C’est au cégep Garneau que Gustavo Gabriel Santafé a eu la piqûre pour la politique. Ce fils d’une famille immigrante qui a fui la Colombie pour des raisons de sécurité quand il avait sept ans s’est toujours senti chez lui au Québec, son pays d’adoption. Au point de se passionner pour les questions constitutionnelles canadiennes: son mémoire de maîtrise retrace l’évolution de la position du Parti libéral du Québec (PLQ) par rapport au fédéralisme. Aujourd’hui, il entame la rédaction de sa thèse de doctorat et c’est vers son continent d’origine, l’Amérique latine, qu’il tourne son regard. Il étudie les liens entre fédéralisme et démocratie dans deux pays, l’Argentine et le Brésil, qui sont passés d’un régime militaire à un régime démocratique à la fin du siècle dernier.
À l’Université Laval, où il a fait son baccalauréat, l’intérêt de Gustavo Gabriel Santafé pour la science politique n’a fait que grandir. C’est l’un de ses professeurs, Guy Laforest, qui a ensuite été directeur de l’ENAP jusqu’au début de 2022, qui l’a introduit auprès d’Alain-G. Gagnon, professeur au Département de science politique et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en études québécoises et canadiennes. «Dès notre premier échange dans un colloque, en 2017, cela a cliqué entre nous», raconte le diplômé, qui a complété sa maîtrise avec lui.
Au moment de passer au doctorat, l’étudiant a contemplé la possibilité de poursuivre ses études dans une autre université, mais c’est finalement l’UQAM qui l’a emporté. «L’UQAM offre un milieu d’études très stimulant, avec une panoplie de centres et d’unités de recherche et beaucoup de possibilités pour m’épanouir comme étudiant», note-t-il.
Mais l’un des paramètres qui ont le plus pesé dans sa décision, confie-t-il, c’était son rapport avec son directeur de recherche. «Alain-G. Gagnon est une personne formidable et c’est une chance de travailler avec quelqu’un avec qui l’on s’entend aussi bien, dit-il. Je savais que cela influencerait tout mon parcours académique.»
Le PLQ et la place du Québec dans la fédération
C’est à la maîtrise que Gustavo Gabriel Santafé a commencé à s’intéresser aux questions entourant le fédéralisme. «À partir de prises de position du PLQ sur cet enjeu, j’analyse comment le parti conçoit la place du Québec au sein de la fédération et comment il réconcilie son idéologie fédéraliste avec son appartenance à la nation québécoise.»
Avec le diplômé Félix Mathieu (Ph.D. science politique, 2020), aujourd’hui professeur à l’Université de Winnipeg, il vient de publier un article sur ce sujet dans la revue Recherches sociographiques: «Le Parti libéral du Québec et le fédéralisme évolutif : (ré)actions face au dossier constitutionnel dans la vie politique québécoise post-1995». En 2019, il avait déjà cosigné un chapitre inspiré de sa recherche de maîtrise dans Ré-imaginer le Canada. Vers un État multinational?, un ouvrage paru sous la direction de Félix Mathieu et Dave Guénette.
Du côté du Brésil et de l’Argentine
Dans le cadre de son doctorat, Gustavo Gabriel Santafé a décidé de comparer comment deux états fédéraux d’Amérique latine, l’Argentine et le Brésil, ont évolué depuis la transition démocratique des années 1980. «Du point de vue des études fédérales, on considère que le lien entre fédéralisme et démocratie est important, observe-t-il. J’ai donc voulu explorer comment, dans des pays où la démocratie est moins solide qu’en Amérique du Nord ou en Europe, on peut développer une culture fédérale et des institutions qui s’arriment bien avec l’idéal du fédéralisme.»
D’autres fédérations latino-américaines, comme le Mexique ou le Venezuela, seraient intéressantes à étudier, note le chercheur. Mais il a préféré se concentrer sur les cas du Brésil et de l’Argentine, en raison du contexte historique et politique semblable dans lequel ces deux pays sont passés d’un régime militaire à la démocratie. Quant à son pays d’origine, la Colombie, ce n’est pas une fédération, mais un État unitaire.
Son analyse porte, entre autres, sur l’évolution des institutions fédérales, sur la décentralisation fiscale avant et après la transition, sur les arrangements constitutionnels et le respect des compétences. «La recherche va me permettre de dresser un tableau de l’état du fédéralisme dans ces deux pays et de dégager les enjeux les plus importants», précise le chercheur.
Selon lui, ces deux États ont beaucoup de travail à faire pour intégrer les peuples autochtones au sein des institutions fédérales. «Le dialogue entre les communautés apparaît comme une piste de solution intéressante, dit-il. Au Brésil, il sera intéressant de voir le résultat de l’élection en regard de cette question.»
Gustavo Gabriel Santafé suit avec beaucoup d’intérêt l’élection présidentielle dans ce pays dirigé depuis janvier 2019 par le politicien d’extrême droite Jair Bolsonaro. Après un premier tour, le 2 octobre, qui a laissé les deux principaux candidats, Bolsonaro et l’ex-président de gauche Luiz Inacio da Silva, pratiquement au coude-à-coude, le deuxième tour décidera de l’issue du scrutin le 30 octobre prochain.
«Le choix du président va nécessairement entraîner des conséquences sur l’avenir du pays, que ce soit sur le plan des projets de société ou de la place du Brésil sur la scène internationale, commente le doctorant. Une élection présidentielle est un événement qui expose les divisions de la société et la société brésilienne est très divisée, comme toutes les sociétés latino-américaines.»
Un étudiant investi
Très investi dans ses études, Gustavo Gabriel Santafé saisit toutes les occasions qui se présentent pour enrichir son parcours. «L’UQAM nous donne la chance de participer à des colloques, de voyager, de côtoyer des chercheurs d’autres universités, de publier seul ou avec des collègues, dit-il. C’est vraiment extraordinaire tout ce que l’on peut faire pour se développer comme chercheur.» Il est membre du Centre de recherche interdisciplinaire sur la diversité et la démocratie (CRIDAQ) et membre affilié au Groupe de recherche sur les sociétés plurinationales (GRSP).
Pour compléter ses recherches, le jeune homme a obtenu une bourse du Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC). Il a aussi eu des contrats d’assistant en enseignement et en recherche, et agit comme coordonnateur du Centre d’analyse politique – Constitution Fédéralisme (CAP-CF) dirigé par Alain-G. Gagnon.
Au CAP-CF, le doctorant effectue des tâches administratives et s’implique tout particulièrement dans l’organisation de colloques et autres événements. «C’est intéressant, car cela permet de voir comment se planifie un colloque, de l’idée de départ jusqu’à la concrétisation de l’événement.»
Gustavo Gabriel Santafé trouve intéressant de se familiariser avec toutes les facettes du monde de la recherche. Mais il y voit aussi un potentiel de développement de carrière. «À l’université, on n’apprend pas seulement à devenir chercheur ou professeur, souligne-t-il. On développe aussi de nombreuses aptitudes qu’on peut faire valoir dans d’autres milieux.»