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Lectures de mai

Notre sélection mensuelle d’ouvrages publiés par des membres de la communauté universitaire.

10 mai 2022 à 14 h 05

Mis à jour le 12 juillet 2022 à 9 h 45

Ducharme et Rimbaud

Comment écrire après Rimbaud? Dès son entrée en littérature, Réjean Ducharme, le célèbre enfantôme des lettres québécoises, s’est mesuré à cette question qui hante tout écrivain. Dans Ducharme et Rimbaud: l’océan de la beautéle professeur associé du Département d’histoire de l’art Gilles Lapointe montre que l’écrivain québécois a forgé sa conception de la littérature à partir de l’œuvre de Rimbaud. «Des poèmes de jeunesse jusqu’aux Illuminations, de sa correspondance personnelle en Afrique jusqu’aux ouvrages qui ont marqué sa fortune critique, il est désormais clairement établi à mes yeux que Ducharme a traversé de part en part la Rimbaldie, puisé un peu partout à son gré dans le répertoire du poète, avec un attachement tout particulier, semble-t-il, à Une saison en enfer et aux Illuminations», écrit le professeur. Afin de raffiner sa lecture de Ducharme pour y trouver du «Rimbaud», l’auteur a consacré la majeure partie de son ouvrage à l’analyse de L’Océantume, où se retrouve la forme la plus cryptée (et peut-être aussi la plus riche) du dialogue que Ducharme entretient avec Rimbaud. Bien sûr, l’œuvre de Ducharme recèle de nombreuses autres filiations avec un cercle élargi d’écrivains, mais, à la fin de l’exercice, la question désormais incontournable est: peut-on lire Ducharme sans Rimbaud? Publié chez Classiques Garnier.

Autour de l’œuvre de Joseph Yvon Thériault

L’ouvrage collectif Sur les traces de la démocratie, publié sous la direction des professeurs Jean-François Laniel (Ph.D. sociologie, 2018), de l’Université Laval, Stéphanie Chouinard, du Collège militaire royal, et François-Olivier Dorais, de l’UQAC, est consacré à l’œuvre de Joseph Yvon Thériault, l’un des penseurs importants de sa génération. Professeur associé au Département de sociologie, cet Acadien de naissance et de cœur, auteur prolifique primé par la critique et animateur de la vie universitaire, a laissé une marque notable sur la vie des idées de son temps. Les disciplines (sociologie, science politique, philosophie, histoire, anthropologie, littérature) et nationalités (acadienne, franco-ontarienne, québécoise, canadienne, française, bulgare) ici représentées témoignent de la diversité des objets que le chercheur a étudiés. De la francophonie canadienne au développement régional, de la modernité politique aux petites nations, Joseph Yvon Thériault a suivi les traces que laissent les peuples dans l’histoire. Il a aussi exploré la trajectoire de la démocratie moderne, qui est celle, notamment, des institutions (État-providence, partis politiques) et des grandes idées (nationalisme, libéralisme, cosmopolitisme). Par la richesse de ses contributions, le présent ouvrage contentera tous les passionnés de sciences humaines et sociales. Paru aux Presses de l’Université du Québec.

Qui sont les leaders derrière les mégaprojets?

Des mégaprojets d’infrastructure – des projets de plus d’un milliard de dollars qui nécessitent d’importants investissements publics et privés – sont lancés chaque année aux quatre coins de la planète. Ces projets complexes, qui comportent d’importants risques financiers et qui se terminent souvent par des retards et des dépassements de coûts, sont dirigés par des personnes qui doivent gérer une multitude de facteurs économiques, sociaux, technologiques, en plus de devoir composer avec des partenaires aux intérêts divergents. Qui sont ces leaders qui doivent à la fois diriger, gouverner et inspirer? Le livre Megaproject Leaders: Reflections on Personal Life Stories, publié sous la direction de la professeure du Département de management et directrice générale du Consortium international de recherche KHEOPS sur la gouvernance des grands projets d’infrastructure, Nathalie Drouin, en collaboration avec trois autres chercheurs de l’Europe, de l’Asie et de l’Océanie, porte sur les récits de vie de 16 leaders de mégaprojets issus de 10 pays. Basé sur une approche réflexive, l’ouvrage se penche sur la gestion de mégaprojets à travers l’expérience vécue par les dirigeants, ce qui permet d’identifier de nouvelles tendances dans le domaine. Pour le volet canadien, Nathalie Drouin a interviewé Réal Laporte, conseiller stratégique d’Hydro-Québec, et Jean-Marc Arbaud, responsable de la construction de la ligne de métro Canada Line de Vancouver. Édité chez Edward Elgar Publishing.

Démystifier le financement universitaire

Dix ans après le Printemps érable, la question du financement universitaire est toujours d’actualité. Selon le Bureau de coopération interuniversitaire, un organisme qui regroupe l’ensemble des universités québécoises, le problème du sous-financement s’est accru au cours de la dernière décennie, au point de nuire à l’accessibilité des études. Derrière le financement se pose une question centrale: comment détermine-t-on les subventions aux établissements universitaires? Le livre Démystifier la formule de financement des universités: compréhension des effets et des intérêts pour les institutions en enseignement supérieur se penche sur les mécanismes du financement public. Coécrit par le chargé de cours du Département des sciences économiques Pier-André Bouchard St-Amant, l’étudiante à la maîtrise en économique Lucie Raymond-Brousseau, la professeure d’économie au Cégep d’Alma Laurence Vallée et le professionnel de recherche à l’Université de Sherbrooke Matis Allali, l’ouvrage explore les effets des modifications possibles à la structure de la formule de financement et comment les établissements pourraient changer leurs comportements d’inscription. Le livre s’interroge aussi sur les réformes qui seraient susceptibles d’être endossées par différents établissements en fonction de leurs intérêts, de l’évolution historique des autres composantes du financement universitaire, et il développe des perspectives prévisionnelles de financement. Publié aux Presses de l’Université du Québec.

Les introvertis expliqués au reste du monde

«Si on m’avait demandé il y a vingt ans quel métier j’étais certain de ne jamais exercer dans la vie… je n’aurais probablement rien répondu, confie Olivier Niquet (B.Sc. urbanisme, 2005). Je ne parle pas beaucoup. Jamais je n’aurais imaginé faire de la radio. Jamais de la vie. N’empêche que c’est ce que je fais maintenant avec beaucoup de plaisir, et qu’au fil du temps, cette condition d’introverti est devenue ma marque de commerce. Je suis en quelque sorte le porte-parole des introvertis. Ou leur porte-silence.» Dans Les rois du silence, l’animateur qui officiait jusqu’à tout récemment à La soirée est (encore) jeune explique comment réfléchissent ses semblables, comment les nouvelles technologies ont libéré leur «parole» et comment on pourrait s’inspirer d’eux pour apporter plus de nuance dans nos débats, car dans un monde où les grandes gueules ont toujours le dernier mot, les introvertis peinent souvent à faire leur place, ou tout simplement à signifier leur existence. Olivier Niquet a su trouver le bon ton entre humour, vulgarisation et introspection, illustrant l’introversion à l’aide d’exemples vécus malaisants (évidemment!) et l’expliquant à coup de références scientifiques parfois solides, parfois volontairement hasardeuses. Du grand (et discret) Niquet! Publié aux Éditions de Ta Mère.

Fake news : au-delà des clichés

C’est devenu un lieu commun: les fake news ont envahi internet, et c’est la faute aux médias sociaux. Mais est-ce vraiment le cas? Comment expliquer cette vague de désinformation? Sommes-nous réellement entrés dans l’ère dite de la post-vérité? Pour le diplômé et professeur au collégial Philippe de Grosbois (M.A. sociologie, 2005), auteur de La collision des récits. Le journalisme face à la désinformation, il s’agit d’abord d’une crise de confiance envers le journalisme «positiviste», qui prétend se baser sur des faits empiriques et une éthique de la neutralité. Si les fausses nouvelles prolifèrent, ce n’est pas simplement parce qu’un public passif et crédule se fait berner par des «faits alternatifs», mais parce que les récits des médias traditionnels sonnent de plus en plus faux à nos oreilles, soutient le diplômé. Parallèlement à la montée du néolibéralisme, un nouveau régime de vérité aurait émergé à la fin du siècle dernier: non plus celui des faits tangibles et objectifs, mais celui de la vérité ressentie, ce dont témoigne le succès des chroniques et radios d’opinion. De plus, pandémie aidant, les théories complotistes ont gagné du terrain, brouillant encore davantage les frontières entre le vrai et le faux. Paru aux éditions Écosociété.