Le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, annonce la signature d’une entente de 900 000 dollars avec la Chaire en macroéconomie et prévisions de l’École des sciences de la gestion (ESG UQAM) pour la création d’un axe de recherche relatif au marché du travail. Ce nouveau chantier de recherche sera sous la responsabilité du professeur du Département des sciences économiques Étienne Lalé, membre de la Chaire et spécialiste de l’économie du travail et de la macroéconomie.
L’entente, d’une durée de trois ans, permettra au ministère de recourir à une expertise de pointe pour effectuer des études sur divers enjeux associés à la dynamique du marché du travail: les besoins des entreprises en matière de recrutement, les caractéristiques des travailleurs et travailleuses disponibles, la rareté de la main-d’œuvre et les besoins du marché de l’emploi en matière de formation.
«Notre tâche consistera à produire une expertise économique en établissant des indicateurs, en faisant de la modélisation macroéconomique et des prévisions, explique Étienne Lalé. Nous organiserons également des conférences et des colloques, publierons des articles scientifiques et contribuerons à la formation des étudiants qui participeront aux travaux de la Chaire.»
La rectrice de l’UQAM, Magda Fusaro, se réjouit de ce nouveau financement, accordé par le ministre Jean Boulet, qui confirme, dit-elle, la très haute qualité des expertises développées au sein de la Chaire en macroéconomie et prévisions. «Ce nouvel axe de recherche permettra de développer des connaissances de pointe sur les fluctuations et l’évolution du marché de l’emploi. Assurément, les travaux menés sous l’égide de la Chaire apporteront un éclairage précieux dans le contexte des transformations rapides que connaît l’économie québécoise et canadienne.»
Les professeurs du Département des sciences économiques Alain Guay et Dalibor Stevanovic, cotitulaires de la Chaire, rappellent que les enjeux liés au marché de l’emploi, tels que la rareté de la main-d’œuvre et la productivité, ont une incidence directe sur le développement économique du Québec. «C’est pourquoi il est important de comprendre la dynamique du marché de l’emploi, soulignent-ils, afin de développer de nouveaux outils d’analyse macroéconomique et économétrique permettant d’améliorer la connaissance et la prévision des conditions du marché du travail.»
Pénurie de main-d’œuvre
Le Québec est actuellement confronté à une pénurie de main-d’œuvre, souligne le ministre Jean Boulet. «Le déséquilibre engendré par la réduction du nombre de personnes en âge de travailler et la transformation des besoins de main-d’œuvre attribuable aux changements technologiques et à la croissance économique vont perturber le marché du travail pour au moins les 10 prochaines années», soutient le ministre.
«Le ministère nous demande de chercher à mieux comprendre le phénomène de rareté de main-d’œuvre, dit Étienne Lalé. Dans un premier temps, il s’agira de bien le quantifier, ce qui exige de produire des statistiques très fines concernant différents secteurs d’emploi dans différentes régions du Québec. Nous avons besoin de savoir si on y trouve trop ou pas assez de travailleurs, trop ou pas assez d’emplois vacants.»
On sait déjà que certains secteurs sont particulièrement touchés par la pénurie de main-d’œuvre, comme ceux des technologies de l’information, de la santé, de la construction et de la restauration. Le défi est d’expliquer ce qui provoque cette pénurie, laquelle existe aussi dans plusieurs pays développés.
«Le vieillissement de la population constitue un facteur structurel important, alors qu’une partie des travailleurs âgés partis à la retraite ne sont pas remplacés, relève le professeur. Par ailleurs, on observe un autre facteur, davantage conjoncturel et lié à la pandémie. Des travailleurs susceptibles d’être recrutés dans telle profession ou tel métier choisissent de ne pas occuper les emplois disponibles, estimant que le travail y est trop difficile, peu sécuritaire, peu valorisé ou mal rémunéré. Plusieurs d’entre eux décident de se réorienter ou de changer de carrière.»
Quelles conséquences cela peut-il entraîner? L’impact premier, que l’on peut commencer à mesurer, est celui de la pression à la hausse sur les salaires. «Pour les travailleurs, le contexte de rareté de la main-d’œuvre constitue une occasion pour demander à leurs employeurs des augmentations de salaires ainsi que l’amélioration de leurs conditions de travail et des formations qualifiantes, note Étienne Lalé. Cela a pour effet d’accentuer la pression inflationniste. Pour absorber une partie des coûts associés aux hausses salariales, les entreprises sont tentées d’augmenter les prix de leurs produits et services.»
La situation est particulièrement difficile pour les petites entreprises. Même si plusieurs d’entre elles ont réussi à survivre à la pandémie, elles sont en compétition avec des joueurs plus gros qu’elles. «C’est le cas, notamment, dans le domaine de la restauration, indique le chercheur. Un petit restaurant indépendant aura du mal à conserver ses employés, sachant que ces derniers pourraient gagner 20 dollars de l’heure en allant travailler chez Starbucks.»
Autres thèmes prioritaires
En vertu de l’entente avec le ministère, d’autres sujets, reliés entre eux, feront prioritairement l’objet des recherches de la Chaire, tels que ceux concernant l’indice salarial, la rotation de la main-d’œuvre, le taux de chômage, l’immigration et l’incidence de la productivité sur la croissance économique.
«Il existe, par exemple, une relation directe entre la question salariale et la rotation de la main-d’œuvre, dit Étienne Lalé. Par leur mobilité, les travailleurs mettent les entreprises en concurrence les unes avec les autres, entraînant encore une fois une pression à la hausse sur les salaires. Mais cette rotation fait aussi en sorte que des travailleurs quittent des secteurs d’activités en déclin pour aller vers des secteurs en expansion, participant ainsi à améliorer la productivité du travail et la croissance économique.»
Au cours des trois prochaines années, la Chaire travaillera avec des chercheurs d’autres universités, notamment de l’Université Laval, et favorisera les échanges entre le milieu académique et différentes institutions à vocation économique au Québec et au Canada.
Créée en janvier 2020 grâce à un appui financier de plus de 1,5 million de dollars du ministère des Finances du Québec, d’Hydro-Québec et de la Caisse de dépôt et de placement du Québec, la Chaire a pour mission d’expliquer et de mieux prévoir les grandes récessions, les crises générées par les dettes de plusieurs pays ainsi que l’impact des changements climatiques sur l’emploi et l’activité économique. Elle effectue une veille sur les économies du Québec, du Canada et de leurs principaux partenaires commerciaux à l’international, étudie les interactions entre différents secteurs d’activité économique, de même que les effets des politiques macroéconomiques (monétaire, budgétaire et fiscale).