les forêts plus diversifiées étant plus denses, elles produisent davantage et les arbres y meurent plus rapidement», avance le titulaire de la Chaire de recherche sur la forêt urbaine.

Une forêt est un écosystème fermé, qui comporte ses limites, rappelle le chercheur. «Même si la diversité d’une forêt permet d’augmenter sa productivité, cette dernière n’est pas infinie. Ce type de forêt atteindrait sa maturité plus rapidement – en écologie, on appelle cela la capacité de support du système – c’est-à-dire le maximum de biomasse que l’écosystème est capable de supporter. Diversité des espèces ou pas, si les arbres deviennent de plus en plus gros, ils finiront par être en compétition pour les ressources et l’espace. La logique suggère donc que plusieurs arbres meurent plus rapidement parce qu’ils poussent plus vite dans une forêt diversifiée.» 

Selon Alain Paquette, il faudrait poursuivre les recherches en contexte expérimental pour mieux comprendre le phénomène et confirmer cette hypothèse. «Tous les arbres finissent par mourir. C’est un mécanisme fondamental du fonctionnement des forêts», conclut avec philosophie le chercheur.