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Dialogue avec les jeunes autour du climat

Une équipe du Geotop a conçu un projet de transfert de connaissances sur la crise climatique: «un sujet chaud qui peut donner le frisson».

Par Claude Gauvreau

6 septembre 2022 à 15 h 13

Parce que leur avenir est en jeu, les jeunes se sentent davantage concernés par les enjeux environnementaux que les générations précédentes. Quelles sont leurs préoccupations et interrogations? Disposent-ils d’outils adéquats pour comprendre les enjeux complexes liés à la crise environnementale? Pour le savoir, une équipe du Centre de recherche sur la dynamique du système Terre (Geotop) dirigée par la professeure du Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère Anne de Vernal a mis sur pied un programme original, «Tête-à-tête pour le climat: dialogue autour d’un sujet chaud qui peut donner le frisson».

Composée d’étudiantes et d’étudiants de maîtrise et de doctorat, l’équipe a conçu un projet de transfert de connaissances destiné principalement aux élèves d’écoles secondaires. Il prévoit l’organisation d’ateliers pédagogiques dans des classes, la mise sur pied d’une exposition thématique itinérante, comprenant une vingtaine d’œuvres d’art, et la tenue d’une conférence participative.

«Il s’agit d’engager un dialogue au moyen d’ateliers pédagogiques portant non seulement sur les causes et les impacts des changements climatiques, mais aussi sur les méthodes utilisées pour les documenter afin de mieux faire connaître la démarche scientifique.»

Natasha Roy

Agente de recherche au Geotop

«Nous visons à partager des connaissances scientifiques sur les changements climatiques en tenant compte des préoccupations et des questionnements des jeunes», explique Natasha Roy, agente de recherche au Geotop et coordonnatrice du projet. «Il s’agit d’engager un dialogue au moyen d’ateliers pédagogiques portant non seulement sur les causes et les impacts des changements climatiques, mais aussi sur les méthodes utilisées pour les documenter afin de mieux faire connaître la démarche scientifique», souligne celle qui est également chercheuse postdoctorale au Geotop

Le projet est financé par le programme de projets collaboratifs du Geotop et par le programme Dialogue des Fonds de recherche du Québec, dont l’objectif est de soutenir l’engagement de chercheuses et chercheurs universitaires dans des activités de communication et de vulgarisation scientifiques auprès du grand public.

Responsable du projet Tête-à-tête pour le climat, Anne de Vernal est une pionnière de la paléo-océanographie. Elle a remporté en 2020 le Prix du Québec Marie-Victorin, la plus haute distinction attribuée par le gouvernement du Québec dans le domaine des sciences naturelles et du génie. La professeure s’intéresse aux micro-organismes fossilisés dans les sédiments au fond des océans, qui permettent de remonter le temps jusqu’à des millions d’années, fournissant des données précieuses pour évaluer et comprendre les changements climatiques.


Des jeunes préoccupés

Jusqu’à maintenant, l’équipe du Geotop a organisé des ateliers dans trois écoles secondaires, rejoignant quelque 200 élèves: le collège de Lévis, en banlieue de Québec, l’école Wilfrid-Léger, à Waterloo (Estrie) et l’école Uashkaikan, située sur le territoire innu de Pessamit (Côte-Nord). Les ateliers étaient animés par Natasha Roy et Jade Falardeau, doctorante en sciences de la Terre.

«Les jeunes que nous avons rencontrés sont notamment préoccupés par le fait que nos automnes sont de plus en plus chauds, que l’hiver débute plus tard et se termine plus tôt. (…) Certains s’interrogent sur le seuil maximal de réchauffement que la Terre peut tolérer.»

«Les jeunes que nous avons rencontrés sont notamment préoccupés par les changements climatiques saisonniers, par le fait que nos automnes sont de plus en plus chauds, que l’hiver débute plus tard et se termine plus tôt, raconte Natasha Roy. Ils se demandent s’il y aura encore de la neige dans 100 ans. Ils remarquent que le couvert forestier diminue autour d’eux et s’inquiètent pour l’avenir des arbres, de la faune et de la flore. Certains ont demandé quel est le seuil maximal de réchauffement que la Terre peut tolérer? D’autres ont évoqué le spectre de la disparition de l’espèce humaine.»

Certes, certains jeunes étaient plus inquiets que d’autres, remarque l’agente de recherche. «Dans les discussions, nous avons essayé de ne pas tomber dans une forme de catastrophisme, comme le font parfois certains médias, sans pour autant minimiser la gravité des enjeux. Nous avons insisté sur la nécessité et la possibilité d’agir individuellement et collectivement pour éviter que la situation ne se dégrade davantage.»

Exposition itinérante

Les résultats des discussions dans les ateliers alimenteront les contenus de textes scientifiques vulgarisés produits par des étudiantes et étudiants des cycles supérieurs de la Faculté des sciences, contenus qui seront validés par des chercheurs de la Faculté et archivés sur le site web du Geotop. «Ces documents synthèse serviront à définir les thèmes d’une exposition itinérante et d’une conférence, en collaboration avec le Cœur des sciences, partenaire principal du projet», indique Natasha Roy.

L’exposition itinérante proposera une dizaine d’œuvres d’art, accompagnées de fiches informatives, qui illustreront les enjeux climatiques soulevés par les jeunes des écoles secondaires lors des ateliers. Les œuvres seront créées par des étudiantes et étudiants de l’École des arts visuels et médiatiques et de l’École de design. «Des discussions sont présentement en cours avec ces deux départements sur l’organisation d’un concours, note la coordonnatrice. L’objectif est de verser une bourse à chaque étudiante ou étudiant dont l’œuvre aura été choisie dans le cadre du concours.».

Anna Brunette, étudiante à la maîtrise en histoire de l’art, agira à titre de commissaire de l’exposition, dont le vernissage aura lieu à l’UQAM au printemps 2023. «Son expérience en muséologie nous sera particulièrement utile, dit Natasha Roy. Elle nous aidera à déterminer les critères à partir desquels les œuvres seront sélectionnées.»

«L’originalité du projet Tête-à-tête pour le climat réside dans l’utilisation de l’art comme outil de communication pour véhiculer des contenus scientifiques vulgarisés et répondre aux questions des jeunes.»

L’exposition circulera dans les écoles secondaires ayant accueilli des ateliers pédagogiques et dans différentes régions du Québec afin d’atteindre un large public. «L’originalité du projet Tête-à-tête pour le climat réside dans l’utilisation de l’art comme outil de communication pour véhiculer des contenus scientifiques vulgarisés et répondre aux questions des jeunes, observe sa coordonnatrice. L’art permet de faire jouer la corde de l’émotion et de toucher des personnes moins sensibles au langage de la science.»

Conférence participative

L’équipe du Geotop prévoit aussi l’organisation d’une conférence sur le thème des changements climatiques, qui sera intégrée au programme Sprints de science offert par le Cœur des sciences depuis 2019. Ce programme propose à des élèves d’écoles secondaires de vivre les étapes de la démarche scientifique et de les sensibiliser à des enjeux pouvant avoir une incidence sociétale dans le cadre de conférences participatives se déroulant en direct et sur Zoom. Il permet chaque année de rejoindre plus de 10 000 jeunes.

La conférence sur les changements climatiques sera préparée par des étudiantes et étudiants des cycles supérieurs en sciences de la Terre et en sciences de l’environnement, en collaboration avec le Cœur des sciences. L’objectif est qu’elle soit aussi présentée au-delà de la durée de la subvention du programme Dialogue des Fonds de recherche du Québec afin d’assurer une pérennité au projet.

Le projet Tête-à-tête pour le climat comporte de nombreux défis, mais il est enthousiasmant, confie Natasha Roy. «C’est un projet très formateur pour les étudiantes et étudiants qui y participent de près ou de loin. Cela leur permet de se familiariser avec les activités de communication et de vulgarisation scientifiques, ce qu’ils n’ont pas souvent l’occasion de faire au cours de leur scolarité de maîtrise ou de doctorat.»