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La numératie dès le préscolaire

Il existe plusieurs activités sous forme de jeux visant à initier les enfants aux bases des mathématiques.

Par Pierre-Etienne Caza

25 avril 2022 à 10 h 04

Mis à jour le 9 juin 2022 à 13 h 09

Photo: Getty Images

Si la littératie est le socle sur lequel on construit l’apprentissage du français, «la numératie peut être considérée comme le fondement de la réussite en mathématiques. Il est souhaitable que tous les enfants débutent la première année du primaire avec une bonne préparation à cet égard», peut-on lire dans un rapport rendu public le 22 avril dernier par le Centre d’études sur l’apprentissage et la performance (CEAP) de l’UQAM. 

Le débat entourant les interventions au préscolaire est très émotif, reconnaît d’emblée le professeur du Département d’éducation et formation spécialisées Éric Dion, qui cosigne le rapport avec ses collègues Isabelle Plante (didactique), Patrick Charland (didactique), Stéphane Cyr (mathématiques) et Eugene Borokhovski, responsable des recensions systématiques à l’Université Concordia. «Pour certaines personnes, il faut laisser les enfants jouer librement au préscolaire, tandis que d’autres prônent l’introduction d’activités de nature pédagogique. Les deux visions s’affrontent, mais je pense qu’on peut trouver un juste milieu.»

L’apprentissage formel et l’évaluation des acquis débutent en première année du primaire et cela doit demeurer ainsi, poursuit Éric Dion. «La maternelle est un milieu d’accueil et de jeu qui sert à sécuriser les enfants en vue de la première année, mais on peut mettre en place des activités afin qu’ils se familiarisent avec la numératie. L’objectif est d’établir les bases de la réussite pour égaliser les chances de tous les enfants.» 

Méta-analyse et exemples concrets

 «La première étape de notre démarche visait à recenser l’ensemble des études ayant évalué l’efficacité d’interventions visant à soutenir les apprentissages dans différents domaines de la numératie chez les enfants d’âge préscolaire», explique Éric Dion. 

Les 145 études retenues s’intéressent, par exemple, aux précurseurs (comme la capacité à comparer visuellement des quantités sans pour autant connaître le nom des nombres ou les symboles qui les représentent), au sens du nombre (les relations entre les nombres et les opérations simples avec ceux-ci), à la géométrie et à la mesure.

Toutes ces études s’appuient sur des données probantes, c’est-à-dire qu’elles comparent des groupes qui testent la nouvelle intervention avec des groupes témoins qui poursuivent les activités habituelles. «Une intervention est considérée comme efficace lorsqu’elle génère de meilleurs apprentissages que la pratique usuelle», précise le spécialiste.

L’originalité de cette méta-analyse repose sur l’utilisation d’exemples concrets pour illustrer les tendances dégagées des analyses. «Nous avons contacté les chercheuses et chercheurs pour être certains de bien présenter les interventions qu’elles et ils ont testé dans leurs études. À ma connaissance, c’est une première dans le cadre d’une méta-analyse», affirme Éric Dion. Même si elles prennent toutes l’apparence de jeux, ces interventions se distinguent par leur variété. Certaines reposent sur du matériel manipulable, alors que d’autres misent plutôt sur le numérique.

Besoin d’évaluations longitudinales

Si le rapport souligne qu’il est possible pour les enfants du préscolaire de se familiariser avec la numératie dans le cadre d’activités ressemblant à des jeux, il n’est pas établi que ces premiers apprentissages augmentent durablement les chances de réussite, étant donné l’absence quasi généralisée de suivi dans les études. 

«Les rares études qui ont évalué la rétention des acquis ont démontré que la différence était minime pour les élèves forts et les élèves moyens, mais que cela avait un impact chez les élèves en difficulté, souligne toutefois Éric Dion. Cela dit, il n’y a pas suffisamment d’études ayant effectué un véritable suivi, sur une longue période, pour se prononcer sur la question.»

En littératie, il existe depuis quelques années un dialogue fécond entre chercheurs et praticiens, une dynamique moins développée dans le domaine de la numératie. Les auteurs du rapport espèrent donner une impulsion à ce type d’échanges. «Le rapport commençait à peine à circuler dans nos réseaux que des enseignantes signifiaient leur volonté de tester certaines interventions que nous avons identifiées. C’est signe qu’un besoin existe à cet égard», conclut le professeur.